Manchester est diabolique

Chelsea et Liverpool ont du souci à se faire. Non pas en vue d'une probable finale contre le vainqueur du duel opposant Manchester et Milan. Mais plutôt en comparaison du spectacle proposé par les deux formations sur la pelouse d'Old Trafford. Pour rivaliser avec le jeu produit par les vingt-deux acteurs du théâtre des rêves mardi soir, il va falloir se lever de bonne heure... et scorer au moins cinq buts, performance réussie sur le rectangle vert fétiche des Red Devils.

Décidément ces derniers temps, le public mancunien se régale. Après avoir rayé la Roma du paysage de la Ligue des Champions 2006/2007, Manchester s'est encore offert une soirée de gala, avec la complicité cette fois du Milan (3-2). Difficile de faire moins bien lorsqu'on aligne au coup d'envoi d'un côté comme de l'autre une pléiade de stars. Fin de saison oblige, les projecteurs étaient braqués sur deux joueurs susceptibles de faire la pluie et le beau temps dans cette rencontre : Cristiano Ronaldo et Kaka. Evoluant à domicile, l'international portugais était attendu par son public, ce dernier se soulevant à chaque arabesque de son génial protégé. Une foi inébranlable récompensée dès les cinq premières minutes, Ronaldo profitant d'une sortie manquée de Dida pour transformer un banal corner en but sonnant et trébuchant (1-0, 5e).

L'espace d'un instant, le spectre de la ballade romaine rejoint les travées d'Old Trafford. Juste un instant. Toujours aussi emprunté à la pointe de l'attaque milanaise, Gilardino, de retour de suspension, abandonne volontiers sa tunique de buteur à Kaka. L'autre vedette annoncée de la partie vole l'attention du public à son intention. Et fait tourner en bourrique Heinze. L'ancien Parisien, si peu crédule d'ordinaire, tombe dans les feintes que lui sème au passage le Brésilien. Un crochet décisif (1-1, 22e) suivi d'un subtil sombrero (1-2, 37e) mystifient l'international argentin. Un doublé pour le fantasque joueur auriverde, meilleur buteur de la compétition (9 buts). Une "perf" qui douche surtout le public local.

Si Milan a jusque-là eu l'habitude de maîtriser ses rencontres, cette tendance est vite mise à mal par le fighting spirit si cher aux Anglais. Manchester ne lâche rien. D'ailleurs, comment pourrait-il en être autrement alors que Dida a déjà du s'employer sur des obus lointains de Carrick (13e) et de Ronaldo (35e). Plus solide que son homologue romain, Milan, avec les seuls Kaka et Seedorf pour secouer le cocotier anglais, n'a pas les jambes pour menacer à nouveau son adversaire. L'antre d'Old Trafford se resserre sur le but de Dida. A chaque occasion, le public local retient son souffle. L'expiration est presque proche mais Carrick, pourtant seul au second poteau, manque le coche (48e).

Cristiano Ronaldo et Kaka moins en vue, Rooney en profite pour s'inviter au parterre des stars. L'international anglais, complètement invisible en première période, frappe deux fois. D'abord grâce à la complicité de Scholes (2-2, 59e), ensuite sur un décalage de Giggs (3-2, 90+1). Sous les jambes de Dida ou tout simplement chirurgical, son pied droit fait mouche. Cette fois, les habitués d'Old Trafford peuvent se lever d'un seul homme. Leur équipe a encore fait le boulot. Si rien n'est fait cependant, l'espoir d'une finale de Ligue des Champions, la première depuis 1999, est de mise pour l'actuel leader de Premiership. Avec cette capacité à renverser les obstacles présents sur sa route, pas sûr que 2007 ne rime pas avec une élimination milanaise dans huit jours, une première dans l'histoire européenne des Red Devils. Après tout, à coeur diabolique, rien d'impossible.

"Il y a eu deux très belles équipes, un match de très grande qualité, avec des buts superbes des deux côtés. Mais je pense que sur l'ensemble du match, nous étions une meilleure équipe, notamment en seconde période, et que nous méritions de gagner. Le geste de Paul Scholes (ndlr: sur le premier but de Wayne Rooney) était magnifique. Notre réaction, alors que nous étions menés 2 à 1 à la mi-temps, a été superbe. Nous ne savons pas si certains de nos défenseurs blessés pourront jouer le retour. Peut-être Vidic. Mais Darren Fletcher a fait un bon match dans un rôle inhabituel pour lui. Rooney a amené le premier but, a égalisé et a marqué un incroyable 3e but pour la victoire. Ces joueurs-là savent se mettre au niveau des événements comme celui-ci. Cristiano Ronaldo n'a pas marqué, mais je m'en fiche. Ce qui compte, c'est qu'il continue à évoluer à ce niveau."