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Liverpool : Kennedy, l’improbable héros qui a fait chuter le Real

Bruno Constant

Mis à jour 26/05/2018 à 09:00 GMT+2

LIGUE DES CHAMPIONS - Originaire de Sunderland, passé chez l’ennemi Newcastle, Alan Kennedy avait inscrit le seul but de la dernière finale européenne entre Liverpool et le Real Madrid en 1981 (1-0), au Parc des Princes.

Alan Kennedy et Phil Neal

Crédit: Getty Images

De notre correspondant au Royaume-Uni,
A Liverpool, les héros ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Bien sûr, il y a eu Kenny "King" Dalglish en 1978 contre Bruges (1-0) et Steven Gerrard pour . Et tout le monde rêve déjà de voir Mohamed Salah torturer la défense du Real Madrid, ce samedi à Kiev, et entrer un peu plus dans l’histoire du club. Mais ce fut aussi Tommy Smith, défenseur central, et Phil Neal, latéral droit, en 1977 face au Borussia Monchengladbach (3-1), ou encore son latéral gauche lors des sacres de 1981 et 1984 : Alan Kennedy, aucun lien de parenté avec la famille de "JFK", dont les 45 premières minutes, apocalyptiques, sous le maillot de Liverpool lors de l’ouverture de la saison 1978-1979 n’avaient pas laissé entrevoir un tel destin…
Bob Paisley, célèbre manager de Liverpool, n’avait pas reconnu le gamin de 24 ans dont il connaissait la mère depuis des années et qu’il était allé puiser dans la descente de Newcastle pour 330 000 livres. Kennedy avait multiplié les erreurs du débutant paralysé par le poids du maillot : fébrilité balle au pied, des longs ballons renvoyés à l’adversaire et une intervention complètement ratée du pied droit - "celui qui me sert à tenir debout" -, qui avait eu au moins le mérite de faire rire les supporters d’Anfield après avoir dégommé le casque d’un policier posté au bord du terrain. "Je ne savais même pas pourquoi ils m’avaient recruté, confiait-il récemment. J’ai toujours trouvé difficile de jouer ce 'tippy tappy' ". L’ancètre du « tiki taka », la force du grand Liverpool qui règnait alors sur l’Europe.
They shot the wrong Kennedy !
A la pause, dans le vestiaire, Paisley avait eu cette phrase devenue célèbre : "They shot the wrong Kennedy !" ("Ils ont tiré sur le mauvais Kennedy !"). La pique avait fait mouche. Alan Kennedy avait mieux fini la rencontre et contribué au titre des Reds au sein de la meilleure défense du championnat (16 buts concédés en 42 matches). Sur le flanc gauche, le natif de Sunderland formait avec Ray… Kennedy (là aussi aucun lien de parenté), situé juste devant lui, une entente formidable comme si les deux avaient grandi ensemble dans le même jardin. A l’image de ce 27 mai 1981, jour de finale de Coupe d’Europe des clubs champions au Parc des Princes dont la frappe du gauche, à la 82e minute, dans un angle fermé, après avoir été servi par une touche de l’autre Kennedy avait été le seul éclair au terme d’une rencontre sans éclat.
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Antonio Camacho face à Alan Kennedy lors de la finale de C1 perdue par le Real (1-0) au Parc des Princes contre Liverpool.

Crédit: Imago

Cette finale qu’il n’aurait pas dû jouer à cause d’une fracture au poignet subie en demi-finale face au Bayern Munich et qui nécessitait dix semaines de convalescence. Mais Paisley avait coché son nom sur la feuille de match, dans le onze, sans lui dire. Dévasté par les blessures et moqué par des Madrilènes un peu trop sûrs d’eux, Liverpool avait l’image d’une équipe en bout de course, trop âgée au goût de certains. Le terrain en piteux état du Parc des Princes dont la pelouse n’avait pas été coupée n’avait pas aidé le jeu de passe courte des Reds. Et comme si cela ne suffisait pas, l’UEFA, sous la pression des annonceurs TV, avait obligé les joueurs, à deux heures du coup d’envoi, à masquer les trois bandes de leurs chaussures avec du cirage noir et le logo Umbro sur leurs maillots avec du scotch blanc !

