Ligue des champions - Manchester City - Pep Guardiola, référence et meilleure version de lui-même

Samedi dernier, au moment de fêter le 7e titre de son histoire en FA Cup, face à United, Manchester City a évidemment savouré l'instant. Mais le club mancunien était un peu dans le futur, aussi. Parce que ce succès a ouvert encore un peu plus la porte d'un triplé Premier League - FA Cup - Ligue des champions qui serait historique. Pour les Citizens, d’abord, qui rejoindraient le United de 1999 dans les annales du football anglais.

Pour Pep Guardiola, aussi, qui va donc diriger samedi l'un des matches les plus importants de sa carrière, contre l'Inter, en finale de Ligue des champions. Deux ans après celle perdue contre Chelsea. Douze ans après sa dernière remportée sur le banc du FC Barcelone. Ce match marquera quoiqu'il advienne un tournant important, pour son palmarès d'entraîneur d'une part, mais aussi pour la perception que l'on se fait du tacticien espagnol. "Quel privilège de faire deux finales en trois ans, c'est incroyable. Mais au final, il faut gagner la C1 pour prouver ce qu'on vaut", lançait Guardiola samedi. Pour prouver ce que lui vaut, plus particulièrement.

Car des sceptiques, il en reste. Ceux qui n'aiment pas le personnage, clivant, ou son style de jeu, qui peut l'être tout autant. Ceux qui estiment qu'il a toujours eu à disposition des effectifs de top niveau, ce qui est difficile à contredire, tout comme le fait que les pratiques de son club, accusé de 115 infractions financières, sont au mieux opaques, au pire illégales.

Mais il y a aussi ceux qui s'aventurent, de façon plus osée, sur le terrain des résultats. "Gagner samedi permettrait juste de répondre à l'objection qui consiste à dire qu'en dehors de Barcelone, il ne peut pas gagner la Ligue des champions, reprend Thibaut Leplat, auteur de "Guardiola, éloge du style". Ce qui est une ineptie puisque la Ligue des champions ne permet pas de déterminer le niveau d'une équipe. C'est une compétition trop aléatoire pour tirer des conclusions à court terme. Il a trois demi-finales avec le Bayern, il n'y a que la première année à City un peu en-dedans, on est sur une trajectoire quasi irréprochable".

Deux victoires et deux demies en quatre saisons au Barça, trois demies en trois saisons au Bayern, deux finales - voire un titre - et une demie en sept saisons à City. On peut effectivement retenir son élimination en 8es de finale contre Monaco pour sa première saison sur le banc mancunien, ainsi que les trois quarts de rang, "seulement", qui ont suivi ensuite. Ou reconnaître qu'en termes de régularité dans la reine des compétitions européennes, il y a pire.

Et que dire de celle à l'échelle des championnats ? Avec un trois sur quatre au Barça, un carton plein au Bayern et un cinq sur sept en Premier League, le voilà à onze championnats remportés sur quatorze possibles depuis le début de sa carrière de coach. La constance à son paroxysme, partout, tout le temps. Et si la concurrence pour le titre est une notion floue en Allemagne, elle est très claire en Angleterre.

L'Espagnol vient de remporter le 34e trophée de sa carrière d'entraîneur, le troisième meilleur total de l'histoire pour un coach, derrière Alex Ferguson (49) et Mircea Lucescu (35). Quoiqu'il arrive samedi, l'œuvre de Guardiola, à City et ailleurs, est donc indiscutable en termes de résultats sur la durée. Et concernant la manière ?

Cet aspect est, par définition, beaucoup plus subjectif et soumis à la sensibilité de chacun. Mais une chose est sûre : ses disciples n'ont jamais été aussi nombreux. Guardiola a eu les modèles que l'on connaît, et vous répondrait certainement que Marcelo Bielsa est le meilleur coach en activité. Mais aujourd'hui, le principal modèle, c'est lui.

"Il n'a jamais été aussi influent que maintenant, affirme Thibaut Leplat. Il y a des entraîneurs adverses qui se réclament de ses disciples. C'est quand même rare dans le sport pour un entraîneur en activité. Ce n'est pas un hommage, il n'est pas en fin de carrière. Des entraîneurs comme Roberto De Zerbi, Mikel Arteta, et même Thomas Tuchel ou Jürgen Klopp dans un autre style prouvent son influence considérable dans le football européen et mondial."

"C'est vrai au niveau professionnel mais aussi de la formation, reprend-il. C'est l'un des entraîneurs qui est le plus étudié, écouté, copié. Au point que dans beaucoup de centres de formation français, à commencer par Lyon et Lorient, les bases de jeu de Manchester City, parmi d'autres, sont récurrentes au moment de faire des vidéos explicatives sur une sortie de balle, sur des phases de jeu. C'est le football tel qu'il devrait être joué, un peu comme Federer représentait le tennis académique. City, c'est la référence absolue, parfois aussi pour s'en démarquer".

De Zinedine Zidane en 2019 à Jürgen Klopp en 2021, plusieurs références ont affirmé ce qui peut ressembler à une évidence : Pep Guardiola est tout simplement le meilleur. Ce qui est certain, c'est que le technicien affiche à 52 ans la meilleure version de lui-même, tout comme son City n'a jamais été aussi fort.

Il n'est plus possible de sauter à la gorge du Guardiola dont la composition de départ contre Chelsea, en finale de C1 2021, avait surpris son monde. Son onze-type est désormais stable, identifié, voire inamovible en Ligue des champions. Impossible, aussi, de le taxer d'entraîneur dogmatique à l'extrême : Guardiola prouve cette saison, peut-être plus que jamais, qu'il sait s'adapter à merveille. Aux oppositions, aux scénarios. Aux hommes, aussi.

"Ce que j'en sais, c'est qu'il a un peu simplifié son management, confieThibaut Leplat. Je crois que c'est une demande des joueurs, de faire un peu plus confiance à leur talent. On ne se refait pas, il y a quand même une grosse mise en place tactique, ça reste un football très spéculatif, mais il y a peut-être plus de liberté laissée aux joueurs à l'intérieur des schémas".

Première recrue de Pep Guardiola à Manchester City, Ilkay Gündogan est aujourd'hui une référence à son poste et marque des buts à la pelle. Méconnaissable l'année dernière après avoir débarqué d'Aston Villa, Jack Grealish revit cette saison. Et comment ne pas évoquer Erling Haaland et les interrogations qui entouraient son adaptation à City.

"Moi-même, j'avais des doutes sur Haaland, admet Thibaut Leplat. Est-ce qu'on allait voir un Zlatan 2 ? (la mayonnaise n'avait pas pris entre Zlatan Ibrahimovic et Guardiola à Barcelone, ndlr). Haaland a su jouer le jeu de Guardiola, et Guardiola a su jouer le jeu de Haaland : ne pas hésiter à jouer des ballons longs, des ballons en transition".

Oui, City s'est même mis à jouer long. Allez plutôt (re)voir l'ouverture du score de Gündogan contre Manchester United samedi dernier. Guardiola n'a pas fini de surprendre, et a réponse à presque tout, même si son équipe doit apprendre à encore mieux gérer ses émotions. "S'il est au sommet de son art ? Non, c'est plutôt un plateau. Sommet, ça veut dire que c'est le début de la fin". Guardiola, lui, en est plutôt au début de la faim.