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Ligue Europa - Avant la finale face aux Glasgow Rangers : L'Eintracht Francfort, bouillon de culture européenne

David Lortholary

Mis à jour 18/05/2022 à 18:03 GMT+2

LIGUE EUROPA - Si l'Eintracht Francfort n'a plus remporté la Coupe d'Europe depuis 1980, le grand club de la Hesse, qui affronte les Glasgow Rangers en finale mercredi (21h00), n'en a pas moins gardé une tradition européenne qui échappe à toute comparaison. Et que sa saison ordinaire en championnat n'entache en rien.

Les joie de l'Eintracht Francfort après la qualification pour la finale de la Ligue Europa

Crédit: Getty Images

Bad Vilbel, banlieue nord de Francfort. Deux semaines avant la finale de l'Europa League, programmée mercredi 18 mai, un supermarché de la ville avait déjà informé ses clients : ce soir-là, fermeture à 20h. Pas question, en effet, que ses employés manquent une miette du "match des matches". Dans la capitale de la Hesse, l'engouement pour la première finale européenne de l'Eintracht depuis 1980 est indescriptible. Une semaine avant la rencontre, les demandes de billets dépassaient les 100 000. Pour tous ceux qui n'auront pu se rendre en Espagne, où se déroulera le match, des rassemblements avec écran géant sont évidemment organisés.
De quoi faire largement écho aux 30 000 supporters de l'Eintracht qui, en organisant le déplacement au Camp Nou au début du printemps, avaient assuré le buzz dans toute l'Europe, humiliant le Barça dans son antre. "Une chose est sûre : les images de Barcelone resteront pour l'éternité. 30 000 personnes en ville et au stade, paisibles, festives et vectrices d'émotions", constatait dans le bi-hebdomadaire kicker Philip Holzer, membre du conseil de surveillance de l'Eintracht. "J'ai cru qu'on était à Francfort. C'était incroyable. Exceptionnel, vraiment", juge le gardien Kevin Trapp. "Quelle est la plus grosse sensation des deux entre la performance livrée ce soir-là par les joueurs et l'impressionnant contingent de 30 000 supporters qui a déboulé dans les tribunes ? Difficile à juger !", s'est exclamé le journaliste Thiemo Müller, spécialiste de l'Eintracht.
C'est justement en terrassant le FC Barcelone, en quart de finale, que les joueurs ont réveillé chez les sympathisants, qui sont proches et fidèles de leur club, un tourbillon de cette passion qui ne sommeillait qu'en apparence. L'euphorie, en fait, perdure depuis la victoire en Coupe d'Allemagne en 2018 et la pandémie n'a été qu'une mise entre parenthèses. Il y a trois ans, l'aventure européenne, qui s'était arrêtée aux portes de la finale aux tirs au but face à Chelsea, futur vainqueur, avait ses héros, un trio de buffles offensif composé de Sébastien Haller, Ante Rebic et Luka Jovic.
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Les supporters de Francfort ont envahi le Camp Nou

Crédit: Getty Images

Il y a toujours, aujourd'hui, une grappe d'attaquants à surveiller, mais dans un profil très différent. Et un homme en particulier est responsable, sur le terrain, de l'euphorie ambiante. Ansgar Knauff, prêté cet hiver par Dortmund (un an et demi sans option d'achat), dynamite toutes les défenses qui ont le malheur de croiser sa route depuis quelques semaines. Celle de Mayence, le week-end dernier, n'a pas fait exception, l'ailier de 20 ans délivrant une passe décisive pour un Rafael Borré qui n'a, de son côté, cessé de monter en puissance depuis l'hiver.

"Il n'y a quasiment plus aucun autre sujet de discussion"

Le directeur sportif Markus Krösche a eu le nez fin en sortant au dernier mercato Knauff de la torpeur où il s'enlisait à Dortmund : il a marqué contre le Barça, d'une frappe de 20 m, et c'est ce même Knauff qui, au tour suivant, a ouvert le score au bout de 48 secondes face à West Ham (2-1, score final), précipitant la chute du club londonien, impuissant au retour dans le bouillant stade adverse. À l'issue de ce succès en terre britannique, les supporters de l'Eintracht ont longtemps fêté leurs joueurs depuis la tribune visiteurs. "À Francfort, l'Europa League jouit d'une cote extrême. Où que tu ailles, il n'y a quasiment plus aucun autre sujet de discussion", constatait alors l'entraîneur Oliver Glasner. "L'effet n'est peut-être pas mesurable, mais il nous influence tous. Cette atmosphère positive, cet esprit, poussent les joueurs à se donner un peu plus encore. Et cette épopée qui nous a menés jusque-là est un immense plaisir. Nous voulons la poursuivre !"
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Francfort - FC Barcelone

