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PSG : La magie d’Angel Di Maria

Thibaud Leplat

Mis à jour 10/09/2015 à 16:52 GMT+2

LIGUE 1 - A Monaco pour son premier match sous le maillot bleu et rouge, Angel Di Maria a mis seize minutes avant de délivrer une première passe décisive à Ezequiel Lavezzi. On savait déjà que Di Maria était un magicien. Ce qu’on ne savait pas encore c’est qu’aussi vite, à notre tour, on allait tomber sous le charme.

Angel Di Maria avec le PSG

Crédit: Panoramic

Il a le nez busqué, les oreilles décollées du crâne à l’exacte mesure que son menton en galoche donne à l’ensemble de sa physionomie une sensation de disproportion. Ses traits ne sont ni nets, ni fins, son dos semble souffrir d’une scoliose prématurée et lorsqu’il court, le gamin ressemble à l’un de ces pantins désarticulés dont les bras tournent autour du corps tandis que ses jambes, elles, semblent suivre une destinée propre. Certains reconnaissent même dans ses yeux exorbités, cette manière gauche de poser ses mains sur ses hanches pour reprendre sa respiration, les traits d’Alf, le nounours cosmique des années 80. S’il n’était pas joueur de football, il ne porterait peut-être pas cette crête d’iroquois sur la tête, seule concession accordée à la civilisation de l’image à laquelle désormais il appartient.
Angel Di Maria, il faut bien le reconnaître, est un crapaud. Lorsque son train inférieur démarre, il ressemble à tous les autres gamins dans les cours d’école, ceux qui n’ont pas encore été dressés à courir les coudes le long du corps, le tronc bien droit, le visage immobile, inexpressif. Il court encore comme on courait il y a vingt ans. Di Maria n’a pas le flegme d’un Aimar, d’un Riquelme, d’un Pastore. Mais il a celui de Butragueño, de Djorkaeff, de Valdo. Quand le ballon lui arrive dans les pieds, un charme mystérieux s’empare de tous les spectateurs.

Détourner l’attention

C’est ainsi que le tour commence. Il dilate l’espace-temps en transformant la durée en une forme plastique. Chez Di Maria ce n’est pas le pied qui gouverne, c’est le corps tout entier. Le déséquilibre vient d’une attitude, d’un appui à gauche, puis à droite, puis encore à droite, d’une certaine véhémence dans la feinte de corps. Après cette première accélération, il nous condamne à l’hébétude en agitant ensuite son pied gauche comme un magicien agiterait un foulard sous les yeux des spectateurs attentifs au moindre de ses gestes experts. On a beau savoir qu’on ne peut pas physiquement cacher un pigeon dans une manche de chemise, des centaines de mouchoir multicolores dans une seule poche de pantalon, il y a toujours quelque chose en nous qui résiste à l’incrédulité. On sait depuis l’adolescence que les pouvoirs magiques n’existent pas. Qu’il y a toujours un truc. Mais, c’est inéluctable, on ne peut pas s’empêcher d’admirer. Et si c’était possible de vivre avec un lapin dans la poche de son short ? Et si la magie existait vraiment ?
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Angel Di Maria (PSG)

Crédit: Panoramic

C’était dimanche 30 août à Monaco pour son premier match en France. Le tour débuta vers la 83e minute, au moment où Di Maria envoya un ballon dans la profondeur vers Lavezzi. Le corps tourné d’un côté, planté dans sa moitié de terrain, Angel faisait s’envoler un ballon au-dessus de toutes les têtes. Où allait donc terminer cette cloche que la courbe du ballon était en train de dessiner sous nos yeux ? Pouvait-on vraiment trouver une ouverture le dos tourné au jeu ? Aussi, au lieu d’être un peu observateurs et de deviner l’appel de son assistant Lavezzi dans le dos de Raggi (vingt minutes plus tôt, pour son premier ballon, Di Maria avait lui-même initié exactement le même appel dans la même profondeur, c’est donc bien que quelque chose se préparait); nous prîmes pour magie ce qui pourtant n’était que vitesse et observation.
La cloche vint rebondir juste devant Ezequiel, comme pour l’inviter poliment à prendre le temps d’armer son pied droit avant de conclure cette trajectoire bruyante d’une volée finale. Le mérite de ce but n’est pas seulement d’offrir une passe décisive aussi esthétique soit-elle. Non. Le mérite de ce but est d’avoir vaincu nos dernières réticences de spectateur exigeant. Quand tous nous avions fixé son pied, lui avait déjà les yeux tournés de l’autre côté. Après un premier dribble pour se débarrasser d’un défenseur trop collant, il y a toujours, chez ce genre de joueur, une seconde feinte “celle qui argumente quelque chose mais qui dit le contraire” écrit Roberto Fontanarrosa, natif de Rosario comme lui. Voilà pourquoi il y a dans le football de Di Maria, ses crochets frénétiques, son refus obstiné de jouer de son pied “faible”, quelque chose qui n’appartient pas à notre temps, à notre monde.

Magic Maria

Et le tour ne s’arrête pas là car l’art de Di Maria ne se contente pas de changer n’importe quelle passe en explosif. Il sait aussi changer n’importe quel billard vert monégasque en potrero bancal de son Rosario natal. Quand il colle le ballon à son pied et qu’on voit partir au loin son numéro d’ailier traditionnel claquant dans le dos (le numéro 7 à Manchester, le 11 à Paris), on sait que le véritable accessoire d’un tel magicien ce n’est pas la pelouse qu’il foule mais la craie qu’il frôle, celle qui trace des lignes de touche entre ici et là-bas, entre chez nous et chez lui. À ces joueurs-là, à Rosario, on ne leur demande pas de participer au jeu, seulement d’apparaître rapidement quand on leur balance des ballons au large priant secrètement qu’ils transforment une transversale ratée en passe décisive brillante. Chez Di Maria, la promesse c’est le but mais la passe c’est le prestige.
Ce soir-là dans un stade, au moment de contrôler le ballon, le vrai tour, celui dont on ne s’aperçoit même plus, venait de réussir. Un ballon venait de changer un crapaud en prince. Le stade dissimulé derrière une façade d’immeuble se change alors en Gigante de Arroyito, le théâtre jaune et bleu de Rosario Central, planté au bord du fleuve Panama, au milieu de la Pampa.
“Rosario c’est une forme exagérée d’être argentin” dit un jour Jorge Valdano, natif de la province. Et, le charme opérant maintenant sur nous pour toujours, Angel Di Maria peut nous entraîner désormais à sa suite d’asados en asados. Au milieu d’eux, on exagèrerait aussi. On parlerait aussi bien de Borgès que de Leo Messi, de Marcelo Bielsa que du Che Gevara. Dans notre rêve, ce serait toujours la veille d’un derby Newells-Rosario Central. L’un de nous attraperait une poubelle, la retournerait et battrait la mesure. Tous, rigolards et épuisés, nous entrerions dans la cadence et nous mettrions à chanter ensemble le refrain qu’Angel avait choisi pour son bizutage la veille de ce Monaco-PSG sous le visage hilare de Pocho Lavezzi “coooooooogemos todoooooos, si nos organizamos cogemos tooooodoooooooos” (on croquera tous, si on s’organise bien, on croquera tous…). Programme pour la saison 2015/2016 : bacchanales de feintes et d’éclats de rire. Festin de crochets et de passes en profondeur.
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