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Bielsa, huit manières de quitter un club

Thomas Goubin

Mis à jour 30/11/2017 à 11:38 GMT+1

LIGUE 1 - Au cours de sa carrière, Marcelo Bielsa a rarement été licencié, mais a souvent quitté ses fonctions dans le bruit de la vaisselle cassée. Retour sur les départs peu conventionnels du singulier entraîneur argentin.

Marcelo Bielsa lors de la défaite de Lille à Rennes (1-0)

Crédit: Getty Images

Mercredi, alors que Marcelo Bielsa n'a pas répondu à la convocation du LOSC à un entretien préalable à un éventuel licenciement, Lille a montré qu'il existait peut-être un avenir sans lui en obtenant sa première victoire depuis sa mise à l'écart, sur le terrain de Lyon (1-2). Suspendu momentanément de ses fonctions depuis le 22 novembre, El Loco était pourtant la pierre angulaire du projet du LOSC. L'Argentin avait ainsi dessiné un effectif à son goût, le plus jeune d'Europe, à qui ce formateur dans l'âme devait appliquer son traitement de choc. Les résultats tardaient, certes, à être au rendez-vous, mais Bielsa semblait avoir du temps.
Habitué à signer pour un an, son contrat portait là sur deux saisons. Face à Luis Campos, la lutte allait pourtant se révéler inégale. Alors que le clan du Portugais intriguait en coulisses et abreuvait la presse d'informations visant à nuire, El Loco restait droit dans ses bottes. Dans le cadre de sa procédure de licenciement, Bielsa sera entendu le 12 décembre, devant la commission juridique de la LFP. Bien décidé à se battre pour faire valoir ses droits, El Loco a rarement été démis de ses fonctions au cours d'une carrière où il a, en revanche, multiplié les démissions.
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Marcelo Bielsa

Crédit: Getty Images

Sa première démission

Deux fois champion d'Argentine en deux ans avec Newell's Old Boys, son club formateur (1990-91, et tournoi de fermeture 1992), Marcelo Bielsa estimait avoir bouclé la boucle. En accord avec ses dirigeants, le natif de Rosario avait d'ailleurs programmé son départ : il ferait ses valises pour le Mexique après un match aller-retour face à River Plate, qui devait décider d'une qualification pour la prochaine Copa Libertadores. Mais les dirigeants des Leprosos, surnom du club, allaient finalement se faire prendre de court par El Loco.
Alors que Newell's, tout juste sacrés champion, devait disputer une rencontre amicale face aux Paraguayens d'Olimpia, manière de prolonger la communion entre joueurs et supporters, Bielsa prit le rendez-vous un peu trop au sérieux. La veille, le défenseur, Dario Franco, se mariait, et le plus jeune entraîneur champion d'Argentine, à 36 ans, demanda à ses joueurs de cesser les festivités à minuit. Après négociation, Mauricio Pochettino et consorts obtiendront tout de même la permission de trois heure du matin, mais le jour du match, Bielsa n'est pas disposé à modérer d'un pouce son exigence. A la mi-temps, Newells est mené 2-0 par les Paraguayens, et El Loco décide de changer tout son onze. Le lendemain, il donne sa démission. La première d'une longue série …
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Marcelo Bielsa lors d'un hommage réservé par les Newell's Old Boys en 2009

