Franck Haise | Quel type de joueur était l'entraîneur du RC Lens ?

"Franck Haise est le meilleur coach de Ligue 1". Thierry Henry n'y est pas allé par quatre chemins le week-end dernier au micro de Prime Vidéo pour décrire la saison du technicien lensois, actuellement deuxième du championnat de France. Depuis son intronisation sur le banc des Sang et Or en février 2020, le coach de 52 ans donne une identité claire à son équipe : entreprenante, solidaire et avec un coeur énorme. Des valeurs qui rappellent typiquement l'ancien arrière gauche ou milieu de terrain, qui s'est fait un nom en Division 2 (ndlr : l'ancêtre de la L2) à la fin du siècle dernier.

Pour retrouver la trace du natif de Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime) en maillot, short et chaussettes, il faut d'abord bifurquer à 239 km au sud-ouest de Lens. Direction le FC Rouen au tout début des années 90. Avec les Rouge et Blanc, il s'est imposé au centre de formation puis avec les professionnels. Après avoir manqué l'élite lors du pré-barrage d'accession en 1993 face à l'AS Cannes, le FCR est relégué lors de l'exercice suivant en National. Franck Haise reste une saison supplémentaire avec son club formateur, qui déposera finalement le bilan en 1995.

Olivier Quint a côtoyé l'actuel entraîneur lensois lors de son passage à Rouen et n'en garde que d'excellents souvenirs. Sur le plan footballistique d'abord. "Je me souviens d'un joueur apprécié du public du Stade Robert-Diochon. Il était déjà installé dans l'équipe quand je suis arrivé en D2, nous raconte l'ancien milieu de Sedan. Il jouait arrière gauche. C'était un joueur qui aimait défendre mais aussi participer au jeu en dédoublant dans son couloir. Le milieu de terrain l'attirait aussi pour toucher plus souvent le ballon, mais à l'époque, il y avait plusieurs joueurs installés à ce poste comme Roger Hitoto ou Omar Belbey."

Humainement parlant, Franck Haise a aussi marqué Olivier Quint. "C'était quelqu'un de cool et d'avenant. En fait, il était comme il est maintenant. Il savait être sérieux ou déconner quand il le fallait, souligne-t-il. Il savait chambrer et pouvait aussi se faire chambrer. Je me souviens d'un dimanche, on avait fait un toro dans le centre de formation de Rouen. Il m'avait fait mourir de rire parce qu'il était resté longtemps au milieu. Lui, ça l'énervait mais il rigolait aussi, sans se prendre la tête."

Alors que Rouen dégringole dans la hiérarchie du football français, Franck Haise pose ses valises au Stade Lavallois, qui joue alors les premiers rôles en Division 2. Lors de sa première saison en Mayenne, les Tango manquent la montée d'un souffle derrière le trio Caen-Marseille-Nancy. Dans cette saison à 42 journées, Franck Haise joue 30 rencontres, toutes en qualité de titulaire, aux côtés d'un certain Lilian Nalis, qui deviendra son fidèle adjoint quelques années plus tard.

Pendant son premier passage à Laval (1995-97 puis 1999-2002), le Normand fait forte impression aux yeux de Denis Troch. "Autant c'est un garçon adorable, serviable et enthousiaste en dehors des terrains, autant Franck était une teigne sur le rectangle vert, nous confiait l'ex-coach lavallois en août dernier. Il savait relancer l'équipe quand elle avait des problèmes de confiance. Outre ses compétences de joueur, il avait cette capacité à fédérer un groupe. C'était un vrai meneur d'hommes, pas par sa gouaille, mais grâce à son attitude auprès des autres, son côté jovial et bon vivant. C'est lui qui organisait les fêtes entre les joueurs et membres du staff. Franck est fédérateur et fiable sur la durée."

