Le Stade Rennais élu meilleur centre de formation de France : Dembélé, Doué, Tel : Rennes, c’est quoi le secret ?
A l’issue d’une saison ratée, Rennes s’en est remis à son centre de formation pour redresser la barre. Une vieille habitude alors que le club breton a développé un savoir-faire : sortir à intervalles réguliers des joueurs professionnels et même quelques gros talents de niveau international. Ousmane Dembélé, Désiré Doué, Mathys Tel : mais pourquoi ont-ils tous choisi le Stade Rennais pour grandir ?
Ousmane Dembélé, Mathys Tel et Désiré Doué ont été formés au Stade Rennais
Crédit: Getty Images
Rennes n’a pas un bassin de population immense, pas le prestige d’autres grandes écuries européennes ou même françaises, ne joue pas tous les ans la Coupe d’Europe, quasiment jamais la Ligue des champions, remporte peu de titres (3 Coupes de France en 124 ans d’existence), n’a pas le plus gros budget de Ligue 1.
Pourtant, pour la troisième année consécutive, et la neuvième fois de son histoire, sa pépinière a décroché la palme : meilleur centre de formation de France selon un barème établi par la FFF. Le fruit de 40 ans d’excellence qui ont vu la Pivardière irriguer le marché français et européens d’internationaux. Hier, Sylvain Wiltord, Yoann Gourcuff, Jimmy Briand ou Mikaël Sylvestre. Aujourd’hui, Ousmane Dembélé, Désiré Doué, Mathys Tel ou Eduardo Camavinga.
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Sylvain Wiltord sous le maillot de Rennes
Crédit: Getty Images
Rennes sort des cracks en quantité industrielle. Depuis 20 ans, le club breton a formé 94 joueurs ayant au moins disputé une minute dans un des cinq grands championnats européens. Seuls cinq clubs, aux moyens financiers incomparables (Real Madrid, Barça, PSG), font mieux. Mais alors quel est le secret ? Comment Rennes arrive à repérer, convaincre et former certains des meilleurs joueurs du monde ? Car à cette cadence, ce n’est plus un hasard mais un savoir-faire.
on ne fait pas d’un poney un cheval de course
La formation au Stade Rennais, c’est d’abord une méthodologie séculaire portée et incarnée par un homme, Patrick Rampillon, le directeur de son centre de 1987 à 2015. Le but alors n’est pas d’avoir les meilleures équipes de jeunes ou de remporter des Gambardella mais de sortir des individualités capables de jouer les Coupes d’Europe avec le Stade Rennais.
"Il était très a à cheval sur le recrutement, c’était la clé de la réussite, témoigne Mathieu Le Scornet, pré-formateur à l’école de foot sous la direction de Rampillon avant de devenir l’adjoint de Julien Stéphan chez les pros en 2018. Pourquoi le recrutement est plus important que le reste ? Parce qu’il le disait très bien : ‘on ne fait pas d’un poney un cheval de course’." Première étape : repérer. Quand la famille Pinault arrive à Rennes et veut multiplier par deux la capacité d’accueil de l’internat, Rampillon lui dit qu’il préfère étendre son réseau d’informateurs à travers tout le pays.
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François PInault, président du Stade Rennais
Crédit: Getty Images
"En France, la culture globale, celle de 80% des clubs, c’est : pourquoi avoir des beaucoup de recruteurs sur le terrain auprès des jeunes alors que nos réseaux suffisent, diagnostique Azziz Mady-Mogne, qui fut coordinateur de vie du centre à Rennes avant de devenir coordinateur sportif à l’OM aujourd’hui. Rampillon, et Guy Roux, ont vu juste avant tout le monde : il faut investir sur le terrain pour repérer les meilleurs jeunes, ça permet de gagner du temps."
Ousmane vous dira que pour son premier contrat d’aspirant, je n’ai pas été généreux
Huit responsables de région qui ont, chacun, de deux à six scouts pour resserrer les mailles du filet, vont se partager le boulot. Le Stade Rennais se concentre sur deux zones géographiques : la Bretagne, naturellement, et la région parisienne, devenue le plus gros vivier de talents au monde. Contrairement à Lyon, Rennes ne peut pas se contenter de sa zone naturelle parce qu’elle reste moins dense en population et donc en talents.
Les Bretons vont donc aller chatouiller le vivier du PSG : Sylvain Wiltord est né à Neuilly-sur-Marne, Ousmane Dembélé grandit à Evreux, Jimmy Briand à Vitry-sur-Seine mais ils passeront tous pro à des kilomètres de chez eux. "Le cœur de leur réussite est parisienne, note Laurent Schmitt, agent de joueurs. Le TGV qui relie la gare Montparnasse à Rennes en 1h20 a grandement facilité les choses." Après avoir repéré, il faut séduire. Et c’est très souvent là où Rennes faisait la différence grâce à Patrick Rampillon.