Crédit: Getty Images

La vie sans Luis Bonini

"Faîtes ce que vous voulez, moi je vais voir mon ami". Selon un journaliste d'ESPN Argentine, ces paroles prêtées à Marcelo Bielsa auraient précipité son licenciement du LOSC, en quête d'une faute grave pour éviter le versement de lourdes indemnités à l'Argentin. Un fait irréfutable : El Loco entretenait une relation de très longue durée avec Luis Bonini, son préparateur physique, adjoint, et "ami", décédé jeudi dernier. Bielsa et Bonini ont commencé à collaborer, en 1992, à l'Atlas Guadalajara.
Le préparateur physique le suivra à l'Espanyol Barcelone, avec l'Albiceleste, avec la sélection chilienne, et à l'Athletic Bilbao, mais en 1994, il quitte toutefois le Mexique pour repartir en Argentine. La saison suivante, l'effectif de l'Atlas va être décimé par les blessures. Selon la presse mexicaine, c'est après avoir eu un violent différend avec son nouveau préparateur physique, que Bielsa décide de démissionner au terme de la 23e journée. Pour El Loco, c'était une manière d'assumer son erreur de casting dans le choix de l'un de ses collaborateurs. Le très haut sens de la responsabilité de Bielsa se trouve derrière certaines de ses démissions.
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Marcelo Bielsa sur le banc de Lille

Crédit: Getty Images

América Mexico, premier licenciement

En règle générale, la confiance déposée en la compétence de Bielsa est souvent telle qu'elle conduit ses dirigeants à accepter les dommages collatéraux de son exigence démesurée et de ses coups de sang. Bielsa n'a d'ailleurs été véritablement licencié qu'à une seule reprise au cours de sa carrière. C'était il y a vingt-deux ans, à Mexico. Formateur dans l'âme, El Loco avait surpris en acceptant la proposition de l'América, club le plus puissant du Mexique, un peu comme son rôle de garant sportif du projet spéculatif de Gérard Lopez pouvait étonner.
Champion d'automne, Bielsa ne fera pourtant pas de vieux os à Mexico. Après trois défaites de rang, il se fait virer alors que l'América est déjà qualifié pour la Liguilla, les playoffs qui concluent le championnat mexicain (saison 1995-1996). Televisa, l'impitoyable propriétaire des Aguilas, qui fait la loi au sein du foot mexicain comme les présidents de la République, n'a jamais été du genre à se montrer patient. Bielsa n'acceptera pas son licenciement. Il obtiendra 600 000 dollars d'indemnité.
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Marcelo Bielsa.

Crédit: Getty Images

L'appel de la patrie

Quand il signe à l'Espanyol Barcelone, Marcelo Bielsa vient de remporter un troisième titre de champion d'Argentine, cette fois, avec Vélez Sarsfield. El Loco sait alors qu'il est l'un des candidats pour reprendre en main l'Albiceleste au terme de la Coupe du monde 1998. Il a d'ailleurs inclus une clause dans son contrat avec les Periquitos lui permettant de quitter le club en cas d'offre de la sélection argentine.
Celle-ci ne tarde pas à arriver, deux mois seulement après sa prise en main de l'effectif, et va provoquer un bras de fer avec sa direction. Bielsa finit toutefois par accepter de rester jusqu'à ce que le club lui trouve un remplaçant. Officiellement, El Loco sera licencié après une défaite, le 19 septembre, mais il s'agissait surtout d'une manière pour le club de manifester son mécontentement envers Bielsa, qui n'allait de toute manière pas tarder à partir. Son remplaçant, Miguel Angel Brindisi, prend en charge l'Espanyol le lendemain de son départ.
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Marcelo Bielsa

Crédit: Panoramic

Rincé, il quitte l'Albiceleste

A la tête de l'Argentine depuis 1998, Bielsa avait été reconduit au terme du Mondial 2002, malgré l'humiliante élimination de Gabriel Batistuta et consorts au premier tour. El Loco avait célébré cette décision, comme le plus grand succès de sa carrière, "car il s'agit d'une reconnaissance de mon travail dans l'échec". Pour El Loco, les résultats ne doivent pas faire office d'ultime juge de paix. Les dirigeants devaient toutefois se féliciter d'avoir prolongé son contrat, quand la sélection olympique, cornaquée par Bielsa, remporte le premier titre de son histoire, à Athènes, en 2004, alors que l'Albiceleste avait été à deux doigts, quelques semaines auparavant, de remporter la Copa América, face au Brésil. Les éliminatoires pour le Mondial 2006 étaient aussi bien entamés.
Malgré cet horizon dégagé, Bielsa allait stupéfier tout un pays en annonçant sa démission quelques jours après une victoire de l'Albiceleste au Pérou (1-2). El Loco se dit "épuisé". "Je ne dispose plus de l'énergie que requiert ce poste", assure-t-il. Démissionner après une victoire, une décision en rupture avec la norme, mais cohérente selon la logique particulière de Bielsa.
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Marcelo Bielsa et l'Argentine échouent au premier tour de la Coupe du monde 2002