Crédit: Getty Images

Le diffuseur télé de la compétition en Allemagne est plus que d'accord : les téléspectateurs se comptent par millions – plus de 5 en quart et en demie ! Même les supporters des autres clubs du pays s'y mettent, comme ceux de l'Union Berlin, qui ont applaudi les visiteurs à l'occasion d'Union-Eintracht, disputé quelques jours après l'exploit contre le Barça. Si les joueurs de Glasner ont gagné une telle sympathie, c'est aussi en raison de leur parcours individuel. Nombre d'entre eux, au cours de leur carrière, ont essuyé des revers avant de rebondir dans la Hesse : le portier Kevin Trapp avait échoué à Paris ; Martin Hinteregger et Djibril Sow à Mönchengladbach ; Rafael Borré à l'Atletico et à Villarreal ; Filip Kostic était descendu avec Stuttgart et Hambourg. Liste non exhaustive...

De l'aigle de plomb à l'aigle d'or

Pour l'Eintracht, la dimension européenne est à part. Les soirs de Coupe d'Europe, l'aigle qui orne le costume des dirigeants n'est pas gris, comme de coutume sur la scène nationale, mais doré. Oliver Glasner, lui, porte autour du cou une amulette ornée, elle aussi, de l'aigle symbole du club, accompagné de l'inscription "Eintracht Frankfurt International 2021/22" et de la silhouette de la coupe d'Europe. Un bijou offert par un supporter joailler.
Personne n'a oublié les images de Martin Hinteregger, le soldat de la défense et compatriote de Glasner, pleurant dans les bras d'un spectateur à l'issue de la malheureuse séance de tirs au but, en demi-finale à Londres il y a trois ans. "Ce match est encore bien présent dans la tête de tous ceux qui y étaient", témoignait Sebastian Rode, assoiffé de revanche, avant la double confrontation contre West Ham. Aucun autre club en Allemagne ne vit ni ne fête l'Europe avec autant d'intensité que Francfort. En 2019, même les rencontres qualificatives pour la Ligue Europa, au cœur de l'été, contre le FC Vaduz et le FC Flora Tallinn, étaient à guichets fermés. Alors pour une finale qui permettrait à la fois de revivre un titre attendu depuis 42 ans et d'accéder pour la première fois à la Ligue des champions...
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Filip Kostic (Eintracht Fráncfort)

Crédit: Getty Images

25 ans après le triomphe de Schalke dans cette même compétition, en 1997, l'Eintracht a rendez-vous avec l'histoire et n'a pas manqué de la convoquer. L'Argentin David Abraham, qui a passé six saisons et demie dans la Hesse avant de repartir en Amérique du Sud l'hiver dernier, a reçu le 8 mai, à l'occasion du dernier match à domicile de la Bundesliga 2021-2022, des adieux à la hauteur des souvenirs qu'il a laissés. Le "Capitano" est non seulement, désormais, membre à vie de l'Eintracht, mais il a aussi été invité à Séville pour la finale.
Il n'est pas le seul : toute l'équipe vainqueur de la Coupe de l'UEFA en 1980 l'est aussi, dont les légendaires Charly Körbel, Norbert Nachtweih et Cha Bum Kun, qui doit faire le déplacement depuis la Corée. Le père de l'avant-centre Gonçalo Paciencia, qui a de son côté marqué l'histoire d'un autre club de tradition (le FC Porto), comprend parfaitement l'intensité de cet engouement. "Encore une nuit magique", a-t-il témoigné à l'issue de la demi-finale victorieuse. "Les mots me manquent pour décrire de tels moments. Ce club, cette ville, ces fans constituent une des plus belles relations qu'il y ait sur cette planète."

Hummels : "Waouh, vous nous faites vraiment vibrer"

Si le "mur jaune" de Dortmund impressionne le monde entier, le "mur blanc" de Francfort fait son effet aussi. "Waouh, Eintracht, vous nous faites vraiment vibrer à l'international", a twitté Mats Hummels après Barcelone. "Il n'y a guère de clubs allemands qui procurent autant de plaisir sur la scène internationale", a renchéri Ilkay Gündogan. "C'est un soutien de classe mondiale", a rendu hommage Bastian Schweinsteiger.
Un soutien parfois excessif, comme à l'occasion de l'envahissement de terrain après West Ham, ou d'actes de vandalisme dans des bars ici ou là, mais un soutien évidemment massif, en témoignent les plus de 100 000 membres du club qui ne l'ont jamais abandonné en dépit d'épisodes moins glorieux au cours des 30 dernières années, comme les descentes en 2e division. À tel point que la compagnie de chemin de fer nationale a twitté, début mai : "Nous avons quelques fans de l'Eintracht dans notre team. Nous avons négocié un deal avec eux : si nous recueillons 753 056 likes, nous affrétons un train spécial pour Séville." 753 056, comme le nombre d'habitants de Francfort.
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