Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Indiscipline, bloc déstructuré et peur de la densité : Pourquoi l'OL cale tactiquement

Christophe Kuchly

Mis à jour 22/09/2019 à 13:14 GMT+2

LIGUE 1 - Sur une série de quatre matches sans victoire, Lyon reçoit dimanche un PSG sur la lancée de sa victoire face au Real. Après des débuts convaincants, les Gones de Sylvinho semblent désormais manquer d'idées.

Sylvinho sur le banc de l'OL

Crédit: Getty Images

Arrivé avec une idée très précise de la manière dont il veut voir son équipe évoluer, Sylvinho y a d'abord gagné une certaine tranquillité. Sa volonté d'évoquer ouvertement son approche tactique, aussi séduisante que ses déclarations d'intentions, a dessiné un plan de vol précis. Et son football idéal, basé sur la possession et articulé autour d'une base en 4-3-3, a forcément fait naître des parallèles avec le jeu pratiqué par le FC Barcelone, avec lequel l'ancien latéral a remporté deux Ligues des champions.
Mais le nouvel entraîneur lyonnais découvre depuis les conséquences négatives des déclarations d'intention de l'été. Quand le contenu n'a rien à voir avec ce qui est annoncé, difficile en effet de blâmer le système ou de dire que l'adaptation était voulue. L'heure n'est évidemment pas à la crise, mais la maîtrise des différentes phases de jeu semble régresser au fil des semaines.

Avec la balle : attaque en U et peur de la densité

Redoubler les passes neutres dans son camp n'est au fond pas un problème majeur, même si l'exercice peut vite endormir les spectateurs. À condition bien entendu de pouvoir faire autre chose, que cette absence de création soit un moyen de rester maître du jeu lors des temps faibles. Du côté lyonnais, la stérilité de la phase préparatoire se voit pourtant régulièrement, même lorsque le score n'est pas favorable.
Match après match, il y a des séquences entières où les quatre défenseurs font circuler le ballon de droite à gauche sans avancer, ne se retrouvant ainsi qu'avec six partenaires plus haut sur le terrain. Une situation particulièrement frappante face à Amiens, dont le 4-4-2 à plat très compact quadrillait le terrain. Sylvinho ne souhaitant pas que ses latéraux montent – ce qui obligerait l'adversaire à se déstructurer pour s'adapter à leurs déplacements – et Lucas Tousart ayant des difficultés sous pression, l'OL a alors multiplié les relances le long de la ligne de touche.
picture

Jeff Reine Adelaide avec Lyon en C1

Crédit: Getty Images

Ce schéma de construction, appelé attaque en U, peut tout à fait s'avérer fonctionnel si les joueurs de couloir sont capables de faire des différences, et une équipe capable de mettre Joshua Kimmich en position de centrer ou Sadio Mané en position de tirer n'aura pas besoin de passer par l'axe. Avec des latéraux forcés de rester bas en couverture et des ailiers stériles, l'OL, malgré un excellent joueur de tête en Moussa Dembélé, n'est cependant pas équipé pour vivre le long de la ligne de touche. D'autant que Jeff Reine-Adélaïde, Thiago Mendes et Houssem Aouar, ses éléments les plus créatifs, évoluent au cœur du jeu.

Meilleurs passeurs sous-utilisés

Et c'est là que la prudence du nouvel entraîneur se retourne contre lui. En évitant de jouer dans l'axe, zone dense où le risque de perdre la balle est plus grand, Sylvinho sous-utilise ses meilleurs passeurs. Si ses circuits offensifs, basés sur des passes courtes, permettent de presser à la perte puisqu'il y a toujours plusieurs joueurs à proximité du ballon, il peine à trouver des associations capables de faire progresser le jeu dans les petits espaces. Tout le contraire de l'Ajax, habitué à jouer "petit" mais dont tout l'effectif permute à l'unisson en maîtrisant l'appui-remise, et qui y voit le moyen de protéger une défense très dégarnie.
Si, avec Bruno Genesio, les artistes lyonnais semblaient parfois partir d'une feuille blanche sur laquelle ils laissaient parler leur imagination, tantôt inspirés tantôt adeptes du gribouillage, Sylvinho leur donne des points à relier. Puisque personne ne dépasse, il n'y a pas de funeste surprise, de buts encaissés en transition parce qu'un joueur a pris la liberté de dézoner sans être couvert. Mais, si les schémas mécaniques du jeu de position permettent de créer des décalages, les plans du Brésilien n'impliquent pas la fixation systématique d'un adversaire et en deviennent lisibles. Les limites dans le jeu vers l'avant de Tousart, pointe basse du milieu, ne font alors qu'aggraver la stérilité d'une équipe qui peut piquer mais a beaucoup de mal à créer.
picture

