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11 janvier 2009, le jour où Gourcuff a mystifié le PSG pour devenir le "successeur" de Zidane

Cyril Morin

Mis à jour 11/01/2019 à 10:13 GMT+1

LIGUE 1 - Le 11 janvier 2009, la France du football est illuminée par la grâce d’un homme : Yoann Gourcuff. À Chaban Delmas, face au PSG, le jeune meneur de jeu breton de 22 ans s’offre un but mythique, resté dans les mémoires collectives. Retour sur un chef d’œuvre qui a longtemps défini les attentes autour du "nouveau Zidane".

Le but de Yoann Gourcuff face au PSG en 2009 (montage : Quentin Guichard)

Crédit: Eurosport

Cinq touches pour quatre secondes de magie. Le temps se fige, se contraint pour laisser la place au talent, brut, pur. Quatre secondes deviennent alors une éternité. Le geste reste dans les mémoires collectives pour toujours, bien ancré dans la partie du cerveau qui mélange émotions et souvenirs. Qui a oublié le but de Yoann Gourcuff face au PSG ? Personne. À raison, car s’il y dix ans jour pour jour que l’international français a marqué son but d’anthologie, il reste encore aujourd’hui cité parmi les plus beaux buts de ces dernières années en L1.
11 janvier 2009. Bordeaux est dans la position du chasseur. Chasseur de gros. Du gros même. L’Olympique Lyonnais qui reste sur sept titres d’affilée et a pris les commandes du championnat depuis la 5e journée. Ce dimanche-là, c’est une affiche de gala qui conclut la 20e journée : les Girondins de Laurent Blanc, deuxièmes, accueillent le PSG, quatrième. Un homme est au centre de toutes les attentions : Yoann Gourcuff.
Si Bordeaux se porte aussi bien, c’est en partie grâce à lui. Yoann en successeur de Johan, il fallait y penser. Prêté avec option d’achat par l’AC Milan, le jeune Gourcuff ne tarde pas à prendre la relève de Micoud, laissé libre l’été précédent, dans l’animation offensive bordelaise. Mieux, il a su se montrer décisif tout en gardant son élégance. Son but face à Toulouse en octobre 2008 (2-1), issu d’une talonnade mettant dans le vent toute la défense du TFC, a laissé jaillir tout son talent.
Mais c’est surtout avec les Bleus que Gourcuff a changé de braquet. Pour sa quatrième sélection, sa deuxième titularisation, le prodige breton avait balancé une ogive des 35 mètres pour sauver la patrie d’une défaite qui semblait se dessiner à Constanta. Trois jours plus tard, ce sont ses deux passes décisives face à la Tunisie qui ont fait de lui le nouvel homme fort du football français. Ou en tout cas celui qui attire les regards et suscite les espoirs les plus fous.
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Yoann Gourcuff exhulte après son but face à la Roumanie en 2008

Crédit: Getty Images

Et la 70e minute arriva…

Pour son premier match de L1 de l’année, Gourcuff fait du Gourcuff. Une symphonie de gestes justes et quelques coups d’éclat. Une passe décisive, aussi, pour Souleymane Diawara. Bordeaux mène tranquillement sa barque pour pointer à 2-0 à la pause. Rothen, Makelele and co prennent l’eau et ne semblent pas à même de réagir. C’est alors que la magie opère.
70e minute. Après une série de duels aériens, la gonfle arrive sur Benoît Trémoulinas qui continue d’arpenter inlassablement son couloir gauche. Le centre du latéral en première intention est trop long pour toucher Marouane Chamakh. Au deuxième poteau, Sylvain Armand galère à se dégager face au pressing de Jussiê. Rothen est trop court et le ballon atterrit dans les pieds de Mathieu Chalmé aux 30 mètres. De l’extérieur du pied, il sert son meneur de jeu à l’entrée de la surface. Gourcuff est dos au jeu. Mais Gourcuff sent le jeu. Car la suite ne se définit pas par des mots autres que des onomatopées d’admiration.
La suite, c’est finalement lui qui la résumait le mieux après le match, encore sous le coup de l’émotion : "C'est une situation un peu compliquée : je suis aux abords de la surface, il y a du monde, je suis dos au jeu, il y a le défenseur qui est là. Donc, il faut que je fasse quelque chose de rapide pour le déstabiliser. C'est un peu de l'instinct". De l’instinct et beaucoup de talent pour mettre ainsi Armand complètement hors-jeu sur une roulette aussi divine que parfaite. Car à la sortie de son dribble fou, Gourcuff a pris de la vitesse et se retrouve dans le sens de la marche. Se dresse désormais face à lui les longues tiges de Sammy Traoré.
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Yoann Gourcuff en 2008 face à Toulouse

