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OM, 30 ans de la victoire en Ligue des champions : Jean-Marc Ferreri raconte les coulisses du sacre de Marseille

Clément Lemaître

Mis à jour 26/05/2023 à 08:55 GMT+2

Il y a 30 ans, Marseille devenait champion d'Europe face à Milan (1-0). La préparation façon "Club Med", les mots forts de Bernard Tapie, l'arrivée au stade olympique de Munich, le but de Boli, la fête au Vélodrome, la victoire face au PSG trois jours plus tard avant "la tempête VA-OM"... Pour Eurosport, Jean-Marc Ferreri est revenu sur cette semaine qui a fait basculer l'histoire de l'OM. Récit.

Fabien Barthez, l'un des héros de l'OM lors de la finale de la C1 1993 face à Milan.

Crédit: Imago

"Je me souviendrai toujours de l'ambiance formidable qui régnait au sein du groupe marseillais, lors de notre arrivée à Munich avant la finale. Bernard Tapie ne faisait jamais deux fois de suite la même erreur : la finale de 1991 à Bari, je n'y étais pas mais ils avaient ressenti beaucoup de pression avant la rencontre. Les joueurs étaient restés cloisonnés dans un hôtel. En 1993, c'était l'inverse. On a plutôt vécu le Club Med dans cet hôtel situé en pleine forêt et à une quarantaine de minutes de Munich. Les entraînements étaient cools et Chris Waddle (ndlr : parti à Sheffield Wednesday en 1992) y avait même participé. Il était venu au milieu du terrain et avait fait du Chris Waddle (rires). Avec lui et Basilou, ce n'était pas triste. Il y avait beaucoup de sourires et de rigolades. La pression de cette finale, on ne la sentait pas.
Bernard Tapie m'avait dit : 'Si tu es bon contre Bruges, je te mettrai en finale'
Si mes souvenirs sont bons, j'étais dans la même chambre que Jean-Philippe Durand. On était plutôt sereins. La nuit du 25 au 26 mai 1993, j'ai bien dormi. Je connaissais déjà la composition d'équipe à la veille du match. Je savais que j'allais débuter sur le banc. Raymond (Goethals) changeait très, très rarement son onze. Je l'avais connu à Bordeaux (en 1989-90) et c'était très souvent les onze mêmes avec Klaus Allofs, Bernardo Pardo, Jean-Philippe Durand et moi au milieu. A Marseille, il faisait exactement la même chose.
J'étais un peu déçu de ne pas débuter cette finale. Bernard Tapie m'avait fait jouer titulaire à Bruges (1-0, 21 avril 1993) au sein d'une équipe très offensive. "Si tu es bon, je te mettrai en finale", m'avait-il confié. Je réalise une très belle première mi-temps, je donne la balle de but à Alen Boksic (2e). Mais Franck Sauzée m'a remplacé après la pause. Finalement, c'est logique qu'il ait joué la finale car il avait fait toute la saison au milieu aux côtés de Didier Deschamps. Mais il m'avait promis ça (rires) et je lui avais dit d'ailleurs, sans l'espoir d'être titulaire.
Le matin du match, je ne m'en souviens pas trop. Je me rappelle surtout du long voyage en bus qui nous a amenés jusqu'au stade Olympique de Munich. Fabien (Barthez) s'était endormi pendant le trajet. Pour le coup, lui était vraiment détendu (rires). C'était dans sa nature. Il ne ressentait jamais de pression, tu avais l'impression qu'il allait jouer un match de troisième division. Pour le reste du groupe, on sentait que la pression commençait à monter, il y avait moins de sourires, on savait que toute la France allait nous regarder.
Comme toujours, Bernard Tapie était auprès de l'équipe et notamment lors des causeries. Il nous avait beaucoup parlé de l'AC Milan lors de la préparation car il les connaissait par cœur : 'Attention, Van Basten devant, c'est l'un des meilleurs du monde à son poste, Frank Rijkaard aussi. Il faudra être à 200% pour passer'. Lors de l'avant-match, il avait fait du Bernard quoi. C'était comme avant les matches de championnat, quand il arrivait à 16h pour la collation au Sofitel de Marseille, il était toujours là pour nous motiver. C'était un véritable meneur d'hommes et c'est ce qui faisait sa force. Il savait trouver le mot juste pour te motiver et te donner de la force. Comme on le craignait beaucoup, il était très, très respecté.
Une fois arrivé au stade, c'est la présence des supporters marseillais qui m'a le plus marqué. Je me souviens quand on sort du tunnel pour l'échauffement. Là, tu vois 25 000 fans marseillais, tout le virage en bleu et blanc. C'était fabuleux. Vraiment fantastique. L'ambiance était incroyable. Tout était beau dans ce stade de Munich, avec également ce virage rouge et noir milanais. C'était très festif, il n'y avait pas de haine et d'animosité entre les deux camps.
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Basile Boli, Bernard Tapie et Abedi Pelé, champions d'Europe avec l'OM, en 1993.

