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Guardiola s’est-il trompé sur Bravo (et le football anglais) ?

Maxime Dupuis

Mis à jour 21/02/2017 à 16:01 GMT+1

En début de saison, Pep Guardiola a écarté Joe Hart au profit de Claudio Bravo. Sur le papier, le Chilien est un gardien taillé pour une équipe comme Manchester City et le jeu souhaité par son manager. Mais est-il bâti pour l’Angleterre et ses spécificités ? C’est une autre histoire. Désormais doublé par Willy Caballero, il ne devrait pas jouer face à Monaco. Et si Guardiola s'était trompé ?

Claudio Bravo

Crédit: Panoramic

10 décembre 2011. Stade Santiago-Bernabeu. Treize secondes de jeu. Victor Valdes touche, déjà, son deuxième ballon du Clasico. Sa relance courte, du droit, est ratée dans les grandes largeurs et se transforme en offrande pour Angel di Maria. Dans sept secondes, Karim Benzema aura ouvert le score. Sur son séant, le portier catalan rumine une imprécision technique dont Pep Guardiola, le grand architecte de la révolution barcelonaise, ne fera pas grand cas. Non pas parce que Barcelone va s’imposer (1-3). Mais parce que le technicien catalan sait que ce type d’imprévus font partie du jeu. Et il ne souhaite pas voir son portier modifier son approche. La construction doit encore et toujours partir de derrière et le gardien est le premier attaquant de son équipe. Quoi qu’il advienne. Ce sera le cas au Bayern Munich avec Manuel Neuer et c’est ce qu’il souhaite aujourd'hui à Manchester City.
Arrivé cet été pour suppléer Joe Hart qui ne faisait pas l’affaire aux yeux de Pep Guardiola, Claudio Bravo a connu une première demi-saison difficile en Premier League et, relégué sur le banc depuis la fin du moins de janvier, ne devrait pas jouer face à Monaco, mardi soir. Quand vous êtes âgé de 33 ans et avez disputé toute votre carrière dans des championnats latins ou affiliés comme tels, le contraste est saisissant. Et ce n’est pas seulement lié au climat. L’Angleterre est un pays ingrat pour les gardiens où ils sont moins protégés qu’ailleurs, plus exposés aux chocs et aux "deuxièmes ballons" que sur le continent.
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Dele Alli

Crédit: AFP

Jouer haut et au pied, c’est bien si vous êtes Neuer mais Bravo n’est pas Neuer
"Ses débuts n’ont pas été bons. En Angleterre, vous ne trouverez personne pour vous dire que Guardiola a pris la bonne décision en remplaçant Hart par Bravo, nous explique Alex Chick, d’Eurosport.co.uk. Nous avons une vision très traditionnelle du rôle du gardien ici : il est là pour empêcher le ballon d’entrer dans ses filets. Jouer haut et au pied, c’est bien si vous êtes Manuel Neuer. Mais Bravo n’est pas Manuel Neuer." Problème : Pep Guardiola ne partage pas cette vision. Si le Catalan est probablement convaincu que le Chilien n’est pas l’égal de son ancien portier au Bayern, il n’en reste pas moins que ses qualités de relanceur doivent servir son ambition footballistique. Pour lui, un gardien est aussi un joueur de ballon. En Angleterre comme ailleurs.
"Si votre philosophie est de jouer court, d’avoir la possession du ballon, c’est une qualité très importante, analyse Christophe Lollichon, qui s’occupe des gardiens de but à Chelsea depuis 2007. Le gardien complet, aujourd’hui, doit être bon avec ses mains et avec ses pieds. J’ai pour habitude de dire que le gardien est un joueur de champ qui a le droit d’utiliser ses mains. Ce qui signifie qu’on ne peut plus se contenter d’avoir des ‘shot stoppers’".
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Pep Guardiola

Crédit: Panoramic

Le souci avec Claudio Bravo est qu’à cette heure, il ne remplit même pas sa mission de "shot stopper". Et c’est le moins que l’on puisse dire. Parmi les portiers qui ont joué au moins 15 matches en Premier League cette saison, le Chilien présente le pire ratio tirs subis / ballons arrêtés, à égalité avec Fraser Forster de Southampton (58%). 60 tirs subis, 25 buts encaissés, ça fait désordre. D’autant que Bravo n’est pas le portier le moins bien entouré du Royaume. Il a touché le fond le 15 janvier dernier à Everton où, sur quatre tirs, l’ancien de Colo Colo a encaissé quatre buts pour un revers plus que sec (4-0). C’est pour cela que Guardiola l’a mis au repos forcé depuis la fin du mois de janvier, ne le titularisant que samedi en Coupe d’Angleterre face Huddersfield Town (0-0).
A l’heure où Monaco et son attaque mitraillette débarquent à l’Etihad, Willy Caballero est désormais le numéro 1 dans les buts mancuniens. Et il est plus qu'impliqué dans le redressement du club. Pour preuve, City ne perd plus et Caballero a signé 3 clean-sheets. Accessoirement, l’Argentin de 35 ans ne jure pas dans le jeu au pied. Ce que Tony Cascarino a récemment confirmé dans les colonnes du Times, après la victoire de City à Bournemouth (0-2). "Willy Caballero semble meilleur que Claudio Bravo avec ses pieds. Il est plus à l’aise avec le ballon et relance bien avec sa défense centrale. Il fait ça bien, ce qui explique aussi pourquoi Pep Guardiola a décidé de le mettre numéro 1".
Claudio Bravo, le mauvais élève
L’efficacité de Caballero est inversement proportionnelle aux soucis de Bravo. Au pied, le Chilien fait pourtant de son mieux. Certes, 70% de passes réussies (selon Whoscored), c’est moins bien qu’à Barcelone. Mais l’Angleterre est ce qu’elle est et, à la différence de la Liga (ndlr : il réussissait 84% de ses passes la saison dernière), le pressing et l’intensité adverses l’obligent à allonger plus qu’en Espagne. Il n’est donc pas illogique que son taux de réussite soit inférieur à ce qu’il était de l’autre côté des Pyrénées. "Les 70% sont un mix de jeu court et long, confirme Christophe Lollichon. Et, ici, vous le savez, vous avez intérêt à avoir des joueurs de qualité pour gagner les duels aériens. Il faut prendre ces statistiques avec des pincettes." Ajoutez à cela que ses défenseurs ne sont pas aussi joueurs qu’au Barça. A City, la culture guardiolesque est encore balbutiante. Il n’en reste pas moins que la question de l’intérêt de l’investissement Bravo (18 millions d’euros) est aujourd’hui posée sur la table.
Faux numéro 1
Pep Guardiola aime les "faux numéros 9", un auditeur de la BBC a récemment et malicieusement jugé que le Catalan avait recruté un "faux numéro 1" dans les buts. Un bon mot ne fait pas forcément une analyse pertinente et, si le manager de Manchester City est conscient que son portier devait en faire plus, il est encore un peu tôt pour émettre un jugement définitif sur Bravo. Comme tout autre étranger de Premier League (et d’ailleurs), il a besoin de s’adapter aux particularités locales que Pep Guardiola a sans doute sous-estimées, soit dit en passant.
A cette heure, une seule certitude : Claudio Bravo ne grandira plus. Ses 185 centimètres font de lui le plus petit portier de Premier League, à égalité avec Victor Valdes (Middlesbrough) ou Michel Vorm (Tottenham), et certains observateurs sont persuadés que c’est un défaut rédhibitoire dans un monde où les géants ont pris le pouvoir. Plus que les portiers doués avec leurs pieds.
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