Une performance apocalyptique pour commencer, un "csc" pour finir

Cela n’avait pas empêché Liverpool de remporter sa troisième coupe d’Europe en cinq ans (1977, 1978, 1981) et de faire de Bob Paisley le premier entraîneur à lever trois fois le trophée. Souvent considéré comme le talon d’Achille de l’équipe durant une carrière à Liverpool qu’il a achevé sur un "csc" face à Oxford United en 1986 pour 359e et dernier match, Alan Kennedy avait été le héros, le double héros même : en 1981 donc et trois ans plus tard en transformant le cinquième et dernier tir au but face à l’AS Rome au Stadio Olimpico où l’autre héros se nommait Bruce Grobbelaar et ses spaghettis legs qui avaient déconcentré Conti et Graziani.
"The unlikely lad", le gars improbable, comme il était parfois surnommé, déjà buteur dans la prolongation de la finale de la coupe de la Ligue face à West Ham, était devenu l’improbable héros. Comme Boli pour l’OM en 1993 et Ngotty en 1996 pour le PSG. Des défenseurs. Parce que le danger vient souvent de derrière, de là où on ne l’attend pas. Des héros discrets, des charognards parfois mais des postes clé souvent méestimés dans les fondations d’une équipe à l’image de Denis Irwin et Gary Neville à Manchester United, Lee Dixon et Lauren à Arsenal.
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Alan Kennedy face au Real

Crédit: Getty Images

Si, aujourd’hui, on demande qui a été le joueur le plus important du Real Madrid cette saison, beaucoup diront Ronaldo. Et pourtant, le joueur décisif dans beaucoup de rencontres de Ligue des Champions madrilènes fut Marcelo, son latéral gauche. Bien plus qu’un défenseur. A Liverpool, c’est un peu pareil. Le roi s’appelle Mohamed Salah, ses "valets" Mané et Firmino mais deux des joueurs qui ont résolu le déséquilibre de l’équipe de Klopp et fait d’une faiblesse l’une de ses principales forces étaient encore inconnus il y a un an : Trent Alexander-Arnold et Andrew Robertson. Deux gamins qui, derrière, offrent l’avantage de courir plus vite que leurs adversaires directs et, devant, profitent avec gourmandise des couloirs laissés vacants par Mané et Salah. Et pourtant, aucun des deux n’a débuté la saison dans la peau d’un titulaire.

Alexander-Arnold et Robertson, les jeunes héritiers ?

A droite de la défense, Trent Alexander-Arnold, Anglais de 19 ans, a su profiter des pépins physiques de Nathaniel Clyne, pour s’imposer et même se glisser, à la surprise générale, dans les 23 de Gareth Southgate pour la Coupe du monde. A gauche, Andrew Robertson, Ecossais de 24 ans, a pallié à un vide historique depuis le départ de John Arne Riise et rarement comblé par Fabio Aurelio, Jose Enrique et Alberto Moreno. Le premier est un vrai petit gars de Liverpool ayant suivi le cursus rêvé. Originaire de West Derby, dans la banlieue nord de Liverpool, formé au club, passé par toutes les sélections de jeunes et même modèle du poster qui mettait en valeur le programme de formation de la Fédération, Alexander-Arnold a lancé la campagne européenne de Liverpool le 15 août dernier en barrage aller à Hoffenheim (2-1) d’un coup franc magnifique.
Le second a connu une trajectoire plus sinueuse mais présente des similitudes avec Alan Kennedy. Comme lui, il évolue à gauche et a été extirpé de la relégation de son précédent club, Hull. Rejeté de l’Académie du Celtic, son club de cœur, à l’âge de 15 ans car jugé trop petit, Robertson évoluait en D4 écossaise il y a encore cinq ans, au Queen’s Park de Glasgow, pour un salaire de 20 euros par semaine qu’il complétait en vendant des billets de concert à Hampden Park avant de passer par Dundee United, Hull City et enfin Liverpool où il a été nommé Homme du match lors du fameux 4-3 qui a terrassé Manchester City.
Trente-sept ans après Paris, Liverpool et le Real Madrid se retrouvent en finale de la Ligue des Champions et l’un de ces deux gamins pourraient suivre les pas d’Alan Kennedy et devenir l’improbable héros des Reds.
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté. Pour approfondir le sujet, retrouvez mon Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
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