PSG - Real Madrid : "Le plus important pour Pochettino à Paris, ce n'est pas la tactique, c'est l'harmonie"
ParCyril Morin
Mis à jour 14/02/2022 à 13:24 GMT+1
LIGUE DES CHAMPIONS - Ce mardi, Mauricio Pochettino joue gros face au Real Madrid en 8e de finale de Ligue des champions. Arrivé avec une réputation très flatteuse, l’Argentin n’a pas encore réussi à appliquer ses recettes passées à l’effectif du PSG. La faute à un contexte à prendre en compte selon Guillem Balague, journaliste auteur d’une biographie de l’entraîneur parisien.
Il a passé une saison entière collé à Mauricio Pochettino en 2016-2017. Forcément, Guillem Balague, journaliste espagnol auteur de nombreuses biographies, a un œil avisé sur la situation de l'Argentin sur le banc parisien. Alors que se profile le Real Madrid, alors que s’accumulent les critiques, le biographe s’évertue à rappeler le contexte particulier du club parisien et à décrypter l’approche du technicien parisien face à celui-ci. Entretien.
Cela fait désormais plus d’un an que Mauricio Pochettino est arrivé au PSG. Est-ce que vous sentez sa patte ?
Guillem Balague : C’est vrai que son style, la façon de jouer de ses équipes était vraiment identifié dans ses précédentes équipes. Puis, il a décidé de rejoindre le PSG. Mais il faut savoir si la priorité du PSG, c’est le football, si le PSG donne l’espace nécessaire aux entraîneurs et aux joueurs. Je pense que c’est la chose la plus importante pour un club de football aujourd’hui. C’est évident qu’au PSG, on ne peut pas travailler comme à Tottenham. Donc, logiquement, il a dû s’adapter. Désormais, son objectif principal est de trouver la façon de tirer le meilleur de joueurs aussi bons, qui ont coûté si cher. Car, évidemment, il faut tous les faire jouer.
C'est le profil de ces joueurs-là qui l’empêche de proposer le même jeu qu’à Tottenham ?
G.B : Oui, il a des joueurs qui sont évidemment très différents de ceux qu’il a pu avoir avec Southampton ou l’Espanyol si on remonte plus loin. Il faut que les gens se rendent compte de cela. Parfois, ils regardent juste le dernier match et s’énervent de la façon de jouer de l’équipe. Mais ils doivent comprendre qu’assembler le football de Neymar, Messi et Mbappé, ça prend du temps. Ils doivent aussi comprendre qu’il y a plein de joueurs qui étaient parmi les meilleurs de leurs précédentes équipes, Sergio Ramos, qui était même capitaine, Georginio Wijnaldum ou Gianluigi Donnarumma, à qui il faut dire : 'tu ne peux pas être un leader ici car cela ne se passe pas comme ça ici'. Il faut gérer tout ça aussi.
Il y a un manque d’analyse de l’ADN du PSG en tant que club
C’est impossible de mettre en place ses préceptes au PSG ?
G.B : Dans ses équipes précédentes, il y avait beaucoup de travail physique. J’insiste, beaucoup. Mais ici, le mot clé pour les meilleurs joueurs, ce n’est pas le travail physique mais le repos. Il y a une montagne de choses à changer mais chaque changement demande du temps. Maintenant, je pose une question : Quel entraîneur pourrait prendre en charge le PSG pour bien le faire jouer ? Moi je crois que la réponse, c’est "aucun". Car ce sont des manières différentes d’appréhender le jeu. Pour le PSG, le plus important, c’est de gagner, d’être compétitif. De ce que je vois, ils le sont.
Ils ont abandonné leur couronne en Coupe récemment pourtant…
G.B : La Coupe, parlons-en. Regardez le Real : ils sont éliminés en Coupe. Regardez le Barça, regardez l’Atlético, c’est pareil. Est-ce que ces équipes sont aussi durement critiquées ? Non, puisque ce n’est pas la priorité du club. Pour moi, plus que les critiques sur l’entraîneur, il y a un manque d’analyse de l’ADN du PSG en tant que club. On ne peut pas tout mettre sur le coach.
A vous écouter, il y aurait une sorte de fatalité pour n’importe quel coach du PSG ?
G.B : Tout peut se changer mais tout dépend du contexte. Ça dépend de l’équilibre de l’effectif. Si un club a sept latéraux gauche ou huit milieux relayeurs, bon… Avec deux joueurs par poste, je pense que c’est possible de progresser. J’ai l’impression que ce PSG est une équipe avec des individualités incroyables qui n’est pas parvenue à créer la synergie nécessaire pour bien jouer ensemble, en plus d’être efficace.
