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Au repos forcé après une croissance trop rapide, Erling Haaland s’est depuis transformé en monstre

Johann Crochet

Mis à jour 10/12/2019 à 16:06 GMT+1

LIGUE DES CHAMPIONS - Avec 8 buts en 5 matches, Erling Braut Haaland est devenu la terreur des gardiens en cette saison. Sa capacité à marquer impressionne, grâce à un physique hors-norme qui l’a d’abord éloigné des terrains avant de devenir un atout incroyable. Retour sur le parcours du Norvégien de 19 ans avec celui qui l’a recruté à Molde, un ex-coéquipier et un ancien adversaire.

Erling Haaland

Crédit: Getty Images

C’est peut-être difficile à croire aujourd’hui, mais Erling Haaland n’a pas toujours été ce monstre physique. Lorsqu’il a débuté en deuxième division norvégienne à 15 ans avec son club de Bryne, il n’était pas le plus grand de son équipe et il rendait même quelques centimètres à de nombreux adversaires. Sa poussée tardive lui a d’abord causé des problèmes physiques, mais il a su prendre son temps, forcé par un entourage ayant tout fait pour le protéger.
Si le jeune attaquant a percé aussi tôt en OBOS Ligaen, le deuxième niveau du football norvégien, il le doit peut-être à ... Martin Odegaard. C’est en tout cas une explication avancée par John Vik, le responsable du recrutement de Molde, club qu’a rejoint Haaland en 2017 en provenance de Bryne où il avait fait toutes ses classes.

Jurisprudence Martin Odegaard

"Je pense que la trajectoire de Martin Odegaard a fait évoluer la situation des jeunes footballeurs dans notre pays, affirme le recruteur. A travers son exemple, cela montrait que si un jeune était ok physiquement, il pouvait commencer à jouer dans l’élite du foot norvégien. Il faut dire que la Norvège n’a pas toujours fait autant confiance à des très jeunes joueurs. J’ai travaillé avec Joshua King et Mats Moller Daehli et je les ai aidés à aller à Manchester United quand ils étaient jeunes, car à la fin des années 2000, c’était compliqué pour eux d’avoir l’opportunité de jouer." Odegaard, titulaire à 15 ans avec Stromsgodset en Eliteserien, la première division, a donc créé un appel d’air. Il ne restait donc qu’à s’engouffrer dans l’espace libéré.
Entré en jeu la première fois sous le maillot de Bryne à 15 ans et 9 mois, Haaland est titularisé la semaine suivante face au KFUM-Kameratene Oslo. Aligné à un poste d’ailier avec son club formateur, ses premières prestations intéressantes commencent à faire du bruit dans tout le pays. John Vik entend parler du jeune attaquant depuis déjà trois ans. "Je connais un peu son père, Alf-Inge, que j’avais rencontré lorsqu’il jouait à Leeds, témoigne-t-il. Quand il a eu 12-13 ans, j’entendais déjà que ce garçon était prometteur." Pour se faire une idée plus précise du garçon en question, le responsable du recrutement de Molde se déplace pour l’observer de plus près.
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Erling Haaland (Red Bull Salzburg)

