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Euro 2020 - De "Dollarumma" à sauveur de la nation : Donnarumma est-il réconcilié avec l'Italie ?

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 16/07/2021 à 19:33 GMT+2

TRANSFERTS - Auteur d'un Euro 2020 quasi parfait, Gianluigi Donnarumma a été l'un des grands protagonistes du récent triomphe de la Nazionale. Élu meilleur joueur du tournoi, le nouveau gardien du PSG, qui a changé de statut aux yeux du grand public, est-il parvenu à se racheter aux yeux des Italiens, qui n'ont pas vraiment apprécié sa façon de quitter l'AC Milan ?

Gianluigi Donnarumma (Euro 2020)

Crédit: Getty Images

Dimanche 11 juillet 2021. 23h54, heure française. Dans l'antre de Wembley, qui vient alors de reprendre espoir après le tir au but raté de Jorginho, Gianluigi Donnarumma décide d'en finir. Définitivement. Comment ? En balançant sa carcasse d'un mètre 96 sur sa gauche et stopper la frappe du pauvre Bukayo Saka. L'Italie est championne d'Europe. Mais lui se relève et marche, comme si de rien n'était. Comme pour aller se replacer avant le prochain tir au but. A croire qu'il n'en a pas assez et qu'il pourrait encore en arrêter.
Il jette alors un regard vers l'arbitre, voit ses coéquipiers se précipiter vers lui mais continue de marcher, le regard droit devant. Pas un sourire ou poing serré. Devant leur télévision, les tifosi finissent même par avoir un doute. Est-ce qu'ils sont vraiment champions ? Ou est-ce que leur gardien n'a tout simplement pas compris que la séance était terminée ? A la première question, la réponse est oui. Mais à la deuxième aussi.
Die Italiener bejubeln EM-Held Gianluigi Donnarumma.
"En fait, je n'avais juste pas compris, a avoué le portier le lendemain à Sky Italia. Je vous jure que c'est vrai. Je pensais même qu'on avait perdu sur le tir au but de Jorginho. Puis j'ai regardé l'arbitre, comme il y a désormais l'histoire de la VAR avec le pied collé à la ligne. Quand j'ai vu ensuite mes coéquipiers venir vers moi. J'ai compris qu'on avait gagné." Et c'est alors qu'il s'est complètement lâché et a (enfin) exulté comme il se devait. Dans la foulée, il remporte le trophée de joueur de l'Euro 2020, juste avant de soulever la Coupe d'Europe. Le tout à seulement 22 ans. "Gigio", le gamin précoce de Castellammare di Stabia, a propulsé l'Italie sur le toit de l'Europe. Assez pour polir son image et faire oublier le feuilleton à plusieurs épisodes de sa non-prolongation avec l'AC Milan ?
Bordel, on avait l'un des meilleurs gardiens du monde
Pour le grand public, Donnarumma, officiellement nouveau gardien du PSG depuis mercredi, avait commencé l'Euro comme le gardien du futur. Certains ont probablement découvert qu'il était également celui du présent. C'est probablement pour cette raison que Leonardo, conscient de l'immense talent du gardien, ne pouvait laisser passer une telle occasion sur le marché des transferts. Peu importe les conséquences de la future concurrence avec Keylor Navas. Avec Gigio, Paris a trouvé le gardien de son temple pour bien des années.
De son côté, l'intéressé a donc commencé l'Euro comme un joueur en fin de contrat. Puis il l'a terminé, officiellement, comme un joueur sans club, même si tout était officieusement bouclé avec Paris. Imperturbable, il n'a jamais réagi aux critiques des tifosi milanais sur les réseaux sociaux, les repoussant comme un vulgaire tir au but d'un joueur anglais. De l'autre côté des Alpes, à Milan, on peine toujours à accepter son départ. Encore plus après ses performances en mondovision, forcément. Mais pas tant pour le fond de son choix (encore que...), légitime à chacun. Mais plus pour sa forme. Partir du club l'ayant fait grandir est une chose. Le faire en fin de contrat, alors que sa valeur est de 60 millions d'euros selon le site Transfermarkt, en est une autre.
"L'Euro n'a fait qu'augmenter la colère des tifosi du Milan, nous explique Antonio Vitiello, journaliste au quotidien Tuttosport et sur le site MilanNews.it. Ils n'ont pas eu besoin de cette compétition pour comprendre qu'ils avaient perdu un phénomène. Mais ils se sentent trahis. Le tifoso du Milan est très déçu, ça ne fait aucun doute. Il se dit : "Bordel, on avait l'un des meilleurs gardiens du monde et, par sa faute et son choix de ne pas prolonger, on l'a perdu". Ce n'est pas facile à accepter, surtout par sa façon de faire."
Malgré tous leurs efforts et plusieurs offres, les dirigeants milanais avaient rapidement compris l'issue finale de ce dossier, au point qu'ils avançaient, en coulisses, sur celui de Mike Maignan, bouclé deux jours après le dernier match de la saison. "Le fait que l'histoire s'arrête fait un peu mal, a avoué Paolo Maldini mercredi. C'est une perte importante pour nous." Dans son message d'adieu publié mardi soir, Donnarumma a confirmé que ce départ est principalement le fruit de sa volonté.