L'ancien coach adjoint du PSG avait alors décelé la fibre d'entraîneur chez Franck Haise. "Il s'intéressait aux séances d'entraînement. On échangeait déjà beaucoup, ajoutait Denis Troch il y a neuf mois. Pour lui, ce n'est pas quelque chose qui est arrivé du jour au lendemain. Il a fait ses armes, il a appris, compris et mis en application son propre football." "A l'époque où il était joueur, il avait déjà commencé à passer ses diplômes d'entraîneur. Transmettre, c'était déjà dans ses gènes", corrobore Olivier Quint, à propos de son ex-coéquipier qui s'imaginait instituteur ou professeur d'EPS plus jeune, comme il l'a annoncé dans un entretien accordé à Free à l'automne 2022.

En 1997, il part à Beauvais et retrouve son ancien mentor rouennais, Daniel Zorzetto. Dans l'Oise, ses qualités de leader ont également été reconnues. Johann Bouzin, vainqueur de la Coupe de la Ligue 2000, l'assure : il a été lancé dans le grand bain au Mans (1-1) en août 1998 grâce à Franck Haise.

"Je venais de Bourges (National) et au départ, j'étais censé évoluer avec la réserve. Mais pour le premier match de la saison de D2, je suis dans le groupe. Avant la rencontre, je me souviendrai toujours de cette phrase de Franck : 'prépare-toi, parce que tu vas jouer'. Je lui réponds : 'non, je suis remplaçant'. Et là, il réplique : ' je suis milieu et tu vas jouer arrière gauche'. Finalement, il est allé s'expliquer auprès de Daniel Zorzetto ("un entraîneur qui aimait ses joueurs comme Franck les aime aujourd'hui", dixit Johann Bouzin) et c'est comme ça que j'ai débuté ma carrière professionnelle", raconte l'ancien Gueugnonnais, qui se souvient d'un joueur "bon dans les duels, très appliqué, toujours bien placé et gagneur" mais aussi d'un homme "toujours présent pour donner des conseils aux jeunes, sans être lourd".

En 1999, Franck Haise vit une nouvelle relégation. Il repart donc au Stade Lavallois pour trois saisons avant de finir sa carrière à Angers en National lors de l'exercice 2002-03. Au sein du club de l'Anjou, promu en D2 à l'issue de la saison, le joueur réussit parfaitement son intégration malgré son passé à Laval, grand rival du SCO. Ancien leader du groupe angevin, Arnauld Lucas avait particulièrement apprécié les valeurs de la nouvelle recrue. "Il ne prenait personne de haut. C'est un bon mec et il le portait déjà sur lui, note l'ex-gardien de but. Même s'il était en fin de carrière, on sentait qu'il avait toujours faim. Il mouillait le maillot et respirait le foot. C'était un joueur courageux, travailleur et humble."

Malgré ses qualités footballistiques, pourquoi n'a-t-il jamais goûté à l'élite ? "C'était un très bon joueur de D2 mais il n'a pas eu l'opportunité d'aller voir plus haut. Durant sa carrière, il n'était peut-être pas dans le bon club au bon moment", souligne Olivier Quint. "A Lens, il a eu une belle opportunité en tant que coach. Mais cette opportunité-là, il ne l'a pas eue en tant que joueur, estime également Arnauld Lucas. Si cela avait été le cas, il l'aurait saisie de la même façon au regard de ses qualités. Puis à l'époque, la D2 était moins exposée qu'aujourd'hui."

Désormais les temps ont changé. Mais pas Franck Haise, estiment ses ex-coéquipiers. "Quand je vois Lens jouer, je me dis que c'est typiquement Franck", observe Johann Bouzin. "Lorsqu'on se recroise, c'est comme si on s'était quitté il y a une semaine, indique son ancien partenaire angevin. Je pense que son regard sur le football n'a pas changé non plus. Pour moi, ce n'est pas étonnant de le retrouver à ce niveau-là. Il le mérite en tout cas." Thierry Henry n'est donc pas seul à être émerveillé par Franck Haise.