Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Comment "Jump" est devenu indémodable au stade Vélodrome, lors de l'entrée des joueurs

Antoine Donnarieix

Mis à jour 16/10/2020 à 10:37 GMT+2

LIGUE 1 - Avec un piano synthétiseur, des notes mythiques et des paroles transcendantales, Eddie Van Halen continue de créer le frisson chez les supporters de l’Olympique de Marseille. Décédé à 65 ans le 6 octobre dernier, l’artiste-compositeur américano-néerlandais, auteur de Jump, reçoit un hommage des joueurs devenus accros à cette onde de choc.

L'entrée des joueurs au Vélodrome, lors d'OM-AJA, en août 2008

Crédit: Getty Images

Des notes de musique sorties tout droit d’un synthétiseur, une mélodie dynamique et des paroles destinées à une seule chose : sauter. Lorsque Eddie Van Halen propose aux compères du groupe dont il est l'éponyme d’inclure cette instrumentale sur leur prochain album, les trois autres membres californiens Alex, Wolfgang et David ne sont pas hyper emballés. La raison ? Le synthé est présent en permanence et pourrait toucher la susceptibilité des fans de hard rock.
Qu'à cela ne tienne : Eddie rajoute un solo de guitare et le tour est joué. En 1984, le titre Jump sort dans les bacs américains et jouit d’un succès phénoménal pour se retrouver en tête des ventes aux USA pendant cinq semaines. Un tube ? Non, plus que ça : depuis le 5 août 1986, l’Olympique de Marseille en fait désormais sa marque de fabrique à chaque entrée officielle des joueurs sur la pelouse du stade Vélodrome.

Casoni : "Cette musique, c’est le condensé d’une époque"

Le principal auteur de ce projet ? Bernard Tapie, président de l’OM entre 1986 et 1993. Désireux d’ajouter une note plus évènementielle et identitaire lors des matches à domicile, l’homme d’affaires met une équipe sur le coup dans le but trouver la chanson idoine pour donner à Marseille un supplément d’âme. À cette époque, Jump est déjà écouté partout en France et ce choix s’avère être le bon dès le début. "Marseille est devenu un peu précurseur en la matière, c’était le début des shows à l’américaine, se souvient Stéphane Trévisan, gardien de but de l’OM entre 1999 et 2001. Personnellement, j’étais aussi un gros fan de basket américain à l’époque des Chicago Bulls, j’adorais ces scènes d’entrée pour faire monter la température. Jump, c’était le parfait parallèle à ce modèle américain."
Progressivement, les soirées de gala s’intensifient à la mesure que le club prend de l’ampleur à l’échelle nationale et européenne. "C’était la chanson de notre entrée sur le terrain, un rituel très important pour se mettre en communion avec notre public, évoque Bernard Casoni, défenseur de l’OM entre 1990 et 1996. Entre la sortie du tunnel et le moment de faire face à la tribune présidentielle, j’avais l’impression de voler." Durant cette période, des équipes comme le Benfica Lisbonne, l'AC Milan, le Spartak Moscou, le Sparta Prague, les Glasgow Rangers ou le FC Bruges vont goûter à l’ambiance volcanique du Vél’.

"En vérité, cette musique est davantage liée historiquement au Marseille des années 90 parce que nous avons remporté la Ligue des champions, poursuit Casoni. Les Marseillais sont marqués à vie par cette époque-là, cette équipe-là. Cette musique, c’est aussi le condensé d’une époque : la folie, la passion, la musique rock avec les cheveux en nuque longue. C’était un tout qui me rappelle de bons souvenirs."

