L'antisèche d'Ajax Amsterdam - Juventus Turin : A ce niveau, le romantisme ne suffira peut-être pas

On a encore vu du grand football avec cet Ajax. Un vrai beau match européen, le meilleur des quarts de finale aller sans le moindre doute. D'un côté, l'équipe d'Erik ten Hag a offert ce qu'elle sait faire de mieux en se projetant continuellement vers l'avant et en monopolisant le ballon la majorité de la rencontre. De l'autre, la Vieille Dame a accepté de laisser le ballon et a subi. Mais comme à son habitude, si elle courbe l'échine, elle ne met pas le genou à terre. Et quand Amsterdam s'est fait un peu moins pressant sur son but en fin de première période, la Juve l'a crucifié d'un contre impeccable, conclu avec rage d'une tête de Cristiano Ronaldo.

L'Ajax a su réagir à merveille avec l'égalisation de David Neres juste après le retour des vestiaires. Mais les locaux n'ont pas su trouver la faille. Turin a dû en passer par quelques sauvetages de Wojciech Szczesny, ou d'Alex Sandro pour faire face au pilonnage en règle de leurs vis-à-vis. A ce petit jeu, les Bianconeri se sont fait peur mais auraient pu tout renverser sur une action de classe de Douglas Costa qui a terminé sur le poteau à cinq minutes de la fin. La meilleure impression pour l'Ajax, le froid réalisme pour la Juventus : un parfait match nul.

Dans une partition aussi aboutie par la qualité de son collectif, difficile de sortir des individualités plus convaincantes l'une que l'autre. Hachim Ziyech par son envie, David Neres par ses qualités de percussion ont brillé à leur manière. Mais tous deux ont baissé de pied en fin de match, au contraire de Donny van de Beek, remarquable de bout en bout. Dusan Tadic a, lui, étincelé par sa palette technique même si on peut regretter de l'avoir trop peu vu en position de frappe. Le milieu de terrain Frenkie de Jong - Lassa Schöne a pris le dessus dans l'entrejeu, où Miralem Pjanic et Rodrigo Bentancur ont trop peu pesé côté Juve.

Même constat devant pour Mario Mandzukic, transparent en pointe. Il aura fallu à la Juve un Cristiano Ronaldo encore une fois décisif dans un match à enjeu, même s'il n'a pas eu beaucoup de situations intéressantes à se mettre sous la dent. Si en défense, Daniele Rugani a solidement suppléé Giorgio Chiellini, Joao Cancelo a souvent pris l'eau dans son couloir et offert le ballon de but à Neres. Rentré en cours de jeu, Douglas Costa a su mettre le feu par ses dribbles fous et aurait pu tout changer en fin de rencontre.

La Juventus Turin n'a que très peu vu le jour en seconde période, subissant les vagues néerlandaises sans parvenir à répondre. L'équipe transalpine n'a frappé qu'une seule fois au retour des vestiaires, sur un éclair de Douglas Costa. Parti de la gauche, le Brésilien a effacé son adversaire d'un double contact avant de croiser sa frappe. Onana était battu, mais le poteau en a décidé autrement. La Juve aurait pu l'emporter dans un réalisme glaçant et changer du tout au tout la lecture de ce quart de finale aller.

1, comme le nombre de frappes cadrées par l'équipe de Massimiliano Allegri. Le coup de casque de Cristiano Ronaldo, consécutif à une course magnifique, restera la seule tentative du match bien placée. Cela suffit pour repartir en Italie dans une posture de favori à la qualification.

Massimiliano Allegri sur Sky Italia à propos du contact entre Douglas Costa et Frenkie De Jong (qui avait déjà un carton jaune) juste avant la frappe sur le poteau du Brésilien : "Costa devait laisser traîner sa jambe sur cette action. Les victoires passent aussi par ces petits détails, il faut être plus malin sur ces situations."

Enthousiasmants. Electrisants. Il faudrait être rabat-joie pour ne pas s'enivrer devant ce football offensif, ce football décomplexé produit cette saison par l'Ajax Amsterdam. Ce match nul (1-1) restera avant tout comme une nouvelle démonstration de beauté de cet Ajax 2018-2019. Contre le Real Madrid au tour précédent, il n'était pas parvenu à adjoindre le résultat final à sa prestation à domicile du match aller, dominateurs mais vaincus par le Real Madrid. En (encore) meilleure posture alors Amsterdam ? Difficile d'en être si formel.

Il a parfois manqué à la jeunesse amstellodamoise un soupçon de fougue, une insouciance dont elle avait fait preuve notamment à Santiago-Bernabeu en huitième de finale. On a par exemple vu un Hakim Ziyech totalement déchaîné en première période, frappant à tout-va, petit à petit hésiter à tenter sa chance. Le genre d'opportunités qu’il faut saisir contre une Juve maîtresse dans l'art de bien défendre. Il n'a manqué à cette rencontre qu'un peu plus de buts pour devenir un joyau à chérir dans sa mémoire.

C'est peut-être aussi ce qui fera défaut au match retour contre une Vieille Dame impitoyable dans les grands rendez-vous. Car aussi romantique et flamboyante soit cette équipe de l'Ajax, elle ne pourra prolonger sa formidable aventure qu'en étant un peu plus tueuse. L'euphorie ne dure qu'un temps, même en football.