Angers SCO, un naufrage en 10 dates : Comment le club a pris un mauvais virage

LIGUE 1 - Après son accession en 2015 et jusqu'à début 2020, Angers était réputé pour ses valeurs familiales et sa solidarité sur le terrain. Mais depuis trois ans, le club a pris un mauvais virage. "Tout ce qui a été construit en quinze ans a été gâché", enrage un ex-membre du club. "Le climat a totalement changé depuis 2015", confirme Pierrick Capelle. Retour en dix dates sur le naufrage du SCO.

Said Chabane, le président d'Angers SCO, avec son ex-entraîneur Stéphane Moulin.

Crédit: Getty Images

5 février 2020 : Chabane mis en examen pour agressions sexuelles

Ses neuf premières années à la tête du SCO ont été synonymes de succès. Un retour en L1 en 2015 pour Angers, vingt-et-un ans après sa dernière saison dans l'élite, une finale de Coupe de France 2017 puis un club stabilisé dans le top 15 durant sept ans. Voilà pour le premier bilan sportif de Said Chabane. Sur le marché des transferts, le dirigeant de 58 ans a aussi performé avec des belles plus-values réalisées grâce aux ventes de Jeff Reine-Adelaïde (25 millions en 2019), Nicolas Pépé ou Karl Toko Ekambi (18 millions en 2017 puis 2018).
Mais stupeur en Anjou le 5 février 2020 : le président angevin est mis en examen pour agressions sexuelles. Au total, sept plaintes ont été déposées et le tribunal correctionnel d'Angers devrait rendre son jugement le 14 juin 2023. Outre cette affaire judiciaire, ses choix sportifs lors des deux dernières années n'ont pas été du goût des suiveurs du SCO.
"Au départ, le bilan était bon parce que tout le monde était à sa place, nous confie un ancien membre du club qui a préféré conserver l'anonymat. En tant que président, il a fait de très bonnes choses. Mais je pense qu'il a trop voulu se mêler du terrain (ndlr : après le licenciement d'Olivier Pickeu). On se rend compte deux ans après que président n'est pas le même métier que technicien."

10 avril 2020 : "Les choses ont tourné quand Pickeu a été viré"

A l'arrivée d'Olivier Pickeu en 2006, Angers SCO végétait en National avec des comptes dans le rouge. Grâce au réseau et à un recrutement malin saison après saison de son manager général, le club de l'Anjou a réussi à revenir en L2 en 2007 puis à accéder à l'élite huit ans plus tard. Un savoir-faire qui a notamment attiré Saint-Etienne, Monaco voire l'OM quelques mois avant le début de la pandémie de Covid-19.
C'est justement au début du premier confinement que le couperet est tombé : l'actuel président délégué de Caen a été mis à pied par le SCO puis licencié un mois plus tard pour "faute grave". "Les choses ont commencé à tourner quand il a été viré, estime notre témoin. Olivier Pickeu connaissait le football, les joueurs mais savait aussi pointer les manques dans une équipe pour mieux les combler dans le recrutement. Il arrivait très bien à fédérer."
A part le recrutement d'Azzédine Ounahi à l'été 2021, Sébastien Larcier puis Laurent Boissier n'ont pas connu les mêmes réussites qu'Olivier Pickeu sur les différents marchés des transferts. Et le SCO en paie aussi le prix aujourd'hui.

5 mai 2020 : El Melali poursuivi puis condamné pour exhibition sexuelle

L'histoire était belle au départ. Arrivé sur les bords de Maine en 2018, à l'âge de 21 ans en provenance de Paradou (première division algérienne), Farid El Melali a réussi à s'installer au poste d'ailier gauche au début de la saison 2019/2020 avec trois buts en cinq matches de L1. Mais au cours du confinement du printemps 2020 (le 5 mai précisement), le joyau angevin a fait les gros titres de la rubrique faits-divers pour des actes d'exhibition sexuelle dénoncés par deux jeunes femmes.
L'ailier international algérien a été condamné le 29 octobre 2020 à six mois de prison avec sursis assortis d'un sursis probatoire de 18 mois ainsi qu'à 2000 euros d'amende. Depuis, Farid El Melali a grappillé du temps de jeu (30 matches de L1 sur les trois dernières saisons) sans réussir à enchaîner et à se montrer décisif au grand dam des supporters du SCO. Il sera en fin de contrat le 30 juin prochain.

28 octobre 2020 : Sept mois de prison avec sursis pour Bahoken

Arrivé libre à Angers en 2018 pour remplacer Karl Toko Ekambi, Stéphane Bahoken a fait parler sa régularité (pour un club de la deuxième partie de tableau) pendant quatre ans, malgré la concurrence de Rachid Alioui ou Sofiane Boufal, en marquant 28 buts en 120 matches. Mais son aventure angevine a été entachée par des faits extrasportifs... rejaillissant également sur l'image du club.
A la fin octobre 2020, l'actuel attaquant de Kasimpasa est condamné à quatre mois de prison avec sursis, et à payer 2000 euros d'amende, pour violences, insultes et menaces de mort à l'encontre de son ex-compagne. Une autre peine de trois mois de prison avec sursis a été ajoutée par le tribunal pour une infraction routière. Malgré ses deux condamnations, l'ancien Strasbourgeois a réussi à se montrer décisif sur le terrain jusqu'à la fin de son contrat en juin 2022. Ses successeurs (Adrien Hunou, Amine Salama ou Abdallah Sima) n'ont pas connu le même succès à la pointe de l'attaque angevine.

26 mars 2021 : Moulin annonce son départ

Après dix ans de bons et loyaux services pour son club de toujours, Stéphane Moulin annonce son départ le 26 mars 2021 à l'occasion d'une conférence de presse. Joueur emblématique du SCO entre 1984 et 1990, le technicien a expliqué les raisons de son choix, plus tard en fin de saison. "J'ai perçu que ça risquait d'être moins bien, a-t-il souligné à L'Equipe. Quand vous arrivez pratiquement au plafond, après il n'y a plus beaucoup de marge. Je pense que le mieux pour tout le monde, c'est que je laisse ma place."
"Lui ne voulait pas poursuivre dans ces conditions. Son départ a été un autre tournant, nous confie un ex-SCOïste. Après son départ, le ménage a été fait dans le vestiaire et cela a aussi été fatal pour le club." Son remplaçant Gérald Baticle, resté seize mois en poste, a réussi à maintenir le club en 2021/2022. Avant d'être mis à pied en novembre dernier pour manque de résultats. Son successeur, Abdel Bouhazama, n'a pas fait mieux. Deux bilans qui mettent encore plus en lumière le travail réussi de Stéphane Moulin sur le banc du SCO.
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Rachid Alioui (SCO Angers) avec son entraîneur Stéphane Moulin.

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30 juin 2022 : Traoré, Thomas, Manceau et Mangani partent libres

Ils étaient les garants de la fameuse "dalle angevine", qui a fait la marque de fabrique du club entre 2015 et 2022. Mais l'été dernier, les emblématiques Ismaël Traoré, Romain Thomas, Thomas Mangani et Vincent Manceau, qui avait signé sa première licence à Angers SCO, sont laissés libres (ndlr : seul Pierrick Capelle a prolongé pour un an). Leur départ a laissé un grand vide dans l'équipe angevine, qui a si souvent manqué de caractère cette saison.
"Ce sont des joueurs qui manquent car ils étaient écoutés dans le vestiaire, souffle l'ex-membre du club. Après c'est la vie d'un groupe et les effectifs tournent, mais on ne change pas autant de cadres d'un coup." "À partir du moment où on ne revient pas vers moi, c’est qu’on n’en a pas envie, il faut dire les choses, lâchait Romain Thomas au Courrier de l'Ouest le 17 mai dernier, non sans amertume. Je ne peux pas concevoir la manière dont ça a été fait. Ce n'est même pas une question de contrat, de somme, de durée, en fin de compte. C'est surtout le timing... Je l'ai dit aux personnes concernées, le coach, le directeur sportif et le président, les joueurs en fin de contrat, on aurait dû être vus avant."