Lucas TOUSART of Lyon and Gael KAKUTA of Amiens during the Ligue 1 match between Amiens and Lyon at Stade de la Licorne on September 13, 2019

Crédit: Getty Images

Sans la balle : bloc déstructuré et indiscipline

Les premières minutes du match face au Zénit ont amené plusieurs séquences incompréhensibles au haut niveau. On y voit Yaroslav Rakistkiy, défenseur central parmi les meilleurs relanceurs du monde, laissé libre avec de multiples solutions de passes entre les lignes et en profondeur. Rapidement identifié par le coach lyonnais et corrigé par un passage en 4-4-1-1 à la douzième minute, le problème n'a jamais été totalement résolu, l'espace entre les lignes restant énorme. D'autant que, si Dembélé ne pouvait pas cadrer seul une défense en surnombre, Memphis Depay n'a jamais réellement fermé l'intervalle intérieur. Perturber le porteur est pourtant l'une des clés pour bien défendre, un homme démarqué étant inoffensif si la passe est impossible.
Très volontaire et plutôt efficace dans son pressing à la perte de balle, une situation qui lui permet de rester sur de longues séquences dans le camp adverse une fois qu'il a réussi à y aller, l'OL ne maîtrise en revanche pas du tout le bloc médian. Sa disposition habituelle, un 4-5-1 où Tousart décroche régulièrement derrière les milieux, n'est en soi pas pénalisante – même si énormément d'équipes préfèrent le 4-4-2 avec les attaquants sur les centraux adverses pour empêcher tout décalage dès la première passe. Mais il n'y a pas d'unité de pensée collective, de compensation quand un partenaire est aspiré par un appel.
Si les milieux réagissent très facilement aux déplacements adverses, la ligne défensive reste toujours à plat, dans une interprétation rigide, très scolaire et déconnectée du reste du onze, qu'on devine voulue. Face à Bordeaux, match où Thiago Mendes occupait pour une fois le poste de numéro 6 qui semble fait pour ses qualités avec le ballon, l'ancien Lillois a ainsi été mis en sous-nombre et sans cesse attaqué par des Bordelais dont l'objectif était de trouver des joueurs dans le dos des relayeurs.
picture

Thiago Mendes en C1 avec Lyon, 2019

Crédit: Getty Images

Sans dépassement de fonction, il faut gagner la bataille géométrique

Là encore, comme pour les attaques, dont la stérilité ne devient embêtante que si elle est systématique, la conséquence n'est qu'indirecte. En gardant toujours quatre défenseurs, Lyon, certes facile à percer dans l'axe, se retrouve généralement en supériorité numérique et en capacité de s'en sortir sans dégâts. Mais, tant qu'il ne sera pas capable dicter ses propres termes à des affrontements face à des adversaires moins talentueux, le club rhodanien touchera aux limites de son style. Une façon de jouer où, sans dépassement de fonction, il faut gagner la bataille géométrique.
Convaincu que son plan était plus fort que les individualités, Louis van Gaal n'a pas toujours eu raison. Mais ses nombreux succès sont arrivés quand toute l'équipe adhérait à son idée, au point que le terrain devienne un calque du tableau noir – dont on voyait alors la supériorité sur les antidotes testés par les entraîneurs adverses. Côté lyonnais, toute l'interrogation est là, dans cette incertitude sur la viabilité de ce qui est prévu en coulisses. La tactique est-elle mauvaise ou simplement mal appliquée ? Mi-septembre, et même si certains coaches transforment leur équipe en très peu de temps, la prudence s'impose. En abandonnant les discours sur le jeu pour insister sur les notions de mérite et la mentalité, haranguant là où il semblait vouloir expliquer, Sylvinho prend cependant le risque de quitter le chemin qu'il a lui-même balisé.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité