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Le Bahreïn au Paris FC ? "Ça ressemble à la stratégie du Qatar mais en version light et pauvre"

Glenn Ceillier

Mis à jour 30/07/2020 à 19:08 GMT+2

LIGUE 2 - Le royaume de Bahreïn est devenu lundi actionnaire minoritaire du Paris FC. Un renfort qui donne lieu à quelques spéculations notamment en raison du conflit entre le Qatar et l'Arabie saoudite, dont Bahreïn est un allié. Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport, fait le point. Et calme le jeu.

René Girard aux côtés de Pierre Ferracci, le président du Paris FC.

Crédit: Getty Images

Qatar Sport Investments au Paris SG, King Street à Bordeaux ou encore Nenking à Sochaux. Les investisseurs étrangers ne manquaient déjà pas dans le football français. Et depuis quelques jours, d'autres ont débarqué avec fracas. Toulouse a ainsi vu les Américains de RedBird Capital Partners devenir actionnaire majoritaire du TFC. Et cette semaine, c'est le Paris FC qui a annoncé la signature du royaume de Bahreïn comme actionnaire minoritaire et sponsor principal. Forcément, l'arrivée d'un pays du Golfe dans le capital d'un club de l'Hexagone fait saliver quelques doux rêveurs. A juste titre ? Pas forcément.
On a pourtant tous en tête le changement de dimension de certains clubs grâce à l'arrivée d'un actionnaire du Moyen Orient. Entre Manchester City - contrôlé par les Émirats arabes unis - et évidemment le PSG - détenu depuis 2011 par le Qatar -, les exemples ne manquent pas. Le sport est devenu un terrain idéal pour poursuivre l'affrontement entre les pays rivaux du Golfe. Cependant si Bahreïn s'active de plus en plus dans le monde sportif avec la mise sur pied en 2016 d'une équipe cycliste professionnelle (Bahrain-McLaren) ou l'organisation depuis 2004 d'un Grand Prix de Formule 1, le petit Etat insulaire du Golfe n'a pas forcément les mêmes buts que ses voisins. Ni les mêmes moyens.
Le but d'un fonds souverain, c'est d'être rentable et de ne pas dilapider l'argent
"Il y a une diplomatie sportive bahreïni qui ne repose pas sur les mêmes logiques que le Qatar, nous explique Jean-Baptiste Guégan, auteur de "Géopolitique du sport, une autre explication du monde". L'idée de Bahreïn, c'est de se présenter comme une destination touristique. De faire connaitre Bahreïn en utilisant le sport, et notamment le sport de masse, comme la F1, le cyclisme. Et cela à moindres coûts. Ils n'ont pas les mêmes arguments financiers que les Émirats arabes unis, l'Arabie Saoudite ou même le Qatar. Donc ils font avec leurs moyens. De manière simpliste, on pourrait dire que c'est l'équivalent de la stratégie du Qatar mais en version light et pauvre".
Ce n'est pas pour rien si le royaume de Bahreïn s'implique dans un club de L2, en difficulté aussi bien sportive que financière. On parle quand même d'une formation qui a terminé à la 17e place de L2 cette saison. Selon L'Equipe, ce petit pays insulaire d'Arabie a ainsi injecté seulement 5 millions d'euros pour récupérer 20% de parts du PFC. Ce n'est pas colossal. "Aujourd'hui, on n'est pas dans une prise de position majoritaire, constate Jean-Baptiste Guégan. On est dans un investissement. Le but d'un fonds souverain, c'est d'être rentable et de ne pas dilapider l'argent. L'objectif est donc d'abord économique. C'est de faire un investissement maintenant à bas coût, en profitant notamment de la crise du Covid-19, pour que cela rapporte si un jour le PFC monte en L1".

Un enjeu politique ?

Une ambition raisonnable. Grâce à l'apport de Bahreïn, le budget du 17e de L2 va passer de 14,5 à 19 millions d'euros en 2020-2021. Soit un montant qui place le club francilien dans le Top 5 de l'antichambre de l'élite... D'ailleurs, le Paris FC, qui n'a plus évolué en première division depuis 1974, a déjà annoncé son envie de monter dans les trois prochaines années. Cerise sur le gâteau, Paris, l'une des rares capitales européennes à ne compter qu'un club au plus haut niveau, possède de jolis arguments économiques. Mais il y a évidemment aussi d'autres possibilités ou d'autres perspectives derrière cet investissement. Politiques notamment.
La présence de Pierre Ferracci à la tête du club parisien n'a ainsi rien d'anodin. Le président du PFC est connu pour être un proche du… Président de la République, Emmanuel Macron. "Il peut y avoir une part de calcul politique, c'est pour ça que c'est un fonds souverain. Et pas un acteur individuel, note Jean-Baptiste Guégan. Quand tu te rapproches de Pierre Ferracci, tu te rapproches d'un milieu relativement proche d'EmmanuelMacron à un moment où la France est ouverte à toutes sortes d'investissements étrangers notamment du Golfe".

Et la confrontation entre pays du Golfe via une lutte PSG-PFC ? "Rien n'atteste de leur volonté de faire cela car ils ne l'ont jamais fait"

Evidemment, l'arrivée du royaume de Bahreïn dans un club parisien installé à quelques kilomètres du PSG, propriété du Qatar, offre aussi de quoi spéculer. Avec en fond, cet affrontement par procuration dans le monde sportif entre Etats rivaux du Golfe, le Qatar ayant été mis au ban par l'Arabie Saoudite et plusieurs de ses alliés. Et justement, le Bahreïn, niché entre l’Arabie saoudite et le Qatar dans le golfe Arabo-Persique, est un allié fidèle des Saoudiens dont le royaume est de plus en plus dépendant.
"Le Bahrein a un alignement complet avec l'Arabie saoudite. Ce sont des suiveurs. Pas des acteurs, explique cependant Jean-Baptiste Guégan. Beaucoup vont parler de géopolitique du sport derrière cela. Mais il n'y a pas de first power bahreïni sur le sport. C'est un acteur qui utilise cela pour maintenir la dynastie au pouvoir et surtout pour la dynamiser économiquement. Ils ont la même stratégie qu'Abou Dabi de ce côté- là. Il n'y a pas de visée géopolitique comme le Qatar, qui doit se protéger". Ces dernières années, le Qatar a en effet mis en place une stratégie du soft power, via une diplomatie sportive, pour sortir de son isolement diplomatique.
Alors que la France a déjà spéculé ces dernières semaines avec les rumeurs d'un possible rachat de l'OM avec la présence d'un fonds saoudien dans les possibles acheteurs, un duel entre le PSG et le PFC sur fond de lutte d'influence entre pays du Golfe n'est donc pas au programme. Pas tout de suite en tout cas. "Si le Bahreïn met plus d'argent à l'avenir, il pourrait y avoir une transposition de l'affrontement avec le Qatar dans le cadre de la crise du Golfe dans le football français à travers ça. Mais très honnêtement, aujourd'hui, on ne le sait pas. Et rien n'atteste de leur volonté de faire cela car ils ne l'ont jamais fait. Le Bahreïn n'a par exemple jamais boycotté des coureurs qatariens", conclut Jean-Baptiste Guégan. Pour le Bahreïn, c'est donc d'abord un enjeu de "nation branding" et économique.
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