18 septembre 2022 : Dernière victoire pour le SCO en L1

Vainqueur à Nice (1-0) ce 18 septembre 2022, Angers s'apprête à démarrer une période de six mois (toujours en cours) sans gagner en L1. Pire, le SCO est devenu la première équipe de l'histoire du championnat de France à enchaîner treize défaites en Ligue 1 après son revers à domicile face à Ajaccio (1-2) le 1er février.
Désormais à douze points du premier non-relégable (Strasbourg), le SCO tutoie la L2 à douze journées de la fin. "J'ai honte et ça me fait mal au ventre. Quel gâchis, lâche notre témoin. Tout ce qui a été construit en quinze ans a été gâché après un an et demi. Au-delà du SCO, c'est l'image de la ville qui en prend un coup. C'est dur de lire tout ce qui se passe au club." "C'est une honte ce qu'on montre", a confirmé Pierrick Capelle vendredi en conférence de presse.
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Angers a battu Montpellier (2-1) à domicile le 11 septembre 2022.

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17 octobre 2022 : Les menaces de Sifaoui contre la presse

Alors que le quotidien Ouest-France s'apprête à publier une enquête sur "les méthodes de management, jugées trop brusques, voire humiliantes" d'Abdel Bouhazama, alors en charge du centre de formation, Mohamed Sifaoui, nommé directeur de la communication quelques jours plus tôt, menace sur les réseaux sociaux. "Si la plupart des journalistes font leur travail de manière consciencieuse... d’autres se laissent entraîner parfois dans des manœuvres sournoises visant à déstabiliser le club", écrit-il sur Twitter.
"Monsieur Sifaoui s’arroge le droit de distinguer les bons et les mauvais journalistes selon leurs écrits sur le club", dénonce dans la foulée l'Union des journalistes de sport en France (UJSF) dans un communiqué.

4 janvier 2023 : Perquisition de la police au centre d'entraînement

Le 4 janvier dernier, la Baumette, le centre d'entraînement du SCO, fait l'objet d'une perquisition par la police. Les forces de l'ordre enquêtent sur certaines transactions financières et le rôle de certains agents sur des transferts. "Un certain nombre de personnes que nous ne connaissons pas, sont présumées coupables. Nous avons dans cette galaxie deux personnes passées par le club ; poursuivies mais présumées innocentes", a indiqué Mohamed Sifaoui dans un premier temps en conférence de presse.
"Angers SCO n’a rien à se reprocher et rien à cacher. C’est une enquête qui date de plusieurs années. De 2017 à décembre 2022... La direction du club a totalement coopéré avec les services de police et aucune charge ni aucune poursuite n'a été retenue ou engagée contre aucun membre ou cadre d'Angers SCO, a-t-il ajouté. La Direction a tenu au courant, en toute transparence, ses salariés et a répondu à leurs interrogations légitimes."

7 mars 2023 : Bouhazama poussé au départ après des propos douteux

Zéro victoire, deux matches nuls et neuf défaites. Voilà pour le bilan sportif d'Abdel Bouhazama à la tête de l'équipe première. Mais le technicien de 54 ans a défrayé la chronique après des propos douteux prononcés avant le match à Montpellier (0-5) dimanche dernier pour justifier la titularisation d'Ilyes Chetti, suspecté d'attouchements sur une jeune femme. "Il a dit : 'C'est pas méchant, on a tous déjà touché des filles'. On était tous choqués, sans réaction devant un truc pareil", a raconté un joueur à L'Equipe ce mardi. Après avoir démenti ses propos, le désormais ex-technicien du SCO a fini par les assumer dans la soirée auprès du quotidien.
Malgré cette polémique, Abdel Bouhazama ne va pas quitter le club. "Cela me fait mal de le dire, mais ce n'est malheureusement plus le club que j'ai connu, pointe un ex-SCOïste. Ce ne sont pas les valeurs qu'on défendait. C'est-à-dire des valeurs de respect, de courage, le tout dans la bonne humeur et avec beaucoup d'humain." "Le climat a totalement changé par rapport à mon arrivée en 2015", a corroboré Pierrick Capelle en conférence de presse. Ces valeurs, Angers devra vite les retrouver pour ne pas végéter trop longtemps dans l'antichambre de la Ligue 1.
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