L’héritage populaire

À Marseille comme en France, il y a un avant et un après Munich 93. La malédiction de la défaite d’un club en finale enfin terminée, le pays peut enfin compter dans ses rangs une équipe championne d’Europe et des fans bercés par un tube devenu religion. "J’ai une histoire un peu particulière avec cette chanson, elle était entrée dans ma vie bien avant mon passage à Marseille, révèle Trévisan. Je l’ai toujours considérée comme la chanson ultime pour stimuler la motivation et le dépassement de soi."
Illustration : "Lors de ma période d’études en STAPS pour être professeur d’éducation physique et sportive, j’avais choisi cette chanson pour mon programme de danse contemporaine. À l’époque, j’étais déjà branché sur l’OM. Alors tu imagines qu’au moment où j’ai joué mon premier match au Vélodrome, j’ai repensé à mon examen de danse contemporaine (rires) ! Quand tu signes à l’OM, tu es toujours très impatient à l’idée de voir la tribune pleine, le stade qui résonne… Mais moi, c’était vraiment cette musique que je voulais entendre. Avoir l’impression de sauter de deux mètres en l’air alors que c’est simplement quatre-vingt centimètres (rires) ! Ton corps et ton esprit se conditionnent. Je ne pouvais pas dissocier l’OM de cette musique, c’était impossible."
Condamné à la rétrogradation administrative suite au jugement de l’affaire VA-OM et enclins à changer leur image, les nouveaux dirigeants olympiens souhaitent changer la chanson d’entrée. Une très mauvaise idée, puisque joueurs comme supporters marseillais contestent avec véhémence cette perturbation de leurs habitudes. Jump n’est plus une simple chanson, c’est un hymne. "J’ai aussi un souvenir plus douloureux avec cette musique : celui de l’hommage à Depé (célèbre supporter de l’OM décédé le 28 juillet 2000, ndlr). Nous étions torses nus devant la tribune comme il en avait l’habitude, et c’est la seule fois où j’ai ressenti de la tristesse avec cette musique. L’ambiance ne s’électrisait pas, c’était contraire à l’atmosphère habituelle. Aujourd’hui, c’est Van Halen qui nous quitte, mais son esprit va perdurer à l’OM grâce à cela. Personne ne peut changer la musique d’intro, c’est inenvisageable."
Avec cette musique, je vois dans ma télé Jean-Pierre Papin sur la pelouse avec son maillot coupé aux trois quarts
Ça tombe bien : l’Olympique de Marseille ne compte pas l’enlever de sitôt puisque Franck McCourt semble conquis par ce morceau qui lui rappelle sa mère patrie. "Les premières paroles sont significatives: ‘I get up, and nothing gets me down…’ (Je me lève, et rien ne me fait tomber, ndlr). En fait, j’ai un peu l’impression qu’on en fait le You’ll Never Walk Alone de France, considère Edouard Cissé, milieu de terrain passé par l’OM entre 2009 et 2011. Avec cette musique, je vois dans ma télé Jean-Pierre Papin sortir sur la pelouse avec son maillot coupé aux trois-quarts et son brassard de capitaine. Et derrière, Boli, Waddle qui le suivent et l’image de la foule excitée derrière. À vrai dire, c’était un maillot que j’avais quand j’étais gamin, je le garde en mémoire car il a marqué ma jeunesse."
Si Jump s’est donc ancré dans la culture des années 90, son importance traverse les générations, comme en atteste l'émotion qu'a suscitée la mort de son auteur, à 65 ans, le 6 octobre dernier. "Je dois avouer qu’au départ, je ne faisais pas forcément attention à la musique d’entrée au moment de jouer au Vélodrome, conclut le champion de France 2009-2010. Ce n’est qu’en devenant un joueur de l’OM que j’ai pris conscience de l’importance de cette musique pour le club. Quand tu joues tous les quinze jours dans le même stade, tu comprends que c’est l’hymne de Marseille. Enfin, disons plutôt l’Olympique de Marseille car Marseille, cela restera à jamais la ville du groupe IAM. J’étais dans l’antre de l’OM, et cette musique donnait le top départ du match à venir. Est-ce que je l’écoutais en dehors ? Non. J’étais plutôt Beatles." Comme quoi, Liverpool n’est jamais bien loin.
picture

Depuis stade Vélodrome a changé depuis 1986... mais pas la musique d'entrée des joueurs

Crédit: Getty Images

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité