Après la défaite en finale : L’argent du PSG, hypocrisie européenne et précipitation parisienne

Johann Crochet

Mis à jour 25/08/2020 à 12:27 GMT+2

Le PSG s’est incliné en finale de la Ligue des champions face au Bayern Munich dimanche soir (1-0). Depuis, c’est l’heure du bilan. Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Ce parcours est-il un trompe-l’œil ? Comment aller plus loin et gagner cette coupe d’Europe tant attendue ? Faut-il changer de paradigme et en finir avec l’argent roi ? Et d’ailleurs, y a-t-il un problème d’argent au PSG ?

Kylian Mbappé à côté de la Ligue des champions

Crédit: Getty Images

Ce lundi matin, dans de nombreux pays européens, la presse jubile. La victoire du Bayern face au PSG en finale de la Ligue des champions consacrerait - selon différents canards - une vision moins business du football. En Italie par exemple, pas un article avant ou après la finale sans rappeler le prix de Neymar et Mbappé, l’enveloppe dédiée à la masse salariale du club ou le montant des investissements de QSI depuis 2011. Avec une certaine forme de satisfaction de voir un club dit "historique" s’imposer en finale. C’est que les "nouveaux riches" ont mauvaise presse. Comme si la Juventus et le Bayern Munich ne s’étaient pas construits sur leur domination financière. Comme si la Juve (avec Fiat) et le Bayern (avec le triple A – Adidas, Allianz, Audi) ne bénéficiaient pas du soutien économique des puissantes industries. Parmi les sponsors du club bavarois, on trouve également Deutsche Telekom, Qatar Airways ou Siemens. Pas vraiment le profil de TPE de la région du Sud-Est de l’Allemagne.
D’ailleurs, un point sémantique s’impose d'entrée dans l’utilisation du terme "nouveau riche". Quand le devient-on et à partir de quel moment ce terme s’efface-t-il ? Aujourd’hui, quand cette expression est utilisée, elle désigne le Paris Saint-Germain et Manchester City. Quid de Chelsea ? Racheté en 2003, le club de Roman Abramovich passe désormais entre les gouttes. Plus au Sud, à Milan, cinq des sept finales de Ligue des champions remportées l’ont été dans l’ère Berlusconi, qui s’est servi de ce club à des fins politiques du milieu des années 80 aux années 2010. L’entrepreneur italien a arrosé le club de centaines de millions d’euros pour nourrir ses ambitions sportives et, par ricochets, électorales. Dans cinq ou six ans, le PSG pourra-t-il se détacher de ce qualificatif de "nouveau riche" ? D’ailleurs, qui fixe la temporalité pour l’effet de la nouveauté ?
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"Mbappé et Neymar se sont fait manger le cerveau"

La stratégie de l’argent est un frein

Riche, le PSG l’est et cela ne fait aucun doute. Comme d’autres, certainement, mais pas avec les mêmes bases. L’un des problèmes est sans doute à trouver à ce niveau. Le club francilien n’est pas installé comme d’autres clubs historiques. Il avait une histoire avant l’arrivée du Qatar, mais pas aussi forte que le cercle fermé des géants, constitué du Bayern, de la Juve, du Milan, du Real, du Barça et de plusieurs clubs anglais. L’ambition de QSI a été d’en faire une référence européenne très rapidement, en injectant de très grosses liquidités. Mais ambition rime parfois avec précipitation, comme à Manchester City. Les deux clubs partagent d’ailleurs un autre élément : l’origine des fonds, pas toujours bien vue sur le Vieux Continent.
Tout n'est pas lié et ne doit pas être lié à l'argent au PSG. Néanmoins, beaucoup de choses tournent autour de cette donnée et découlent de choix stratégiques basés sur l’investissement financier.
  • La stratégie de l'individualisation
Ibrahimovic, Neymar, Mbappé (à un degré moindre pour ce dernier) : quand les schémas offensifs passent par l'individualité, ce n'est pas forcément bon signe. Surtout, quand ces recrues laissent croire que cela va suffire pour passer des caps importants. Lionel Messi et Cristiano Ronaldo ont dominé la planète football ces 12 dernières années. Mais un rapide coup d’œil sur les feuilles de match du Barça ou du Real de l’époque, et du PSG dimanche soir, suffit à montrer que ces deux divinités étaient sacrément bien entourées. Pendant ce temps, à Paris, toutes les discussions avant les grandes échéances européennes du PSG ont toujours été résumées par : "Si Ibra sort un grand match" ou "Neymar peut faire la différence à lui tout seul" et aussi "si on lance Mbappé dans le dos de leur défense un peu lourde..." Cela peut marcher sur une poignée de matches, beaucoup plus difficilement sur la durée.
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"Il a manqué un plan B à ce PSG quand ses stars ont commencé à dérailler..."

