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Málaga, tragique candidat de la roue de la fortune

Antoine Donnarieix

Mis à jour 26/07/2019 à 16:03 GMT+2

Englué en deuxième division espagnole depuis sa descente sportive, Málaga court un grand danger relatif à sa pérennité dans le milieu professionnel du football espagnol. Acheté par un cheikh qatari en 2010, le club s’est mis à rêver en grand avant de broyer du noir intense. Ou comment se rendre compte qu’une arrivée massive d’argent ne fait pas forcément le bonheur.

Isco sous le maillot de Malaga en 2013

Crédit: Getty Images

Il existe un proverbe selon lequel le diable se cache dans les détails. Une expression qui colle bien à la destinée du Málaga CF au crépuscule de la Liga 2009-2010. Grâce à un match nul obtenu sur sa pelouse de La Rosaleda contre le Real Madrid (1-1), les Andalous se détachent un point devant le Real Valladolid détruit au Camp Nou par le Barça (4-0) et Tenerife, battu au Mestalla par le Valence CF (1-0). Résultat comptable à la fin de la trente-huitième et dernière journée : Málaga termine à la dix-septième place du classement, synonyme de maintien dans l’élite. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour eux ça va dire beaucoup.
Nous allons concurrencer le Real et le Barça d’ici quelques années
Dans les faits, ce sauvetage extrême entraîne un engouement supplémentaire chez le cheikh Abdullah bin Nasser bin Abdullah Al-Ahmed Al-Thani, issu de la famille princière du Qatar et arrière-petit-fils de Ahmed bin Muhammed Al-Thani, ancien gouverneur de l’État de Doha. En juin 2010, l’homme d’affaires se décide à racheter toutes les actions du club andalou pour une somme avoisinant les 36 millions d’euros, paiement de dette comprise.
C’est le début du rêve pour les Boquerones (Les Anchois, en VF) puisque le patron du groupe NAS envoie du lourd dès sa première conférence de presse : "Málaga est notre priorité. Nous souhaitons vous dire que nous allons concurrencer le Real et le Barça d’ici quelques années. Nous avons choisi ce club pour Málaga, l’Andalousie et l’Espagne." En trois phrases, voilà comment mettre des étoiles plein les yeux. Homme de parole, le cheikh Al-Thani met la main à la poche dès son arrivée. Si les premières recrues restent assez modestes (Eliseu ou le jeune Salomon Rondón), le cheikh se concentre d’abord sur l’arrivée d’un entraîneur à la mesure de son grand projet.
En novembre 2010, Manuel Pellegrini, fraîchement démis de ses fonctions au Real Madrid, s’engage dans le projet malagueño. Par la suite, Al-Thani passe la vitesse supérieure avec les venues de Martín Demichelis en provenance du Bayern Munich et Júlio Baptista de l’AS Rome dès le mercato hivernal. Le processus de mutation de l’effectif prend forme. Après une onzième place obtenue en Liga, Málaga accueille une pléiade de stars pour définitivement intégrer le gratin national : Ruud van Nistelrooy, Joaquín, Santi Cazorla, Jérémy Toulalan et le petit prodige de Valence, Isco, intègrent l’effectif albiceleste. Avec ces cinq nouveaux éléments, Málaga possède une équipe capable de viser le haut de tableau. Le rêve devient réalité.
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FOOTBALL 2011 Malaga - Van Nistelrooy

Crédit: AFP

N’est pas QSI qui veut

Avec un cerveau comme Pellegrini pour diriger l’effectif, le cheikh Al-Thani se sent pousser des ailes. L’équipe boucle la saison 2011-2012 à la quatrième place, synonyme de qualification pour le tour préliminaire de la Ligue des champions. D’un point de vue sportif, la saison suivante sera la plus aboutie pour les Andalous à l’échelle européenne, puisque Málaga se hisse jusqu’en quarts de finale de la C1, éliminé dans les arrêts de jeu par le Borussia Dortmund (0-0, 2-3).
D’un point de vue économique en revanche, l’exercice est perçu comme une alerte orange sur la gestion financière du président Al-Thani : en décembre 2012, Málaga subit de la part de l’UEFA une interdiction de toute compétition européenne pour la saison suivante, susceptible de s’étendre à la période allant de 2013 à 2017, si le club n’est pas en règle par rapport au fair-play financier (FPF) à partir du 31 mars 2013.
En creusant d’un peu plus près sa fortune personnelle, le constat devient même limpide : la société d’investissement NAS, dotée d’activités pluridisciplinaires comme l’automobile de luxe ou l’hôtellerie, ne fait pas partie du top 10 des entreprises qataries. Au pays, plus de 6000 cheikhs sont désignés comme tels et exercent régulièrement des activités privées, mais tous ne possèdent pas autant de moyens de Qatar Sports Investment, un fonds d'origine publique qui investit pour le développement du Paris Saint-Germain. En clair, Paris et Málaga sont deux clubs à la propriété qatarie, mais avec deux mannes financières bien différentes.
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FOOTBALL 2013 Dortmund-Malaga (Santana)

Crédit: Panoramic

Dérapage médiatique et présence de plus en plus fantomatique

Depuis 2013, Málaga ne connaît plus d’épopée européenne. La raison ? La confirmation de sa suspension par l’UEFA pour non-respect des règles du FPF, mais pas que. Cette mauvaise gestion financière ne jouait plus en la faveur du club, forcé de constater le départ de ses stars vers la concurrence, la baisse de sa côte d’attractivité et son rôle de second couteau en Liga espagnole. Pire : après plusieurs années dans le ventre mou du championnat et quelques dérapages sordides de la part de son propriétaire (en 2017, le cheikh avait notamment traité les Catalans de "déchets"), Málaga est descendu en deuxième division lors de la saison 2017-2018, bouclant son championnat en tant que lanterne rouge. Et comme par hasard, le cheikh s’est volatilisé dans cette lente agonie subie par le club.
Que reste-il du Málaga CF aujourd’hui ? Un club à la dérive qui vient d’échouer dans sa tentative de remontée directe en Liga, battu en barrages par le Deportivo La Corogne (4-2, 1-0). En début de semaine, les échos venus d’Espagne étaient même pessimistes quant aux chances de voir Málaga reprendre en deuxième division cette saison. Avec 20 millions d’euros de dettes, des salaires impayés et une absence totale de financement venu de l'extérieur, Málaga commence sérieusement à inquiéter tandis que le cheikh, déjà mêlé à des affaires similaires par le passé, continue de faire la sourde oreille.
À titre d’exemple, le président Al-Thani souhaite vendre Javier Ontiveros 15 millions d’euros alors que le prix de sa clause libératoire en cas de descente en deuxième division était fixé à la moitié du prix demandé… Avec 29 joueurs dans son effectif, aucune recrue estivale (en attendant la signature de l'international japonais Shinji Okazaki, arrivé le mercredi 24 juillet en Andalousie) et une masse salariale à réduire de plus de 50% pour rentrer dans les clous de La Liga (les 25,245 millions d’euros actuels doivent désormais passer à 12), l’avenir s’assombrit à Málaga. Ces imbroglios cumulés font que la santé du club s’opacifie de jour en jour, sans trouver d’autre porte de sortie que celle... de la chute libre.
Javier Ontiveros lors du barrage d'accession à la Liga entre La Corogne et Malaga
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