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Le modèle du Dinamo Zagreb est vertueux, son patron beaucoup moins...

Loïc TREGOURES

Mis à jour 22/11/2016 à 13:22 GMT+1

Remarquable club formateur, le Dinamo Zagreb utilise la scène européenne pour mettre en valeur ses plus belles pépites afin de les vendre à bon prix. Et la manne venant de sa participation à la C1 permet au club phare du football croate de vivre confortablement. Malheureusement, sa face sombre tient en son homme fort, Zdravko Mamic.

Zdravko Mamic

Crédit: AFP

C’était il y a presque cinq ans. Au terme d’un scénario totalement improbable, l’Olympique Lyonnais décrochait sa qualification pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions sur le terrain du Dinamo Zagreb, grâce à une victoire record 7-1 alors que le score était de 1-1 à la mi-temps.
Depuis lors, le Dinamo a continué d’enchaîner les participations en Ligue des Champions avec une régularité dans la défaite, parfois lourdes, assez remarquable. Soyons honnête, même depuis la réforme de la Ligue des Champions voulue par Michel Platini, le fait que le champion de Croatie participe aussi régulièrement à la compétition reste une réussite. C’est même une fin en soi, c’est pourquoi finir le premier tour avec six défaites n’a pas beaucoup d’importance.
Le business model du Dinamo Zagreb, troisième meilleur club formateur en Europe juste derrière le Partizan Belgrade selon une étude du CIES, repose en bonne partie sur cette participation, qui se joue dès la fin du mois d’août. La qualification offre comme à tous les clubs une vingtaine de millions d’euros, ce qui est largement suffisant pour faire fonctionner le club et accentuer l’écart avec le reste de la concurrence locale. Pas pour rien, en dehors des petits arrangements entre amis dont le football croate est coutumier, que le Dinamo est champion sans discontinuer depuis plus de dix ans.
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Mateo Kovacic sous le maillot du Real

Crédit: AFP

D'une pépite à l'autre

En plus de sa dotation, la fortune du Dinamo vient évidemment de son exceptionnelle capacité à repérer, former, puis très bien vendre ses jeunes joueurs année après année. Concrètement, les joueurs du Dinamo se divisent en deux catégories. D’un côté, il y a les cracks, âgés de 17 à 22 ans, qui ont vocation à être vendus cher voire très cher. De l’autre, il y a les autres joueurs, Croates en fin de carrière (Simunic, Schildenfeld, Leko) ou trop limités pour générer une belle opération financière, puis les étrangers de seconde zone (Machado, Jonas), très bien payés pour remplacer les cracks vendus à chaque mercato, hiver comme été. La mécanique est parfaitement huilée.
Chaque match de compétition européenne est l’occasion de mettre en valeur des jeunes à très fort potentiel, qui seront assurément vendus au mercato suivant et remplacés à la fois par des étrangers grassement payés puis par d’autres jeunes de 17-18 ans qui vont intégrer l’équipe première. Pour mémoire, le seul buteur du match contre l’OL en 2011 était le très jeune Mateo Kovacic, aujourd’hui au Real. Sur le terrain figuraient également Milan Badelj, aujourd’hui à la Fiorentina, et Sime Vrsaljko qui évolue à l’Atletico Madrid, c’est-à-dire trois joueurs sur onze à très fort potentiel. L’année suivante contre le PSG, c’est Marcelo Brozovic qui accompagnait Kovacic au milieu de terrain tandis que le tout jeune Alan Halilovic, 16 ans et des pieds soyeux, effectuait ses débuts.
Ainsi, chaque année, le Dinamo vend ses plus belles pépites, immédiatement remplacées par d’autres. Que l’on songe, en l’espace de dix ans, à Modric, Mandzukic, Jedvaj, Kovacic, Vrsaljko, Badelj, Brozovic, Corluka, Eduardo, Brekalo... Encore aujourd’hui, il y a dans l’équipe-type du Dinamo trois joueurs de moins de 20 ans à l’énorme potentiel, à savoir l’attaquant Ante Coric au physique analogue à ceux de Modric et Halilovic, le défenseur central Filip Benkovic, et le gardien Adrian Semper, sans compter le Slovène Petar Stojanovic (21 ans).

Mamic, ou l'art de faire fortune sans investir un sou

Ce modèle serait donc vertueux s’il n’était pas assis sur les manipulations du patron du club et de tout le football croate, Zdravko Mamic, de nouveau inculpé à l’automne 2015 pour fraude fiscale et détournement de fonds puisqu’on le soupçonne d’avoir détourné de l’argent appartenant au club. Puisque le club a des ressources, il n’est pas contraint, contrairement au Partizan, de vendre ses meilleurs éléments chaque année pour survivre. Pourtant, c’est ce qui se produit car Mamic a un intérêt direct à vendre chaque année.
Contraire la loi, le système Mamic est pourtant très bien rodé. Les jeunes qui signent avec le Dinamo s'engagent également avec l’agence de marketing sportif du fils Mamic. Autrement dit, la famille Mamic est l’agent des meilleurs cracks du pays, ce qui signifie que chaque fois qu’un de ces joueurs est vendu à prix d’or, Mamic touche de l’argent. Une fois de plus, cela ne serait pas un problème si le Dinamo lui appartenait et qu’il mettait ses propres fonds dans la balance. Sauf que le Dinamo est un club au statut d’association publique, qui appartient à ses membres bien qu’aucune élection ne puisse avoir lieu puisque le club est verrouillé. Autrement dit, Mamic ne met pas un sou dans le club, en revanche, il fait fortune grâce à lui puis grâce à ses appuis politiques qui lui permettent de ne jamais être véritablement inquiété par la justice.
Seuls les supporters engagés du club ont osé s’élever contre ce système qui gangrène tout le football croate. Leurs initiatives, notamment la création d’un club de futsal Dinamo entièrement géré par les supporters selon une charte démocratique, a précisément pour objet de rappeler que le football n’est pas qu’un business, c’est aussi une idée, une éthique, un idéal qui dépasse tous les titres de champion d’un championnat joué d’avance.
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Supporters du Dinamo Zagreb brandissant un t-shirt de protestation contre Zdravko Mamic.

Crédit: AFP

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