Crédit: Getty Images

"Quand il a été sélectionné avec les U15 norvégiens, j’ai décidé d’aller le voir, raconte Vik. Il y avait quatre-cinq autres noms intéressants dans cette sélection que je voulais également observer. Ce qui m’a instantanément marqué, c’est qu’il n’avait peur de rien. Souvent, quand un jeune joue pour la première fois pour son pays, devant sa famille, il est nerveux, stressé et il se contente de faire des choses simples pour ne pas rater une passe ou un tir. Erling, lui, n’en avait rien à faire de tout ça. Il voulait juste jouer."
Tirer un penalty, pour lui, c’est comme aller chercher une bière dans le frigo pour vous et moi
Lors de cette rencontre entre la Norvège et la Suède, Erling Haaland prouve par le geste que rien ne l’effraie. Au retour des vestiaires, son équipe doit engager. En un coup d’œil, il voit que le portier adverse est avancé. Une fois le coup de sifflet donné, il frappe de toutes ses forces, lobe le gardien suédois et marque. "Cela montrait qu’il n’avait pas peur de faire une erreur, explique Vik. Et encore aujourd’hui, on le voit. Tirer un penalty, pour lui, c’est comme aller chercher une bière dans le frigo pour vous et moi. Et c’est très rare d’avoir un jeune joueur avec cette mentalité car aujourd’hui, les parents sont extrêmement protecteurs avec leurs enfants jusqu’à les inhiber. Lui n’a peur de rien."
Observé une dizaine de fois par le recruteur de Molde, Erling Haaland convainc le club d’Ole Gunnar Solskjaer de miser sur lui. John Vik, toujours : "Il y avait 2-3 autres joueurs dans cette équipe des U16 qui étaient aussi talentueux que lui, mais aucun n’avait sa personnalité, et c’est pour ça qu’on l’a recruté." Molde doit faire face à la concurrence du FC Copenhague. Le club danois a lui aussi décelé le talent du jeune attaquant. Mais étonnamment, ce sont les deux seuls clubs à vraiment s’intéresser à Haaland. "Ce qui m’a surpris, c’est que peu de clubs semblaient intéressés par Erling, confirme le recruteur. Je sais que le FC Copenhague était sur le dossier, mais c’était assez calme autour de lui. Je paniquais à l’idée que quelqu’un finisse par découvrir quel joueur il était pendant qu’on négociait. J’étais soulagé quand je suis allé me coucher en sachant qu’il avait signé son contrat."
Dans sa logique de bonne relation avec des clubs moins importants du pays, Molde fait une offre séduisante à son club formateur, comme l’indique Vik : "On a fait en sorte que Bryne ait de l’argent de ce transfert et même un pourcentage à la revente. Car on veut que la prochaine fois, Bryne et ce genre de clubs, pensent à nous si un autre talent émerge."

Le temps d’encaisser une forte croissance

Erling Haaland débarque donc début 2017 à Molde, huit mois seulement après son premier match en D2 norvégienne. Le premier changement est capital et va conditionner la carrière de l’athlète. "J’avais une idée très claire de qui il était, certifie Vik. Il était aligné comme ailier à Bryne et en sélection, mais c’était pour moi un avant-centre. D’ailleurs, si vous regardez ses statistiques à l’époque, il ne marquait pas beaucoup (1 but en 17 matches avec les U16 norvégiens, ndlr). On a donc travaillé avec lui sur ce poste d’attaquant axial."
