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Ligue des champions - AC Milan - Inter : "On a travaillé jusqu'à cinq heures du matin" : Un derby, deux virages

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 10/05/2023 à 19:33 GMT+2

A l'aube du cinquième Euroderby de l'histoire entre l'AC Milan et l'Inter, les virages historiques des deux clubs, eux, ont entamé une véritable course contre la montre pour être à la hauteur de l'évènement. Comme de tradition, deux tifos exceptionnels sont ainsi prévus par la Curva Sud (AC Milan) et la Curva Nord (Inter). Témoignages des principaux concernés.

Y-a-t-il un favori dans le derby ? "Sur la dynamique, la balance penche côté Inter"

Vingt-et-un jours. Pas un de plus. Voilà le temps qui sépare le coup de sifflet final du quart de finale retour de Ligue des champions entre l'Inter et Benfica (0-2, 3-3) le 19 avril dernier, et le premier des deux derbies en demi-finales face à l'AC Milan qui en a découlé, dont l'aller est programmé ce mercredi soir (21h) à San Siro. Vingt-et-un jours, autant dire des miettes pour préparer un rendez-vous de cette dimension. Et pourtant, en coulisses, certains se sont activés pour rendre ce rendez-vous mémorable. Car si le spectacle s'annonce, on l'espère, exceptionnel sur le terrain, il le sera sans aucun doute dans les tribunes. Un "Derby della Madonnina", c'est déjà quelque chose en championnat. Alors on vous laisse imaginer en demi-finale de la C1, vingt ans tout juste après le tout premier.
Sans les deux virages où se trouvent les ultras des deux clubs, la "Curva Sud" pour l'AC Milan et la "Curva Nord" pour l'Inter, un derby milanais ne serait certainement pas un derby milanais. Et l'expérimentation imposée durant la période du Covid-19, où le huis clos était devenu légion, n'est pas vraiment un excellent souvenir. En vue de cette double confrontation fratricide, mais cette fois sur la scène européenne, les deux virages historiques ont donc dû s'activer pour préparer une scénographie digne de l'évènement. Avec une différence notoire : contrairement au championnat, où les dates sont connues en début de saison, cet "Euroderby" n'était pas vraiment au programme. Alors, comment préparer un tel évènement en aussi peu de temps ? Deux des "capi" ("chefs") des deux Curve ont accepté de témoigner.
Certains ont travaillé jusqu'à 5 heures du matin toutes les nuits
"Le groupe qui s'occupe des tifos est composé d'une base de 30 personnes, nous raconte Marco Pacini, surnommé "Pacio", et leader de la Curva Sud. Il faut des heures entières pour monter le tout. Il est évident qu'il y a des situations comme celle-là, une demi-finale de Ligue des champions, impossibles à prévoir dans nos programmes. C'est une vraie course contre le temps qui a démarré. Heureusement, nous avons toujours des idées en amont à développer." En vingt jours, un travail de deux-trois mois a été effectué, pour un montage final qui a requis une centaine de personnes.
À l'aller, l'AC Milan, qui reçoit, aura les trois quarts de l'enceinte acquis à sa cause, ce qui permet donc à la "Curva Sud" de déployer son tifo sur "trois anneaux" et dans la plupart des secteurs, comme prévu mercredi soir. Le thème ? "Même sous la torture, je ne vous le dirai pas", plaisante "Pacio". "Mais ce sera un tifo important", précise-t-il. En face, la "Curva Nord", elle, évoluera à l'extérieur et disposera donc uniquement de "son" deuxième anneau vert pour contre-attaquer.
La coreagrafia della curva del Milan per il derby n°244, Milan-Inter, Getty Images
"Nous avons dû faire un effort surhumain pour préparer les tifos en aussi peu de temps, assume Marco Ferdico, l'un des trois chefs de la Curva Nord. Certains ont travaillé jusqu'à 5 heures du matin, toutes les nuits, pour dessiner et peindre sur des parkings. En vingt jours, on a dû préparer deux tifos : un pour l'aller sur un anneau, et le deuxième plus imposant au retour. On parle de 50 personnes environ qui ont tout donné pour que tout soit prêt à temps. Et je peux vous dire que le tifo prévu au retour, c'est quelque chose de jamais-vu avant. A l'aller, ce sera de la défense en attendant d'attaquer." Les deux rencontres se joueront évidemment à guichets fermés, avec probablement un record historique de recettes pour un club italien lors de la manche retour, prévue le 16 mai.

