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Ils sont dans l'ombre mais font vivre la L1 : Isabelle Dias, bienfaitrice et atout mercato de Lyon

Vincent Guiraud

Mis à jour 25/08/2020 à 13:13 GMT+2

Loin de la médiatisation des entraîneurs, directeurs sportifs ou présidents, d'autres personnes ont une place centrale aujourd'hui dans les clubs professionnels. De l'intendant au jardinier en passant par le kiné ou le cuisinier, rencontre avec ces personnes de l'ombre. Premier épisode avec Isabelle Dias, recrutée par l'OL comme traductrice mais qui est rapidement devenue bien plus que cela.

Isabelle Dias à Lyon

Crédit: AFP

Grande soeur, maman ou confidente. Ou les trois. Le rôle d’Isabelle Dias est multiple et complexe aujourd’hui à l’Olympique Lyonnais. Recrutée à l’été 2000 comme traductrice, pour donner des cours de français à Edmilson, tout juste arrivé entre Rhône et Saône, Isabelle Dias est rapidement devenue indispensable. "C’était la première fois qu’on faisait appel à quelqu’un d’extérieur au club pour faciliter l’intégration de nos nouveaux joueurs" explique Olivier Blanc, directeur général adjoint de l’OL de 1989 à 2019. "Si je pouvais remplir certaines de ses fonctions de manière ponctuelle, on s’est rapidement rendu compte que sa présence allait devenir indispensable. Son rôle était de faire en sorte que n’importe quel joueur qui arrivait à l’OL puisse être épanoui et heureux à Lyon. Elle était là pour régler tous les problèmes d’intendance." Une intendante 2.0 qui saura vite se faire sa place au sein du club de Jean-Michel Aulas.
Au plus proche des joueurs, cette fan de l’OL vit ce début d’aventure à l’été 2000 avec des étoiles plein les yeux. "J’étais supportrice de l’OL depuis toute petite. Mais une supportrice lambda. Je ne connaissais personne au club," évoque Isabelle Dias. "J’étais très émue de rencontrer Edmilson ou encore Sonny (ndlr : Anderson) lors de mes premiers cours." Arrivée en même temps que le milieu et défenseur brésilien, Isabelle va ensuite vivre, au plus près, l’âge d’or de l’OL.

Houllier, un tournant pour Isabelle Dias

Durant une décennie, la professeure de langue verra débarquer du côté de Tola Vologe bon nombre de joueurs étrangers, pour la plupart brésiliens. De Juninho, "très grand professionnel", à Caçapa, "le bonheur à l’état pur", en passant par l'Argentin Lisandro Lopez, "une rencontre humaine fantastique", ou par les nombreux joueurs ayant posés leur valise à l’OL depuis 2000, Isabelle Dias les a tous accueillis et aidés à débuter leur nouvelle vie. "C’était quelque chose de complètement nouveau pour moi. J’ai créé ce poste de A à Z et, petit à petit, je l’ai façonné," détaille-t-elle.
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Isabelle Dias, traductrice et intendante de l'OL, avec Claudio Caçapa en février 2018

Crédit: Getty Images

Son rôle auprès des joueurs et de leur famille va prendre une nouvelle tournure en 2005 lors de l’arrivée au club de Gérard Houllier. L’ancien sélectionneur des Bleus, passé par Liverpool avant de rejoindre l’OL, va institutionnaliser le poste d’Isabelle et l’installer, à temps plein, dans l’organigramme du club. "A mon arrivée à Lyon, Isabelle travaillait déjà pour le club, mais on faisait appel à elle seulement quand on en avait besoin" se remémore le coach de 72 ans. "J’ai rapidement fait en sorte qu’elle devienne une salariée de l’OL à temps plein. Qu’elle soit là tout le temps, pas seulement sur des périodes précises, comme durant le mercato. J’ai dit à l’OL : ‘vous dépensez des millions pour acheter un joueur, le joueur arrive au club, ça arrive qu’il soit paumé dans une nouvelle ville, un nouveau pays ou même un nouveau continent. Il faut que quelqu’un le prenne en charge, s’occupe de lui à côté du terrain.’"