Lors de ses premiers mois à Molde, Haaland doit apprendre la patience. Pas simple lorsque tout vous réussit depuis que vous jouez et que vous êtes un footballeur précoce. Mais Molde est réputé comme l’un des meilleurs clubs scandinaves pour son travail avec les jeunes joueurs et le club sait ce qu’il fait. "Quand il a signé, il avait pas mal de problèmes avec son corps, car il voulait tout le temps jouer et il avait peut-être trop joué jusque-là, témoigne Vik. Et le souci avec les jeunes talentueux, c’est que tout le monde veut pouvoir en profiter en sélection. Les U16, U17, U18... résultat, il jouait trop et ne pouvait pas s’entraîner correctement. On regardait son corps et on se disait 'ce gosse a besoin de se reposer.' Donc on a décidé de ne pas l’aligner pendant de longues semaines."
De fait, de début avril, date du commencement du championnat, à début juin, Haaland ne joue pas une seule minute. C’est alors qu’une deuxième phase commence. Lorsque les corps des jeunes athlètes sont moins sollicités, il n’est pas rare de les voir se transformer. L’adolescent prend 11 centimètres de taille en quelques mois. Molde doit alors s’adapter. "Il a fallu commencer à faire attention à d’autres problèmes car une croissance très rapide peut engendrer d’autres soucis, confirme John Vik. A Molde, nous n’avions aucune pression pour le faire jouer rapidement, donc nous avons pris le temps. Il voulait jouer avec l’équipe première et on a refusé. Il voulait jouer avec les jeunes et on a refusé. Il était très impatient. Il se sentait en forme, mais le club lui a dit que ce n’était pas le cas. Il a pu s’entraîner, faire progresser son pied droit, et il a compris au fur et à mesure que tout ceci était pour son bien. Et je sais qu’aujourd’hui, il est content qu’on y soit allé très doucement avec lui lors de sa première saison chez nous. Molde a eu de la chance d’avoir ce joueur et Erling a eu de la chance que Molde prenne autant de précautions quand il a eu sa grosse phase de croissance, pour lui éviter tout un tas de blessures."
Qui penses-tu que je suis ? Je fais tout ça moi-même ! Je n’ai besoin de personne !’
Lors des six premiers mois de 2017, Haaland s’entraîne donc plus qu’il ne joue. Et le gaillard impressionne ses coéquipiers. "La première fois que je l’ai vu, je ne savais pas quel âge il avait, témoigne Ottar Magnus Karlsson, jeune attaquant islandais (22 ans) ayant côtoyé Haaland à Molde cette saison-là. Quand on me l’a dit, ça m’a énormément surpris. Être si jeune et aussi développé physiquement, avec en plus une telle agressivité c’est très, très rare." La première impression est donc détonante. Après quelques semaines d’entraînements, les qualités footballistiques d’Erling Haaland prennent le pas sur sa dimension physique. "Il avait quelques pépins physiques car sa croissance a été très rapide, martèle Ottar Magnus Karlsson. Après, quand il a commencé à se sentir mieux, on a tout de suite compris qu’il était très en avance sur son âge. On a également vu qu’il était très déterminé et que cette détermination était rare. Quand je regarde en arrière, je ne suis pas tellement surpris par sa trajectoire. Il avait des grosses qualités et un état d’esprit parfait pour progresser."
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Erling Haaland