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Ousmane Dembélé sous le maillot du Stade Rennais
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"Il faut un projet pédagogique, une séduction pour convaincre la mère et le père pour faire admettre que leur enfant va réussir sa vie avec nous, nous confie l’ancien directeur du centre de formation. Pour convaincre Dembélé à 13 ans, il faut séduire la famille, leur trouver un logement, trouver un travail pour le tuteur. C’est ça qui a fait la valeur du centre de formation de Rennes. Et je ne parle pas d’argent. Vous pouvez demander à Ousmane et il vous dira que pour son premier contrat d’aspirant, je n’ai pas été généreux. Et effectivement, ce n’est pas le contrat qui m’a coûté le plus cher. Ce n’était pas l’aspect financier qui comptait mais le bien-être du gamin."
Un budget pour la formation digne d'un club de Liue des champions
Les réussites de ceux passés par la Pivardière restent aujourd’hui encore le meilleur argument présenté aux familles. Et le centre profite de cette force d’inertie pour attirer les meilleurs. Mais le centre de formation n’aurait pas connu la même réussite sans le rôle central joué par l’investisseur. Dès son arrivée, la famille Pinault a mis au cœur de son ADN la formation. Elle est devenue le poumon du projet grâce à la volonté de l’actionnaire selon un principe très simple : investir très tôt et récolter les fruits plus tard.
Le centre breton a toujours bénéficié de plus de moyens que ses concurrents. L’arrivée des Pinault a permis de multiplier par quatre l’enveloppe dédiée à la formation. Aujourd’hui avec un budget qui avoisine les 10 millions d’euros, Rennes met les mêmes moyens dans son centre qu’un club de Ligue des champions alors que la norme, pour une formation de sa dimension, se situe davantage autour des quatre millions.
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Désiré Doué en 2022 avec Rennes
Crédit: Getty Images
Mais les Pinault ne jettent pas l’argent par les fenêtres, on ne devient pas milliardaire par hasard. Les cinq ventes de Doué, Camavinga, Dembélé, Tel et Ugochukwu ont rapporté, en dix ans, 180 millions d’euros au club soit un retour sur investissement tout à fait rentable. Pour développer ses talents, les faire grandir, le club a, là-aussi, eu le nez fin en recrutant des éducateurs au parcours stupéfiant depuis. Julien Stéphan, Franck Haise, Régis Le Bris ont tous coaché au très haut niveau après avoir fait leurs classes dans la pouponnière rennaise. Leur réussite incarne l’excellence de la formation bretonne.
Comme l’Ajax Amsterdam, Rennes a aussi choisi de mettre ses meilleurs formateurs chez les U15
"Comme l’Ajax Amsterdam, Rennes a aussi choisi de mettre ses meilleurs formateurs chez les U15 ou dans l’école de foot à l’image d’un Mathieu Le Scornet (ndlr : devenu adjoint de Stéphan à Rennes puis Strasbourg) qui fut essentiel dans la réussite des jeunes", témoigne encore Laurent Schmitt. L’autre grande réussite de Rennes, c’est la connexion complète entre le sportif et l’éducatif.
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"C'est injuste mais un but de Yamal, ça vaut cinq buts de Dembélé"
Video credit: Eurosport
Les jeunes ont des projets sur mesure en fonction de leurs qualités propres et ils souffrent moins qu’ailleurs de la rigidité du cadre. Il n’a, par exemple, jamais été demandé à Ousmane Dembélé, en grande difficulté à l’école, d’avoir son bac. Les exigences sont adaptées aux individus. Et, enfin, l’équipe première fera toujours de la place aux jeunes pousses. Là-aussi, c’est une question d’ADN.
"Il fallait créer un relationnel fort entre les pros et la formation, rembobine Le Scornet. Un coach au SRFC a une espérance de vie d’un an donc le processus de formation doit être plus fort que la pensée d’un coach et ne doit pas dépendre de lui." Aujourd’hui encore, alors que la saison était déjà ratée, Habib Beye, tout juste arrivé, a pioché dans le centre pour redresser l’équipe première : Djaoui Cissé, Jérémy Jacquet et Mohamed Kader Meïté. Même quand Rennes dépense davantage sur le marché des transferts, le centre de formation est un recours naturel. Voilà trente ans que ça dure et voilà pourquoi Rennes forme quelques-uns des meilleurs joueurs de la planète.
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