Dans son discours, on ne sent jamais l’urgence ou les points négatifs dans ses propos. C’est volontaire ?
G.B : Vous parlez d’urgence. Nous sommes en train d’analyser une équipe à la moitié de sa saison, qui est toujours en course en Ligue des champions et domine la L1. Pour moi, la clé c’est de comprendre qu’il y a une multitude de facteurs à prendre en compte : le repos nécessaire pour les joueurs les plus importants donc les plus sollicités, une façon de comprendre le club et de le diriger qui est différent de ce qu’il a connu dans ses précédentes équipes, avec un espace peut-être plus réduit pour l’entraîneur. Avec tout ce contexte, la priorité pour Pochettino, ce n’est pas la tactique, c’est l’harmonie. C’est-à-dire réussir à ce que chacun donne le meilleur de lui-même dans cette équipe car il est heureux par ailleurs. C’est à partir de là que se font les différences, surtout dans les grands matches, c’est là qu’on voit l’équilibre nécessaire, le travail accompli etc… Tout part de l’harmonie.
L'exemple Messi
D’où ses conférences de presse parfois vides de sens ?
G.B : Pour obtenir cette harmonie, il se doit d’être positif. Mais je le répète : tranquille ! Les critiques sont vraiment intenses, nous ne sommes qu’en février…
C’est aussi ça le PSG…
G.B : Mais les gens veulent quoi ? Que le PSG joue super bien à chaque match, en les gagnant tous, avec Messi qui met des triplés à chaque match ? L’exemple Messi est pertinent pour prendre en compte le contexte : Il a changé d’équipe et de ville pour la première fois de sa vie depuis qu’il a 11 ans. Il est resté un mois et demi dans un hôtel, il s’est blessé deux fois, il a dû aller en Argentine, il a eu le Covid… Dans n’importe quel travail, il y aurait aussi des conséquences à tout ça. C’est normal. Et imaginez la pression : tout le monde veut du changement MAINTENANT. Ce sentiment d’urgence me surprend beaucoup, ça fait des mois que j’entends ces critiques sans forcément les comprendre.
Il est arrivé avec une très belle réputation à Paris. Vous pensez que cet épisode parisien peut abîmer son image ?
G.B : Je pense que certains pourraient le penser. Mais je crois que Manchester United, le club le plus riche au monde, le veut toujours. Donc, à mes yeux, les dommages sont moindres. C’est vrai que ça serait mieux pour lui qu’on apprécie son travail, qu’on se rende compte de la mission de bien faire jouer le PSG dans ce contexte. Mais regardez d’autres exemples, Manchester City ou Liverpool. Ces équipes ont des idées de départ, des projets, ils choisissent leurs entraîneurs, leurs joueurs en fonction de cette idée-là. Le PSG a fait un autre choix. Ils ont réussi à atteindre la finale de la Ligue des champions, ne l’oublions pas. Mais pour avoir plus d’harmonie, il faut ajouter d’autres choses. Des choses que le PSG n’a pas forcément considérées comme très importantes jusqu’ici.
On a le sentiment d’une incompréhension également avec la presse. A chaque question tactique précise, Pochettino explique qu’il faudrait des heures pour évoquer cela et répond avec des phrases banales, sans forcément rentrer dans le détail.
G.B : Je vais vous poser une autre question. Pour vous, est-ce que c’est important pour un coach de vous raconter des choses sur la tactique ? Est-ce que c’est très important à son travail, peu important ?
C’est malgré tout une partie du travail d'un entraîneur en 2022…
G.B : On est d’accord. Mais ce n’est pas sur cela qu’il va être jugé à la fin. Son travail consiste à créer la meilleure harmonie et, parfois, les conférences de presse peuvent endommager cela.
Sa venue au PSG était aussi un test pour savoir s’il pouvait gérer un effectif de stars. Va-t-il le réussir ?
G.B : Il faut attendre pour connaître la réponse, premièrement. Mais il faut préciser quelque chose : ce staff technique fait partie de ces gens qui comprennent que chaque chose qui se passe dans la vie est une manière de tester ses connaissances, ses réactions, ses intuitions. L’expérience qu’ils vivent actuellement est exceptionnelle, très positive pour eux. Avoir la possibilité d’entraîner Ramos, Wijnaldum, Donnarumma, Marquinhos, Mbappé, Messi, Neymar : qui peut mal vivre cela ? Comment faire pour que tout fonctionne ? Il n’y a aucun livre qui l’explique, qui donne des réponses. C’est un livre qui s’écrit tous les jours.
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