Crédit: Imago

Sur le banc, on se dit : 'peut-être que grâce à Fabien Barthez, rien ne pourra nous arriver ce soir'
Dans les minutes qui ont précédé le coup d'envoi de la finale, on était sur une bonne dynamique. Avant de commencer un match comme ça, il n'y a pas grand-chose à dire, la motivation vient d'elle-même. Ensuite, c'est le début de la rencontre que je vis moyennement bien. On est dominé, on n'a pas la maîtrise du jeu. En face, c'était monstrueux avec cette défense de fer internationale italienne Maldini-Baresi, un super milieu de terrain et les meilleurs atouts offensifs des Pays-Bas, champions d'Europe 1988. On n'était pas sereins et pas favoris sur ce match. On concède d'ailleurs trois occasions nettes et Fabien nous sort des arrêts miraculeux. Sans un grand Fabien, on aurait été mené au score. Sur le banc, on se dit : 'peut-être que grâce à lui, rien ne pourra nous arriver ce soir'.
Fabien, on l'a vraiment découvert lors de notre match de Coupe d'Europe à Glasgow (2-2, 25 novembre 1992). Pascal Olmeta s'était blessé et il s'était révélé face aux Rangers. Lui avant, il jouait avec la réserve donc on le connaissait peu. Sous la pluie, dans des conditions de folie, il fallait vraiment s'employer dans les sorties aériennes et il avait été monstrueux. C'est là-bas qu'il a gagné la confiance de tout le monde. On s'était dit : "mais c'est un crack ce gardien".
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Lloris vs Barthez, qui est le plus grand ?

Pendant le match, Raymond Goethals était très calme avec sa cigarette. Je voyais aussi Jean-Pierre Bernès sur le banc échanger par Talki Walki avec Bernard Tapie, qui était dans la tribune. Ils n'avaient pas trop communiqué jusqu'ici avant d'évoquer Basile Boli qui voulait sortir avant la pause. Le Boss avait insisté : "non, il ne faut pas qu'il sorte". Il avait eu raison car Basile marque quelques instants plus tard. C'est le timing parfait, juste avant la mi-temps. Pour nous, sur le banc, c'est une délivrance. En plus, c'était devant nos supporters. La liesse était fabuleuse.
A la mi-temps, je me souviens qu'on était content du but mais en même temps, on savait que la suite allait être très longue et qu'il fallait tenir. Nous étions hyper-concentrés car rien n'était encore fait. La deuxième période est en effet très stressante depuis le banc car le match est très serré, très tactique. Il n'y a pas beaucoup d'occasions mais beaucoup de contacts. Je ne nous sens pas à l'abri. Pour ma part, j'ai failli rentrer à 25 minutes de la fin car Alen Boksic s'est blessé. Raymond m'a dit : 'prépare toi'. Mais finalement, Alen a serré les dents et a fini la rencontre. C'était une petite déception personnelle car tu as toujours envie de participer à un match historique comme ça.
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Jean-Marc Ferreri (troisième en partant de la gauche) n'est pas entré lors de la finale de la C1 1993.