  • L'impatience
Quand les dépenses sont aussi importantes, cela crée de l’impatience. Tu n'as pas le temps. Tu veux gagner tout de suite. Cela explique certains choix de joueurs, cela explique aussi que les entraîneurs se retrouvent dans l'incapacité de construire quelque chose sur la durée car il faut gagner à l’instant T. Et si le PSG prenait cette fois-ci le temps du recul ? Un petit pas en arrière pendant un an, pour construire plus solidement pourrait avoir des bienfaits intéressants. Alors que l’avenir de Thomas Tuchel à Paris n’est pas certain, un nom revient régulièrement, celui de Mauricio Pochettino. Mais dans quel intérêt si c'est pour l'installer comme Unai Emery ou Thomas Tuchel avant lui ? Ou comme Maurizio Sarri à la Juve cette saison ?
Il leur faut du temps, ils n’en ont pas. Voilà pourquoi, si rien ne change, un profil comme Massimiliano Allegri semble plus compatible. Ce n’est pas un bâtisseur sur le terrain, mais il est un excellent gestionnaire. Il parait plus compatible avec les stars que ses deux prédécesseurs. Leurs arrivées étaient intrigantes car elles semblaient faire partie d’une stratégie plus large, d’une promesse de temps pour construire et réitérer les bonnes performances réalisées dans leurs clubs précédents (Séville et Dortmund). Il n’en a rien été. La réalité les a rattrapés.
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Thomas Tuchel et Neymar

Crédit: Getty Images

  • Créer une culture collective
Quand un club a une stratégie sportive à forte dominance économique, il fait des efforts considérables pour recruter certains joueurs. Il les installe, par leur contrat, par leur incapacité à leur dire quoi que ce soit de peur de les froisser, dans un confort pouvant être plus destructeur que constructif. Or, les joueurs ont toujours besoin d'être bougés, challengés, bousculés. A Paris, il faut "gérer les egos". Le problème, c'est qu’on a eu le sentiment que la volonté était surtout de ne pas les froisser, plus que les gérer. Par peur des les voir partir ? C'est une conséquence aussi de la place du PSG en Europe aujourd'hui et de la faiblesse du championnat de France qui peut toujours servir d'argument pour aller voir ailleurs après deux ou trois saisons.
  • La formation
"Le PSG a dépensé 1,3 milliard d’euros et c’est un joueur de son centre de formation qui marque contre eux en finale", annonçait symboliquement Paolo Condo, plume de La Gazzetta dello Sport et consultant Sky Italia après la finale de la Ligue des champions. Un des problèmes, et ce n’est pas le seul, réside dans le manque de perspective pour les jeunes joueurs formés au centre de formation parisien. En dépensant près de 210 millions d’euros pour Paredes, Gueye, Kehrer, Draxler, Guedes et Krychowiak, le PSG s’est offert une rotation très coûteuse pour un apport sportif très discutable. Outre le fait que cet argent aurait pu être dépensé autrement, ces arrivées basées sur des dépenses XXL ont bouché l'horizon de jeunes qui auraient pu avoir leur place dans la rotation. Certains ne demandent d’ailleurs pas plus au départ, même si d’autres jeunes ambitieux sont désormais durs en négociation.
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Kehrer dépassé, Icardi blacklisté : les carences du PSG lui ont explosé au visage

Le PSG n’en est pas si loin

Des titres, une suprématie nationale, une assise financière solide, une réputation en hausse, une première finale de Ligue des champions neuf ans après le changement de propriétaire : le PSG a bien progressé. Il se retrouve désormais à un tournant. Deux routes semblent s’ouvrir au club francilien.
La première consisterait à continuer dans la même stratégie, alors que les deux dernières éditions de la Ligue des champions ont montré que des projets plus installés dans la durée permettent aussi de performer (Klopp a pris le temps de construire un Liverpool à son image ; Tottenham, l’Ajax, Leipzig ou l’Atalanta ont atteint la finale, les demi-finales ou les quarts de finale qui ont longtemps symbolisé le plafond de verre du PSG). Le football est peut-être en train de retrouver une âme collective et de siffler la fin des privilèges individuels, marqués par les échecs du Barça "dépeuplé" de Messi ou de la Juve affaiblie par le recrutement onéreux de Cristiano Ronaldo. Deux études de cas intéressantes pour le Paris Saint-Germain.
La seconde serait d’accepter de prendre le temps du recul et de la construction. Bâtir une culture collective, s’appuyer sur un entraîneur aux idées précises de jeu et lui donner le temps de les mettre en place, quitte à s’asseoir (dans l’esprit car il reste à démontrer dans la pratique qu’une telle décision entraînerait automatiquement une baisse immédiate des ambitions européennes) sur un désir acharné d’une victoire au plus vite de la coupe aux grandes oreilles.
Une dernière réflexion pour finir : dans la stratégie de QSI depuis son arrivée, est-ce normal d'avoir eu le meilleur coach au tout début du projet alors que c'est maintenant qu'il faudrait un Ancelotti de l'époque pour faire passer un cap à cette équipe ?
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Neymar déçu après la finale de la Ligue des champions

Crédit: Getty Images

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