"Dollarumma"

"Certains choix sont difficiles, mais ils font partie de la croissance d'un homme. Je suis arrivé à l'AC Milan quand j'étais un peu plus qu'un enfant, pendant huit ans j'ai porté ce maillot avec fierté. (...) Maintenant, le moment est venu de dire au revoir, un choix qui n'était pas facile. (...) Parfois il est juste de choisir de changer, de relever des défis différents, de grandir, de se compléter", écrivait le gardien, déjà passé par là à l'été 2017. Mino Raiola, son agent, voulait déjà l'envoyer à Paris. Mais face à la volonté de l'intéressé et de son entourage, il s'était couché. Pas cette fois. Sur les réseaux sociaux, ses anciens tifosi n'ont pas hésité à lui écrire des "Dollarumma" sous son message, convaincus que ce dernier ne plie les gaules que pour une question d'a(r)gent.
"Si le club avait encore manqué la qualification en Ligue des champions cette saison, son choix aurait pu se comprendre. Mais là, après sept ans d'absence, Milan va y faire son retour. Donnarumma y a joué un rôle prépondérant, qui plus est. Il joue avec l'équipe première depuis ses 16 ans, il a connu des moments difficiles et il attendait, comme tout le monde, ce moment depuis longtemps. Franchement, d'un point de vue sportif, c'est difficilement compréhensible...", nous confie un habitué de Milanello. Et si c'était à refaire ? "L'offre la plus élevée qui lui a été faite montait à 8 millions d'euros. Puis il a été tenté de limiter les dégâts avec un contrat de courte durée. La demande, elle, n'a pas bougé et oscillait autour des 12 millions. Le club a des limites et une ligne de conduite plutôt claire. Nous n'avons pas eu besoin de l'Euro pour prendre conscience de son talent."
Avec Buffon et Zoff
Dans les médias italiens, on a rapidement érigé Donnarumma comme l'un des grands bonhommes de cet Euro. "Il a disputé un tournoi parfait. Les penalties arrêtés à Morata, Sancho et Saka ont permis au pays de monter sur le toit de l'Europe. Mais il avait déjà fait des miracles avant, notamment sur De Bruyne (...) Du côté de Paris, on se frotte les mains", écrivait La Gazzetta dello Sport, mardi, au moment de dresser le carnet de notes des Azzurri. Pour le désormais ex-portier milanais : 9,5 sur 10.
"L'opinion publique n'a pas ce même sentiment de trahison que peuvent avoir les supporters du Milan, qui ont fait une parenthèse pendant certains matches de l'Euro mais n'ont jamais réellement oublié", assure Antonio Vitiello. Mais avec son rôle majeur dans ce succès historique, Donnarumma s'est offert une place dans le panthéon du football italien. "Il rentre officiellement dans le calendrier de nos saints gardiens, où nous y vénérons Zoff et Buffon", pouvait-on même lire dans les colonnes de La Gazzetta dello Sport. C'est dire...
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La Squadra, nouvelle favorite du Mondial ? "En Italie, on dit que ce n’est que le début…"

Pour "Gigio" aux mains d'argent, il y aura un avant et après Euro. Peu importe la suite de sa carrière, il restera comme celui qui a permis à la Nazionale de remporter sa deuxième Coupe d'Europe après 1958. "Mais il n'a pas été pardonné pour autant, nous confie un autre journaliste italien, préférant garder l'anonymat. En général, les gens ne comprennent pas qu'il parte d'un club qu'il dit tant aimer sans lui rapporter le moindre profit. C'est quelque chose qui n'a pas été apprécié par l'ensemble du monde du football italien. Pas uniquement les tifosi du Milan. Disons qu'avec les penalties arrêtés en finale, les personnes ont fermé un œil sur ce qu'il s'est passé. Il y a eu comme une sorte de trêve. Ses arrêts resteront dans la mémoire collective pour toujours. Mais dès qu'il va commencer à jouer au PSG, je pense que l'estime redescendra un peu et qu'il ne sera pas vraiment retenu comme un exemple à suivre. Il y a eu comme un manque de respect pour le club qui l'a fait grandir. Il avait le droit de partir, évidemment, mais pas comme ça."
Pour juger de sa popularité, Donnarumma n'aura pas à attendre les sondages tel un politique avant une élection. Le rendez-vous est donné début septembre à Florence, lors de la première sortie de la Nazionale championne d'Europe face à la Bulgarie, dans le cadre des qualifications pour la Coupe du monde. Un peu plus d'un mois plus tard (6 octobre), le test grandeur nature : Italie-Espagne, en Nations League, qui se déroulera à... Milan. It's coming home, lui aussi.
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Le duel : Donnarumma-Navas, qui est le meilleur ?

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