Crédit: Imago

A la 54e minute, Jean-Pierre Papin (ex-buteur de l'OM sur la période 1986-1992 et finaliste de la C1 1991) remplace Roberto Donadoni. Quand il est rentré, je savais que ça allait mal se passer. Nous, on avait des guerriers derrière avec Anglo (Jocelyn Angloma), Marcel (Desailly), Basilou (Boli) et Meco (Eric Di Meco). Il ne fallait pas les chatouiller. A un moment, il y a un contact entre JPP et Fabien à la suite d'un corner. Ç'a commencé à chauffer mais c'était presque logique.
Quand l'arbitre siffle la fin du match, c'est la délivrance, c'est merveilleux, car les dernières minutes ont été très, très compliquées sur le banc. On regardait l'horloge, on n'en pouvait plus. C'était l'enfer. Ce qui m'a marqué dans l'après-match, c'est la joie du public. Il y a la levée de la coupe qui est également un moment merveilleux. On était tous là à attendre pour la soulever. Dans le vestiaire, je me souviens que Michel Platini est venu nous féliciter. Il nous avait dit un mot sympa. Je ne me rappelle plus les termes exacts mais il avait dû dire : 'bravo les gars, savourez'. Bernard Tapie ? Je me souviens surtout de ses larmes à la fin du match.
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Finaliste de la C1 1991 avec l'OM, Jean-Pierre Papin portait les couleurs de l'AC Milan lors de la finale 1993.

Crédit: Imago

Les supporters que je croise partout en France me le rappellent tout le temps, même 30 ans après
La soirée qui s'en est suivie avait été très sympa. On avait improvisé un petit groupe de musique dans notre hôtel. On a bien chanté et on est restés très tard sur le dancefloor (rires). Les joueurs et les dirigeants ont participé. La majeure partie du groupe s'est couchée vers 4h du matin. Certains ont veillé plus tard que d'autres comme Jean-Jacques (Eydelie) ou Eric (Di Meco).
Le lendemain, on a présenté la coupe au Stade Vélodrome et l'ambiance était juste magique, surtout que les supporters nous attendaient depuis des heures. On devait arriver à 15h et on est entré sur la pelouse vers 20h. Pourquoi un tel retard ? On devait faire plein de trucs, des interviews, le journal télévisé, etc... Quand on rentre sur le terrain, c'est la folie, on est des Dieux vivants. On sent qu'on a donné du bonheur à des millions de Français et à des milliers de Marseillais. Je crois que c'est la meilleure ambiance que j'ai connue au Vélodrome. Je garderai ça à vie. Et d'ailleurs, les supporters que je croise partout en France me le rappellent tout le temps, même 30 ans après. Il y a un tel amour pour l'OM dans toute la France et l'Europe, c'est monstrueux.
Jusqu'au match du PSG (3-1), trois jours plus tard, on a très peu dormi. Avoir gagné contre Paris dans ces conditions, c'est miraculeux. Je pensais vraiment qu'on allait dérouiller. On jouait quand même le titre de champion de France. Basile Boli ? Il a mis deux buts dans sa vie, c'était la Saint-Basile cette semaine-là (rires). Contre le PSG, il a inscrit un but magnifique. Un but que tu ne vois jamais dans ta vie. Normalement, tu dois prendre ce ballon du pied mais lui, comme il est fada, il a mis la tête. Là encore, c'était une ambiance de folie.
Est-ce que l'affaire VA-OM était dans un coin de nos têtes à ce moment-là ? Non, pas du tout. Aucunement, on n'a parlé de Valenciennes entre nous. On était juste focalisé sur cette finale de C1 et le titre de champion de France face au PSG. On a vécu le feu d'artifice avant la tempête."
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