L'exemple de Guy Roux

En 2000, à Liverpool, où il vient de passer six années, le poste de Player Liaison Officer existe déjà depuis plusieurs saisons, comme dans de nombreux clubs de l’autre côté de la Manche. L’ancien coach du PSG va alors s’en inspirer pour celui d’Isabelle Dias à Lyon. "Mon expérience en Premier League m’a beaucoup aidé à mon arrivée à l’OL. J’avais aussi retenu de ma formation d'entraîneur, l’expérience de Guy Roux. Il m’avait expliqué sa manière de voir les choses. Il me disait : ‘si un joueur a sa machine à laver qui tombe en panne et qu’il arrive à l'entraînement du matin en râlant, il faut que quand il rentre chez lui après l'entraînement, sa machine soit réparée’", raconte Gérard Houllier. Du bon sens au service du sport, pour mettre le joueur dans les meilleures conditions.
Aujourd’hui au chevet des joueurs et de leur famille, le rôle d'Isabelle est devenu primordial dans leur accompagnement au quotidien. Que ce soit pour trouver un appartement, ouvrir un compte en banque, payer ses impôts, trouver une école pour ses enfants, Isabelle est présente dès l’arrivée du joueur à l’OL. " Je suis amenée à gérer vraiment tout plein de choses. Que ça soit de l’administratif lorsque le joueur s’installe à Lyon où même des choses plus intimes par la suite. La grossesse de leur compagne, les accouchements… J’ai vu naître beaucoup d’enfants de l’OL", s’amuse-t-elle. "Je suis là pour eux dès qu’ils ont besoin de quelque chose. Et il y a toujours quelque chose à faire", poursuit-elle.
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Gérard Houiller au Parc des Princes en 2015

Crédit: Panoramic

"Le rôle d’Isabelle est très précieux dans un club professionnel, constate Gérard Houllier. Et il est vraiment difficile. D’autres personnes de l’ombre sont importantes dans les clubs. Mais le rôle d’Isabelle, c’est différent d’un jardinier ou d’un cuisinier à qui on demande de faire quelque chose de bien précis. Son rôle à elle est très déstructuré, il faut qu’elle soit capable de tout faire, ou presque", juge l’ancien coach lyonnais.
Claudio Caçapa, mon frère de coeur
De son quotidien, au plus près des joueurs, l’ancienne prof de langue a tissé, au fil des années, des relations particulières avec de nombreux éléments passés par la ville des lumières. "Certains joueurs sont rentrés dans ma famille", reconnaît-elle. Si elle avoue avoir annulé, d’elle-même, une semaine de ses vacances pour être là l’été dernier pour le retour de Juninho à l’OL, elle conserve un lien très particulier avec Claudio Caçapa, défenseur brésilien, arrivé à l’OL à l’hiver 2001 et revenu au club il y a quatre ans. "Claudio, c’est quelque chose de spécial. C’est quelqu’un d’extraordinaire avec qui j’ai tissé des liens très forts. C’est mon frère de coeur."
"J’avais rêvé de son retour au club, avant que ça se fasse et alors que je n’étais au courant de rien", précise Isabelle Dias. "Quand il m’a annoncé, par téléphone, qu’il allait revenir pour entraîner les défenseurs, je n’étais pas surprise, je lui ai raconté que j’avais rêvé de ça quelques jours auparavant. Son retour, c’était formidable. Je suis allée le chercher à l’aéroport et je l’ai caché chez moi avant que ça soit officialisé le lendemain. Le soir, mon père débarque à la maison, je ne l’avais pas prévenu… Il est fan de l’OL depuis des années. Lorsqu’il a vu Claudio dans mon salon, il a fait un malaise. J’ai dû appeler les médecins" se rappelle, avec le sourire, la Franco-Portugaise.
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Claudio Caçapa en compagnie de Sylvain Wiltord