Crédit: Getty Images

Ouf, il est beau le but
"J'arrive à me mettre face au jeu, le défenseur fait un petit pas sur la gauche, et moi un double contact pour rentrer, continue Gourcuff. C'est surtout la vitesse d'exécution qui fait la différence". Fulgurant. Voilà le qualificatif qui sied le mieux au double-contact express du meneur de jeu. Traoré, en retard, reste pantois. Il ne reste plus qu’à conclure.
Sur sa dernière touche, le numéro 8 bordelais a poussé un peu loin son ballon. Impossible de trouver une position de frappe optimale sans permettre le retour de Zoumana Camara. L’instinct, là-encore, reprend le dessus : "Je ne me pose pas trop de questions à la sortie du dribble, le ballon arrive dans ma course, je ne le pousse pas bien, donc je suis obligé d'enchaîner, j'ai donc utilisé le pointu". La grâce de Gourcuff parvient même à rendre ses lettres de noblesse à un geste souvent caricaturé. La preuve qu’avec la magie, on peut tout faire.
Mickaël Landreau battu, c’est Chaban-Delmas qui explose littéralement. Le gardien parisien reste même subjugué par ces quatre secondes de grâce comme l’expliquait Traoré à So Foot : "Ça va tellement vite, que sur le coup, on ne se rend pas compte. Plus que le but en lui-même, c’est la réaction de Mickaël Landreau qui nous a surpris. Quand il se relève de son plongeon, il secoue sa main et dit : ‘Ouf, il est beau le but’".
Beau évidemment. Marquant, assurément. En prime-time, face au PSG, Gourcuff s’offre LE but qui va le propulser dans une nouvelle dimension. Bien aidé, sur le moment, par Grégoire Margotton. Car tout but d’anthologie s’accompagne forcément d’un commentaire particulier qui marque les esprits (demandez à Benjamin Pavard). À l’époque sur Canal +, le commentateur accompagné de Christophe Dugarry, se laisse porter par l’action extraordinaire qui se passe sous ses yeux.

"Le Successeur"

"Avec Chalmé, avec Gourcuff, oh deux fois, oh exceptionneeeeeel Yohan Gourcuff" s’enthousiasme-t-il au micro tandis que Laurent Paganelli et Dugarry ne peuvent retenir des bruits d’admiration. Mais, c’est là tout son talent, c’est dans l’enchaînement que Margotton va viser juste. Sa seconde phrase dit tout haut, en somme, ce que beaucoup pensent tout bas : "On le compare à Zidane et on va le comparer encore un peu plus à Zizou après un tel enchaînement. Ce joueur est unique".
Le parallèle est tentant : les deux sont meneurs de jeu, du genre à faire mieux jouer tout le monde autour d’eux. Les deux sont esthétiquement beaux à voir jouer, ayant comme valeur cardinale l’élégance. Zizou s’est révélé aux Girondins, comme est en train de le faire Gourcuff. Les deux se sont offerts des coups d’éclats lors de leurs premiers matches en Bleu. Alors, forcément, il n’en faut pas plus.
La Une de L'Equipe du 13 janvier 2009
Le 13 janvier 2009, L’Equipe dégaine une Une sans équivoque. "Le Successeur" avec une photo de Gourcuff et en arrière-plan celle du Maestro Zidane. La machine médiatique s’emballe à mesure que le Bordelais flambe sur les terrains de l’Hexagone. À la 36e journée, à la faveur d’un dernier sprint complètement fou (11 victoires sur les 11 dernières journées), les Girondins prennent le pouvoir en championnat.
Le 30 mai, la troupe de Laurent Blanc devient la première équipe à briser l’hégémonie de l’OL pour soulever son sixième titre de champion. Avec un Gourcuff en mode MVP, logiquement élu meilleur joueur de la saison : 12 buts et 8 passes décisives. Au passage, sans surprise, le joueur formé au Stade Rennais reçoit la distinction du plus beau but de la saison, réussissant le doublé. Pas de besoin de vous faire deviner quelle réalisation a été retenue.
Alors, que reste-t-il dix ans plus tard ? Cette même fascination à chaque visionnage, à n’en pas douter. Mais surtout l’idée d’un immense gâchis. Celle d’un joueur touché par le talent qui n’aura pas su, ou pas pu, l’exploiter pleinement. Des bribes sont souvent revenues, même du côté de l’OL où son transfert mirobolant reste l’un des plus gros points noirs de la présidence Aulas. Mais jamais la lumière n’aura autant jailli des pieds de Yoann Gourcuff que ce 11 janvier 2009. Un instant gravé dans l'Histoire. Et dans nos mémoires.
Yoann Gourcuff avec le maillot de Bordeaux
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