Un pacte de non-violence toujours en vigueur

Entre les deux virages, la relation est qualifiée comme "bonne" par Marco Pacini. Il faut dire que le pacte de non-agression, signé à l'été 1983 après divers guet-apens et scènes d'une extrême violence, est toujours en vigueur. "Il y aura toujours de quoi les chambrer, mais l'ambiance est bonne entre nous. Ce pacte contribue à rendre unique l'atmosphère du derby de Milan", ajoute-t-il. "Je confirme qu'il y a beaucoup de respect, enchaîne Marco Ferdico. Les leaders de la Curva Sud sont des personnes que nous respectons beaucoup et avec qui nous avons les mêmes idéaux. Il n'y a que les couleurs qui nous divisent, mais ce sont des personnes qui méritent vraiment du respect. Milan reste quand même l'équipe que nous détestons le plus, plus encore que la Juve, car c'est l'équipe avec qui nous partageons la ville et qui a gagné beaucoup de trophées. Mais la haine est réciproque, car nous aussi nous avons eu nos moments de gloire."
Dans le reste du stade, il est de coutume de voir les tifosi se mélanger dans une ambiance plus que bon enfant. Famille, amis, couples : tous viennent bras dessus bras dessous pour assister au derby. Pas vraiment le cas ailleurs, de Rome à Turin, en passant par Vérone ou Gênes. "Milan, c'est le derby du monde", résume "Pacio". "C'est le match des matches, s'enthousiasme son compère nerazzurro. Il n'y a aucun derby au monde qui a cette valeur. On est sur le niveau de Boca-River Plate, mais on parle là d'un football plus pauvre. Ici, c'est un football européen et riche. Et puis aucune ville n'a notre palmarès, il ne pouvait pas exister plus beau match que celui-là en demi-finale de C1. Notre spectacle dans les tribunes ? Personne ne l'a. Notre stress avant ces matches ? Personne ne l'a. Nos coupes remportées ? Personne ne l'a. Le plus grand spectacle du monde, c'est ici à Milan."
La coreagrafia della curva dell'Inter per il derby n°244, Milan-Inter, Getty Images
Mercredi, les noms d'oiseaux vont toutefois fuser entre les deux virages, tous deux remplis à ras bord. "C'est d'ailleurs un problème, certains tifosi vont parfois dans le virage alors qu'ils ont un billet dans un autre, et cela oblige certaines personnes à se mettre sur les escaliers outre une question évidente de sécurité. Nous essayons d'être plus fermes lors des contrôles", précise-t-on à l'AC Milan.
"La Curva Nord est composée de 7.800 places, et elle est toujours pleine, se félicite Ferdico. Le noyau dur qui se déplace à l'extérieur compte 4.500 personnes. Il y a encore du travail, notre Curva a été refondée il y a quelques mois. Et certaines franges, qui n'ont pas accepté ce projet, sont parties et fondent actuellement de nouveaux groupes qui doivent arriver au très niveau." "C'est difficile d'estimer combien nous sommes, réplique son confrère du deuxième anneau bleu. Il y a des milliers de personnes entre les groupes principaux, les sections et les Milan Club. En plus des passionnés qui viennent à titre personnel. Tout ce que je peux dire, c'est que nous sommes une grande famille."
Famille, travail... et Milan
En parlant de famille, d'ailleurs, Marco Pacini n'oublie pas la sienne. Si être chef d'un virage est un emploi à temps plein, il fait passer ses proches avant tout. "Après mon boulot et ma famille, Milan et la Curva sont les deux choses à qui je dédie le plus de temps", témoigne-t-il. Sa petite fille, elle, a déjà appris à tue-tête les chants lancés par son père à chaque rencontre, comme lui-même le dévoile sur les réseaux sociaux. Une question de transmission et d'héritage, qu'importe l'âge.
"Toute ma journée est calquée sur la Curva Nord, avoue quant à lui Marco Ferdico. Quand je ne suis pas au stade, je prépare les déplacements pour le match d'après. Et quand je ne fais pas ça, je m'occupe des listes pour les billets. Je gère également les relations avec les institutions, de quand je pars à où je pars... Toute ma journée se résume à la Curva Nord. Pour nous, c'est bien plus qu'un travail ou une passion. C'est tout simplement notre vie, et c'est pour cela que notre coeur bat." Mercredi soir, aux alentours de 21h, ses pulsations risquent sérieusement de s'accélérer.
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