Crédit: AFP

Un rôle de médiatrice entre le sportif et l’intime

Malgré cette grande proximité avec de nombreux joueurs, Isabelle a appris, au fil des saisons, à faire le lien avec le secteur sportif. Avec l’expérience de ces vingt années passées au club, elle sait désormais ce qu’elle peut ou ne peut pas dire. "Il m'arrive parfois d'avoir des secrets liés à l'intimité des familles. Si je dois garder mon rôle, parfois il y a des choses qui peuvent être importantes et que je peux communiquer au staff. Un enfant qui a pleuré toute la nuit, le joueur qui n'a pas bien dormi car son enfant est malade... Dans ce cas, je peux prévenir le staff que tel ou tel joueur va être fatigué. Ils peuvent aménager le programme d'entraînement de ce joueur. Je leur livre l'info. Ensuite, c'est leur boulot de savoir ce qu'ils en font."
Trouver un musée, une expo, conseiller un restaurant à un joueur, assister aux rencontres parent-professeur à sa place ou trouver de quoi occuper les enfants en période de vacances scolaires… l’éventail des services proposés par Isabelle est immense. A tel point que l’ange gardien des joueurs lyonnais est devenu un atout pour son club en période de mercato.
"Aujourd'hui, les joueurs savent qu'il y a quelqu'un au club qui va être à leur écoute, pour ne pas dire à leur dispo, pour les aider. Ce sont des choses qu'on annonce au moment du recrutement", explique Olivier Blanc.
Des petits détails qui, auprès de joueurs courtisés par de nombreux clubs, peuvent faire la différence et faire pencher la balance du côté de l’OL. A l’heure où le budget transfert des clubs ne cesse d’augmenter, chaque recrutement revêt des enjeux économiques monstres. Il faut alors tout faire pour que le joueur en question, sur lequel le club investit parfois des dizaines de millions d’euros, puisse se concentrer à 100% sur le terrain.
Je suis devenu un argument de vente pour l’OL
"Ça arrive que le président me demande d’appeler un joueur qui hésite encore à rejoindre l’OL, pour le rassurer, lui dire que je serai là pour lui s’il nous rejoint. C’est plus facile pour le club de négocier", estime la bienfaitrice du club rhodanien. "C’est vrai que je suis devenu un argument de vente et un atout dans la manche de l’OL", sourit-elle. Les deux dernières périodes de transfert ont vu l’OL recruter massivement des joueurs étrangers, en particulier des Brésiliens (10 arrivées, 8 étrangers dont 4 Auriverdes). Une filière brésilienne qui, après l’âge d’or des années 2000, avait un peu été délaissée par les dirigeants olympiens. L'été 2019, avec le retour de Juninho et l’arrivée de Sylvinho sur le banc, l’OL s’est à nouveau tourné vers le continent sud-américain. "C’est vrai que l'été dernier a été très riche, peut être l’un des plus animés depuis que je suis au club", avoue Isabelle Dias.
De quoi, une nouvelle fois, se rendre compte de l’importance d’Isabelle au sein de l’institution OL. Le club présidé depuis 1987 par Jean-Michel Aulas était d’ailleurs précurseur en France dans ce domaine lorsqu’Isabelle Dias a fait ses débuts. Si aujourd’hui la grande majorité des clubs de Ligue 1 ont pris conscience de l’importance d’avoir une personne comme elle au sein de leur institution, beaucoup continuent de faire appel aux services de sociétés extérieures de conciergerie. "Chacun a sa méthode, mais je reste persuadé que c’est important d’avoir une personne comme ça, intégrée au club et qui sera donc dédiée et dévouée à son club", argumente Olivier Blanc. Même son de cloche du côté de Gérard Houllier : "Tous les clubs français, ou presque, ont une personne qui remplit ce rôle aujourd’hui. Ils se sont rendu compte que c’était utile d’accompagner un joueur dans sa vie privée et personnelle, surtout quand vous avez investi beaucoup d’argent dessus".
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Isabelle Dias en février 2018 au centre d'entrainement de l'OL à Décines

Crédit: Getty Images

"Je pense que beaucoup de club se sont inspirés de ce que je fais à l’OL depuis 20 ans", admet Isabelle Dias. "Aujourd’hui, les joueurs qui quittent l’OL et qui se retrouvent dans d’autres clubs où ce poste n’existe pas demandent que cela soit mis en place. Je reçois parfois des coups de téléphones pour cela. Dernièrement une personne des Girondins de Bordeaux m’a appelée car un joueur leur avait dit qu’il fallait créer l’équivalent de mon poste. A l’étranger aussi, Mouctar Diakhaby (à Valence depuis 2018) m’a appelée pour me dire 'On n’a pas d’Isabelle ici, je me rends compte à quel point tu étais importante'". Importante et donc devenue rapidement indispensable au sein du club. "Quand quelqu’un devient indispensable c’est qu’elle fait bien son travail. C’est le cas d’Isabelle", résume parfaitement Olivier Blanc. Pour le plus grand bonheur de l’OL.
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