Crédit: Getty Images

Si Haaland impressionne par son avance sur les terrains, sa maturité n’en laisse pas moins certains pantois. "Quelques jours après son arrivée, je vais le voir sur le terrain d’entraînement pour discuter un peu, raconte Vik, encore amusé par l’anecdote. Je lui demande s’il a besoin de quelqu’un pour s’occuper des tâches quotidiennes comme lui laver ses vêtements, lui faire à manger... après tout, il n’avait que 16 ans. Il m’a alors regardé et m’a lâché : 'Qui penses-tu que je suis ? Je fais tout ça moi-même ! Je n’ai besoin de personne !' Cela montre qui il était déjà : un jeune homme en avance, mature, presque déjà un adulte."
Chaleureux et affichant régulièrement son plus beau sourire, Haaland s’intègre parfaitement dans un groupe composé de joueurs tous plus âgés que lui. "On était un petit groupe de jeunes joueurs qui trainait un peu ensemble, sur et en dehors des terrains, avec Eirik Hestad, Fredrik Aursnes, lui, moi, et d’autres, explique Karlsson. Il s’est parfaitement intégré à notre petit groupe qui ne partageait pas seulement les moments football."

L’influence d’Ole Gunnar Solskjaer

Entraîneur à succès avec Molde, Ole Gunnar Solskjaer a beaucoup compté dans la progression du buteur de Salzburg. L’entraîneur de l’équipe ne compte pas son temps et en profite pour partager ses secrets de buteur avec les attaquants à travers des sessions individuelles. "Il a beaucoup progressé avec Ole Gunnar Solskjaer et son adjoint Mark Dempsey, affirme Vik. Il n’était pas encore... disons... 'propre'. Il avait encore des choses à régler. Il a beaucoup travaillé. Sa première touche de balle par exemple. Mais il avait un tel état d’esprit. C’était un monstre." Ottar Magnus Karlsson a lui aussi pu profiter de ces séances avec l’actuel coach de Manchester United. "Haaland était demandeur de sessions individuelles pour progresser, atteste-t-il. On a beaucoup travaillé tous les deux avec Ole Gunnar Solskjaer sur notre finition et notre rôle d’attaquant. On pouvait voir sur une seule occasion combien Ole a été un grand attaquant. Et puis, parler de football avec lui était toujours un plaisir, il était très disponible pour nous aider et nous faire progresser."
Après une première saison où il a été très protégé et où il a dû encaisser sa soudaine croissance (3 titularisations en championnat, 11 entrées en jeu et 2 buts), il explose en 2018. Cela ne surprend personne. Son impact devient même énorme au début de l’été. "C’est vraiment à partir de l’été 2018 qu’on s’est dit qu’on avait un monstre, constate le responsable du recrutement de Molde. Les joueurs qui venaient physiquement au contact avec lui volaient. Il était rapide et intelligent dans tout ce qu’il faisait. Après le match contre Brann Bergen, qu’on gagne 4-0 avec un quadruplé d’Erling, on a eu la confirmation qu’il était très spécial." Ses performances font alors le tour des cellules de recrutement de toute l’Europe.
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Ole Gunnar Solskjaer, depuis devenu coach de Manchester United

Crédit: Getty Images

L'Autriche, une étape et non un grand saut

Là où Martin Odegaard avait choisi de rêver très grand dès le départ, en quittant la Norvège pour rejoindre le Real Madrid, Erling Haaland a lui décidé de construire sa carrière étape par étape, sans rien brûler, si ce n’est la politesse des défenseurs adverses pour filer au but. Un choix que valide John Vik aujourd’hui : "On a vu que les deux stratégies pouvaient marcher. Odegaard est performant aujourd’hui car il a accepté de faire un ou deux pas en arrière au bon moment. J’étais personnellement très heureux qu’Erling choisisse de rejoindre Salzbourg. Je suis allé régulièrement là-bas. Entre l’équipe première et leur autre équipe en deuxième division (FC Liefering, ndlr), ils ont tellement de joueurs incroyables et talentueux, de superbes conditions d’entraînement et un super staff médical. Tout est bien pensé dans ce club. Tout est fait pour que les jeunes soient compétitifs."
Là encore, son club décide de ne pas griller les étapes. Salzbourg laisse le temps au jeune norvégien de découvrir son nouvel environnement. Arrivé lors du mercato de janvier 2019 après quelques vacances bien méritées, Erling Haaland observe et travaille. Il en récolte les fruits aujourd’hui. Avec 28 buts et 7 passes décisives en 21 rencontres toutes compétitions confondues, Erling Haaland s’affiche comme l’un des U21 les plus prometteurs au monde. "Il a été tellement impressionnant et brillant, témoigne Aliou Badji, attaquant du Rapid de Vienne. On l’a affronté deux fois cette saison et j’adore sa façon de se déplacer, de prendre la profondeur, sa puissance physique et sa qualité de finition." Le club viennois a perdu les deux rencontres et l’ancien joueur de Molde en a profité pour marquer un but et délivrer deux offrandes.
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Haaland : "Je suis en train de vivre un rêve"

"Actuellement, il ne lui manque que de l’expérience mais il est en train de l’acquérir petit à petit, ajoute Vik. Il a progressé dans le jeu aérien par exemple. Je constate ses progrès. Et je sais qu’il va prendre soin de lui. Ce n’est pas un mec de boîte de nuit, je peux l’affirmer sans aucun problème. Il pense, mange et respire football. Il est vraiment professionnel."
Salzbourg peut encore espérer atteindre les huitièmes de finale de la Ligue des champions. Une victoire contre Liverpool mardi pourrait ouvrir les portes du top 16 européen à Erling Haaland. Le jeune norvégien n’avait d’ailleurs eu besoin que de 4 minutes pour faire trembler les filets à Anfield lors du match aller. Les Reds sont prévenus : le tourbillon Haaland se dresse sur leur route. Une nouvelle étape avant de faire tourner les têtes des plus grands clubs européens l’été prochain.
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Erling Haaland - Red Bull Salzburg

Crédit: Getty Images

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