Ligue des champions - Les remontadas peuvent-elles devenir banales ?
Mis à jour 02/05/2018 à 18:21 GMT+2
LIGUE DES CHAMPIONS - La Ligue des champions a offert deux incroyables remontadas en moins d'un an, et la Roma devra en ajouter une nouvelle pour écarter Liverpool en demi-finale, ce mercredi (20h45). La compétition traverse-t-elle une période particulière ? Ou ces tendances vont-elles devenir de plus en plus régulières ? Tentative de réponse.
On s'était réjoui, au bout d'une semaine européenne grandiose, y voyant même le début d'une nouvelle ère : celle où les exploits n'en seraient plus vraiment, puisque la Roma, face au Barça, et la Juventus, à Madrid, avaient presque démontré que l'impossible était constamment devenu possible. Le football en est-il réellement là ? Les fameuses "remontadas" vont-elles, désormais, régulièrement animer la plus prestigieuse des compétitions européennes, dont les réformes et les efforts des patrons des grosses écuries visent pourtant à creuser l'écart entre les manants et les puissants ?
Et si, finalement, elles n'étaient qu'un phénomène de mode ? Car au fil du temps, le sens du terme a changé. Il aurait pris sa source au cœur des années 50, en Espagne évidemment, en finale de la Coupe des clubs champions européens 1956, lorsque le Real Madrid - déjà lui - avait triomphé du Stade de Reims (4-3) après avoir rapidement été mené de deux buts au Parc des Princes. Il est réapparu peu avant le 8 mars 2017 et la raclée infligée par le Barça au PSG (6-1), le foot ayant démontré, entre-temps, que le premier exemple avait été régulièrement répété, au contraire du second.
10 remontadas sur 25 "possibles"
La remontada naît d'une situation qui, a priori, est irréversible, mais que le sport et sa part de mysticisme peuvent renverser. Autrement dit, elle a une raison d'être en phase éliminatoire, au terme d'un match aller à sens unique, bouclé sur un écart au score d'au moins trois buts. En C1, depuis que la règle du but à l'extérieur - importantissime pour ces cas de figure - a été adoptée pour toutes les phases de la compétition, 15 confrontations auraient pu, à un but près, déboucher sur une remontada. Du deuxième tour opposant Anderlecht à l'Olympiakos (5-1 à l'aller, 0-3 au retour) en 1974-1975, jusqu'au Real - Juventus (3-0 à l'aller, 1-3 au retour) du mois dernier. 10 autres ont été exaucées.
Edition de la C1 | Match | Aller | Retour |
1970-1971 | Etoile Rouge de Belgrade - Panathinaïkos | (4-1) | (0-3) |
1974-1975 | Hajduk Split - AS Saint-Etienne | (4-1) | (1-5 a.p.) |
1975-1976 | Derby County - Real Madrid | (4-1) | (1-5 a.p.) |
1985-1986 | IFK Göteborg - FC Barcelone | (3-0) | (0-3, 4-5 t.a.b.) |
1988-1989 | BFC Dynamo - Werder Brême | (3-0) | (0-5) |
1988-1989 | Neuchâtel Xamax - Galatasaray | (3-0) | (0-5) |
1993-1994 | Linfield - Copenhague | (3-0) | (0-4 a.p.) |
2003-2004 | AC Milan - Deportivo La Corogne | (4-1) | (0-4) |
2016-2017 | Paris Saint-Germain - FC Barcelone | (4-0) | (1-6) |
2017-2018 | FC Barcelone - AS Rome | (4-1) | (0-3) |
L'opposition prévue ce mercredi, entre la Roma et Liverpool (5-2 pour les Reds à Anfield) sera-t-elle la onzième ? Une chose est sûre : le contexte y est favorable. Et c'est tout sauf un détail. Il suffit de jeter un coup d'œil sur les dates des différents exploits pour en avoir la preuve. Sur les 10 remontadas, peu sont véritablement isolées dans le temps : la première, réussie par le Panathinaïkos (1970-71), celle du Barça, en 1985-1986, l'œuvre de Copenhague, en 1993-1994, et celle du Deportivo, en 2003-2004. Les autres ont toutes été couplées, soit sur une même saison, soit sur un intervalle d'un an.
Prenons la période 1974-1975, où Saint-Étienne avait renversé l'Hajduk Split (défaite 4-1 à l'aller, victoire 5-1 a.p. au retour), un an avant que le Real Madrid ne l'imite pour s'offrir Derby County. Dans cet intervalle, l'Olympiakos, Zurich ou Ujpest ont tous manqué d'un rien leur remontada. Comme la Juventus le 11 avril dernier, à Bernabeu. Est-ce véritablement une coïncidence ? Probablement pas. Parce que ces grands exploits sont réalisés par des équipes, elles-mêmes formées d'hommes, et que ces hommes ont une mémoire sélective leur permettant de se convaincre que l'impossible est réalisable.
L'impact psychologique des précédentes et les cycles
Il est difficile, même impossible, de quantifier le rôle de la psychologie dans ces performances remarquables. Mais il est évidemment impactant. Il suffit de revenir aux jours qui ont séparé les deux rencontres entre le Paris Saint-Germain et le Barça, quand Suarez s'était convaincu qu'il pouvait "vivre l'un des moments les plus importants de [sa] carrière" alors que Matuidi, Draxler, Verratti et Meunier se demandaient, pour Bros Stories, s'ils seraient "contents de perdre (5-1) mais de se qualifier"...
C'est précisément ce contexte psychologique-là qui a poussé l'entraîneur du Real Madrid, Zinedine Zidane, à tant de prudence juste après le match, pourtant remporté par les siens sur le terrain du Bayern Munich, au moment d'évoquer le retour : "De toute façon, on va devoir se battre, a-t-il lâché. Je pense que ce n'est jamais fini. Bien au contraire, vu ce qu'il s'est passé contre la Juventus..." C'est aussi la raison pour laquelle Eusebio Di Francesco, coach de la Roma, y croit toujours malgré la déconvenue d'Anfield. "Nous avons déjà accompli quelque chose d'important", a-t-il rappelé.
Tout porte donc à croire que la Ligue des champions traverse un cycle, ou plutôt une parenthèse. Mais il existe désormais une nouvelle inconnue. Alors que les instances mettent tout en œuvre pour réserver la C1 à ses habitués, la révolte des "petits", ou des "moins grands" va-t-elle régulariser les remontadas ? La Roma en a donné un premier indice au tour précédent. Et puisque son palmarès européen n'a rien de comparable à celui du géant d'Europe qu'est Liverpool, elle pourrait, cette fois, amorcer une véritable tendance.
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