Crédit: Imago

Non au foot-business

Au Chili, la cote de popularité de Marcelo Bielsa était au plus haut après le Mondial 2010, le premier auquel avait participé la sélection depuis 1998. El Loco allait pourtant s'en aller, en février 2011. La raison ? Alors qu'Harold Mayne-Nicholls, un catholique social, l'avait convaincu de diriger la Roja, en 2007, un clan d'entrepreneurs venait de prendre le pouvoir au sein de l'ANFP (équivalent de la FFF). Avant même les élections, Bielsa manifesta d'ailleurs qu'il refuserait de collaborer avec des partisans du foot-business, dont certains avaient des accointances avec l'ancien régime dictatorial d'Augusto Pinochet. Alors qu'il avait signé un nouveau contrat l'engageant jusqu'en 2015, il démissionna, plutôt que de chercher à courir l'indemnité comme tant de ses collègues moins scrupuleux.
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Marcelo Bielsa Chili 2010

Crédit: AFP

Marseille pris de court

A l'OM, c'est encore une raison "éthique", comme il le soutint en septembre dernier, lors d'une conférence de presse, qui le conduit, à nouveau, à prendre à revers ses dirigeants : cette fameuse démission au terme de la première journée de la saisons 2015-2016. Alors que ses relations avec Vincent Labrune étaient tendues depuis la fin du mercato d'été 2014, où le président n'avait pas répondu à certaines ses exigences, Bielsa n'allait pas accepté que l'on cherche à modifier son contrat, notamment une baisse les émoluments de ses adjoints, deux jours avant le début de saison. Décidé à quitter le club, El Loco dirigea tout de même le premier match, pour ne pas "compromettre sa préparation". Des dirigeants phocéens laissèrent alors entendre que la démission de Bielsa avait tout d'une manœuvre machiavélique pour pouvoir prendre en main la sélection mexicaine. Le futur leur donnera tort ... Comme les décideurs chiliens, ceux de l'OM tentèrent aussi de faire passer Bielsa pour un homme vénal. El Loco a pourtant l'habitude de signer des contrats d'un an, qui limitent logiquement la possibilité de bénéficier de juteuses indemnités. C'est ce qu'il avait fait à l'OM. Quand il quitte le Vieux Port, l'Argentin n'avait d'ailleurs toujours pas signé son contrat pour la saison qui s'amorçait …
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Marcelo Bielsa à l'OM

Crédit: AFP

Le mirage italien

Un an après son départ avec fracas de l'OM, El Loco allait faire encore plus fort. Il démissionne, cette fois, de la Lazio Rome, deux jours seulement après avoir signé son contrat, et avant même d'avoir dirigé le moindre entraînement. La raison ? "Nous avons pris cette décision après quatre semaines de travail en commun, écrivait Bielsa, dans un communiqué, car aucun des sept renforts prévus par le programme de travail, expressément approuvé par le présidentClaudio Lotito, n’est arrivé […]. La signature d’au moins quatre footballeurs avant le 5 juillet avait été établie comme une condition indispensable à l’exécution du programme de travail pour que les renforts puissent participer au travail d’avant-saison."
El Loco, qui négocie âprement ses contrats pour que tout soit réglé comme du papier à musique quand il commence à travailler, ne pouvait supporter un tel manquement de la Lazio ses engagements. A Lille, tout semblait être parti sous les meilleurs auspices. Mais le temps s'est rapidement gâté...
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