Le come-back de Maradona à Naples ? Poétique mais périlleux

, meilleur joueur de l’histoire du football de ces 40 dernières années et un statut all-time qu’il partage en compagnie de Pelé, même si les onze saisons que l’Argentin a passées dans des clubs européens font probablement de lui le numéro un le plus légitime. Sept d’entre elles se sont écoulées au Napoli, l’équipe à laquelle on l’identifie le plus souvent, parfois plus que l’Argentine. Le 10 mai prochain, on fêtera d’ailleurs les 30 ans du premier Scudetto conquis par les Parthénopéens. Diego Maradona, le symbole et la fierté d’une population régulièrement raillée pour son folklore aux limites de la légalité. Une certaine idée de la revanche sociale, un orgueil dont les Napolitains ont été matériellement privés deux décennies durant. Cette anomalie est sur le point d’être réparée. Enfin. Mais le processus est délicat.

Il avait déjà fallu attendre 14 ans pour le revoir au Stadio San Paolo, c’était à l’occasion du jubilé de Ciro Ferrara, son ancien coéquipier. Un stade en fusion et un Maradona aux anges. Repassez-vous les images, ça vaut le coup. 14 longues années après une fin d’expérience en eau de boudin : suspension pour contrôle positif à la cocaïne, découverte d'un fils illégitime, puis une sale histoire avec le fisc italien qui est allée jusqu’à l’empêcher de fouler tranquillement le sol de la Botte. Huit autres années s'écoulent encore avant de le voir de nouveau à Naples. Des laps de temps très longs qui ont provoqué à chaque visite de Maradona de gigantesques effusions de joie chez les Napolitains. Le reste de l’Italie assiste toujours ébahi à cet amour fusionnel. De l’envie ? De la jalousie ? Non, plutôt de l’admiration car ce rapport si intense n’était possible qu’entre Diego et le Napoli. Les retrouvailles ont été plus régulières ces derniers temps avec en point d’orgue la visite de janvier et la pièce co-jouée avec Alessandro Siani dans le prestigieux théâtre San Carlo. Pour la petite histoire, cet acteur napolitain a interprété le rôle de Dany Boon dans la version italienne de "Bienvenue chez les Ch’tis". A voir également ! Surtout, El Pibe de Oro s’est rendu au centre d’entrainement de Castelvolturno. Sarri a interrompu l’entrainement pour laisser place aux embrassades, photos et au café servi par Tommaso Starace, historique intendant déjà présent du temps de Maradona joueur. La boucle était bouclée.

Le tapage médiatique qu’engendre chacune de ses apparitions napolitaines a peu d’équivalent dans le monde du foot. En outre, longtemps frondeur, Diego est désormais en phase avec les institutions (Infantino, président de la FIFA, compte sur lui). Sa puissante aura est un formidable filon à exploiter mais elle doit être maniée tel un flacon de nitroglycérine. On ne présente ni refait Maradona. Il dit ce qu’il pense et parfois ce qu’il ne pense pas, n’a pas sa langue dans sa poche, ni ses mains. Le premier déplacement officiel à Madrid a rapidement illustré cet état de fait puisque l’Argentin s’est disputé avec sa compagne Rocio à l’hôtel au point de faire intervenir les gendarmes. L’info a fait le tour du web, et ce, quelques heures avant le traditionnel déjeuner d’avant-match entre les dirigeants. Voilà pour sa première apparition en tant qu’ambassadeur du Napoli. Entrée en matière mouvementée mais c’était prévisible.

"Ambassadeur", c'est le rôle qu’Aurelio De Laurentiis veut lui assigner. Avec quelles fonctions ? Cela reste encore à définir car les contours de cette opération sont flous. Peu avant le début du match contre le Real, Maradona est venu faire un discours dans les vestiaires, ou plutôt Sarri le lui a demandé. Vrai besoin de galvaniser les troupes ou mise en scène ? Le doute subsiste. Maradona ne peut pas ne pas être encombrant, ni faire partie du décor, de par son tempérament mais aussi par ce qu’il représente. Et la cohabitation que le président du Napoli s'apprête à "s’infliger" ne convainc pas tout le monde, loin de là. Diego parlera, jugera, polémiquera... et De Laurentiis répondra. On a eu un petit avant-gout récemment : "Maradona veut le Scudetto ? En habitant à Dubaï, il a peut-être oublié que même son Napoli n’a pas participé sept fois de suite aux compétitions européennes." Deux coqs dans un même poulailler font rarement bon ménage.

La tentative de lui trouver une place officielle dans de l’organigramme est tout à fait louable, mais l’exercice est délicat, surtout au sein d’un environnement aussi émotif. Or, que les Napolitains se rassurent, d’autres clubs transalpins éprouvent les mêmes difficultés, tandis que certains n’y ont même pas songé. Il suffit de penser à Alessandro Del Piero et Paolo Maldini, jamais vraiment pris en considération par les directions actuelles de la Juve et du Milan avec des répercussions diamétralement opposées : la Vieille Dame s’en porte bien, le Diable en souffre. Il s’agit de trouver le juste milieu entre la répartition du pouvoir exécutif et la puissance de l’image de marque des anciennes gloires. Le potentiel marketing et commercial de Maradona est incommensurable et il permettrait au Napoli de s’exporter très facilement au-delà de ses frontières, de varier ses ressources, de grimper quelques places dans la Money League. C’est aussi le principe d’ambassadeur. Reste à savoir si l’intéressé acceptera de se cantonner à un rôle d’homme-sandwich. Si réticence il y a, l’état-major des azzurri devra y réfléchir à deux fois, le risque étant d’écorcher le souvenir du Maradona joueur. Sacré dilemme, quand je vous disais que personne n’envie le Napoli sur ce point.