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Monaco, modèle sans avenir

Philippe Auclair

Mis à jour 29/01/2019 à 15:12 GMT+1

LIGUE 1 - Dans la tourmente sportive et menacée de relégation, l'Association Sportive de Monaco traverse une tempête rare dans son histoire. Le club paie sa politique et son modèle économique qui, selon Philippe Auclair, est voué à l'échec.

Jardim, tête basse

Crédit: Getty Images

Pousser le ballon dans le but vide, rien de plus facile; rejeter la responsabilité de la déconfiture de l'AS Monaco sur les travers réels ou supposés de Thierry Henry, ça l'est tout autant. Allons même plus loin : avancer que c'est la décision de se séparer de Leonardo Jardim pour embaucher le second adjoint de Roberto Martinez qui est à l'origine du capharnaum actuel, c'est encore s'en tenir à la surface des choses - comme si, pris dans une tempête, on s'imaginait que les vagues en furie, c'est tout l'océan. Non. Les courants qui poussent Monaco vers son rocher - pardon - sont plus puissants que l'écume.
Il n'est pas question de dédouaner un entraîneur à peine sorti du noviciat, volontiers grincheux, parfois hautain, perpétuel insatisfait, qui aurait sans doute bien mieux fait d'accepter l'offre de diriger Aston Villa que de retrouver le club qu'il avait quitté pour la Juventus en janvier 1999. Henry n'a que quarante-et-un ans et, intelligent et bosseur comme il l'est, il deviendra peut-être le manager qu'il ambitionne d'être : s'il ne s'est guère aidé lui-même, il n'a guère été aidé non plus par les circonstances - ou par beaucoup de ses joueurs, dont le comportement fut autrement plus scandaleux que le sien.
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Thierry Henry

Crédit: Getty Images

Il n'est pas non plus question d'ignorer combien les choix de la direction de l'ASM paraissent aujourd'hui insensés, et à quel point ils auraient dû le paraître lorsqu'ils furent actés. Mais tout cela, les défaites en série, les claques et fessées reçues à Louis II, la farce d'un coach qui revient quand il n'aurait jamais dû partir et d'un autre qui part quand il n'aurait jamais dû arriver, un mercato hivernal étrange, qui fait davantage penser à celui d'une franchise de MLS - et encore ! - qu'à celui d'un relégable de L1, tout cela, donc, est de l'ordre de l'épiphénomène. La réalité est que, dans le contexte économique actuel, le soi-disant modèle de l'ASM est au mieux un leurre. Le vent qui avait poussé le Monaco de Mbappé vers un titre de champion et les demies de Ligue des champions est retombé, le nuage de poussière est retombé. Il ne reste plus qu'à passer le balai.

Le vent, la poussière et le balai

On ne bâtit pas un club sur des avantages fiscaux. Plus maintenant, en tout cas. On ne bâtit plus un club capable d'être compétitif au niveau européen avec des recettes de billetterie qui sont le dixième de celles de Chelsea. En ce temps de "transparence" obligée (les hackers y veillent) et de fair-play-financier, on ne peut plus s'appuyer sur des structures aussi bancales et douteuses, pour ne pas dire plus, que celle qui permit au Monaco de Rybolovlev d'annoncer son mirifique et aberrant contrat de 140 millions d'euros annuels avec le gestionnaire de droits suisse AIM en novembre 2014 (avant de sauter du train en flammes, assurent-ils). On a beau posséder une excellente académie, une belle réputation de formateur, et un joli nez pour ce qui est de la détection de talents, ce n'est pas en vendant ses meilleurs jeunes en primeur, saison après saison, qu'on va payer pour la récolte à venir.
C'est exactement ce qui s'était passé à Southampton, par exemple, devenu une sorte de gare de triage pour Liverpool et les autres, et qui survécut d'un (dernier) souffle l'an dernier. Mais les Saints, eux, passent par la case-départ de la Premier League à tous les tours, et par ici la monnaie : 120 millions d'euros rien qu'en droits TV en 2017-18, tandis que Monaco, pourtant autrement plus vaillant sur le terrain, récupérait le tiers en L1 la même saison. La manne de la Ligue des champions ne tombera plus quand les Monégasques seront dans le désert. Ils avaient touché 64,7 millions en 2016-17 et 46,6 millions en 2017-18, de jolies sommes quand on a une masse salariale qui atteint les 100 millions. Mais 2018-19 sera le temps des pinottes, comme on dit au Québec. Qui vendre ? Qui reste à vendre ? Tielemans, apparemment... Glik ? Golovin, avec discount ?
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Jordi Mboula s'est blessé lors de la rencontre opposant Monaco au Paris Saint-Germain, le 11 novembre 2018

Crédit: Getty Images

Dimitri Rybolovlev aurait les moyens de renflouer son club, mais n'en a pas le droit. Il le fit autrefois, comblant des déficits supérieurs à celui des budgets annuels de bien des clubs de L1, et reçut un simple coup de règle sur les doigts, une amende de trois millions, quand d'autres clubs, comme l'Etoile Rouge ou Malaga, avaient payé leurs erreurs de gestion par une mise à l'écart des compétitions de la confédération. L'UEFA ne se montrerait pas aussi compréhensive en cas de récidive.
Thierry Henry n'était pas la "solution" à cette gabegie. Il n'en était pas l'auteur non plus, et, malgré un salaire tout ce qu'il y a d'enviable, il serait plus à propos de le peindre sinon comme une victime, à tout le moins comme "dommage collatéral" d'un système dysfonctionnel jusqu'à l'insensé. Et pourtant, vu son effectif, dans une L1 où la médiocrité est bien partagée, il se peut que l'ASM remonte la pente et échappe à la relégation.
Mais Monaco ne sera pas sauvé pour autant.
Londonien depuis plus de trois décennies, Philippe Auclair est une des plumes les plus reconnues du journalisme de sport. Auteur de plusieurs livres, biographies (Cantona, Henry), enquêtes sur le football et ses travers et impliqué dans le projet TooGoal, il viendra régulièrement poser son regard sur jeu dans les colonnes d'Eurosport.fr.
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