Le Portugal est presque à l’Euro mais cherche encore ses cadres

"Nous voulons atteindre la finale de l’Euro et la gagner." Avant même son déplacement en Arménie, Fernando Santos affichait les ambitions de son Portugal. Depuis samedi soir, la Seleção a quasi assuré un billet pour l’Euro 2016 mais elle ne s’est pas franchement rassurée. Le succès – inédit – obtenu à Erevan a été douloureux (3-2). Les Portugais s’en sont remis, une fois encore, à leur superstar. Mais où sont donc les autres cadres ? Cristiano Ronaldo qui a sera dispensé de l’amical de ce mardi face à l’Italie semble décidemment bien seul…

"Cristiano est une machine à marquer." Nani ne peut que saluer la nouvelle énorme performance de son capitaine. Auteur d’un triplé en Arménie, Ronaldo affiche 35 buts en 53 matches de qualif. Sur ses 25 derniers pions en sélection, il ne compte que deux penalties. Le meilleur buteur de l’histoire de la Seleção confirme son influence. Il a planté 5 des 9 réalisations de l’ère Fernando Santos (5 victoires, 2 défaites). Du coup, l’avenir de l’attaquant de 30 ans attise débats voire inquiétudes.

Le remplacement d’Ancelotti par Benitez à Madrid a plongé Cris dans le doute. Le coach espagnol songerait à le replacer dans l’axe. "Il sera ce que son entraîneur en club voudra", a lâché Santos qui a aligné une variante de 4-4-2 en Arménie, avant de revenir au "traditionnel" 4-3-3, avec un Cristiano libre, façon Real. Avec 66 buts en 60 rencontres disputées en 2014-15, l’ancien joueur de Manchester vient de boucler la deuxième saison la plus prolifique de sa carrière. Moutinho a raison de le dire : "Heureusement que nous avons un joueur comme Cristiano."

La vieille question du 9 revient alors. Ni Eder, ni Hugo Ameida, ni Danny (dont le positionnement demeure flou) ne sont parvenus à alléger Cristiano… Les deux autres buts inscrits au cours de ces qualifs sont l’œuvre de Ricardo Carvalho et Coentrão. Pas vraiment des attaquants…

Le futur de Nani est l’un des cas suscitant le plus de réactions et interrogations au Portugal. Largué par ManU, l’ailier de 28 ans avait été cédé au Sporting cette saison. Le Benfica aimerait lui aussi tenté un prêt. Le joueur, lui, n’a pas l’air inquiet. "Les propositions ne manquent", a-t-il souri en Arménie. A près de 90 caps, le choix de cet habitué de la Seleção aura un impact sur celui du sélectionneur. Encore que… Fabio Coentrão sort d’un exercice frustrant (17 matches toutes compétitions confondues).

Il reste pourtant l’un des cadres du Portugal. Un retour au pays avait été évoqué mais lui-même le confesse : "Ce sera très difficile. Il me reste quatre ans de contrat au Real." Positionné milieu gauche, puis axial (gauche) en Arménie, le blondinet de 27 ans a laissé son couloir à Eliseu (31 ans). Une formule qui a eu du mal à prendre. Le couloir droit de la défense a été confié à Vieirinha (29). Un choix presque forcé pour Santos et lié à la blessure du revenant Bosingwa (32). Le joueur de Wolfsbourg, élu meilleur à son poste cette saison en Bundesliga, a tout d’un titulaire en puissance dans cette équipe. Son concurrent, Cédric, est proche de Southampton. Un transfert qui pourrait influer sur ses convocations à venir.

En ailiers, Santos avait encore convoqué Quaresma (31) qui reste un super sub, comme à Porto. Varela (30) qui sort d’une année mouvementée entre West Brom n’est pas sorti du banc. Les supporters portugais ont hâte de voir des Bernardo Silva, Guerreiro ou autres Rony Lopes voir s’imposer chez les A. Mais la destinée des deux derniers cités n’est pas encore figée.

Deux buts encaissés en match officiel, le Portugal n’avait plus vécu ça depuis presque un an et le traumatisant Mondial au Brésil (2-2 contre le Ghana qui avait suivi le 4-0 infligé par l’Allemagne). En l’absence de Pepe (32), Santos a misé sur une charnière Ricardo Carvalho – Bruno Alves (33). Le joueur du Fenerbahçe est annoncé avec insistance au Sporting où il concurrencerait d’autres jeunes prétendants à la Seleção (Tobias Figueiredo, Paulo Oliveira). Le Monégasque, tricard sous Bento, a été présent, influent. Peut-être le meilleur défenseur. Mais à 37 ans, il appréhende sa carrière "année après année."

Pendant ce temps-là, Carriço (26), vainqueur de la C3 avec Séville attend sa première ; José Fonte (32), élu meilleur défenseur central de Premier League par FourFourTwo, patiente : "J’espère m’imposer, petit à petit." Et là aussi, une nouvelle génération attend son heure : les Ilori, Oliveira, Tobias ou Venâncio vont devoir bien choisir à l’avenir. Loin d’avoir été impérial face aux Arméniens, Rui Patricio n’a pas été aidé. Pas plus qu’Anthony Lopes lors de sa première face au Cap-Vert (0-2) qui, sans jouer, a peut-être marqué des points…

Sous le règne de "l’ingénieur", au milieu, les choses ont bougé mais pas franchement changé. Tiago a mis fin à sa retraite internationale. Le Colchonero de 34 ans a vu rouge (62e) et, selon ses dires, "compliqué les choses" en Arménie. Son retour coïncide avec les disparitions de deux coutumiers : Raul Meireles et Miguel Veloso. Fernando Santos a donc tenté. D’autres systèmes (4-4-2, 4-1-4-1) avec des joueurs à d’autres postes.

Coentrão, Danny ont bougé sur l’échiquier. Le boss du milieu reste Moutinho dont l’avenir est toutefois un autre mystère. L’été sera encore chaud à Monaco. William Carvalho (23) qui a peiné à confirmer au Sporting va-t-il être vendu, faire le grand saut et s’imposer en Seleção ? Il pourrait souffrir de la concurrence d’un Danilo (23) qui s’apprête à rejoindre l’un des trois grands. Quid de ses collègues Adrien (26), João Mario (22) ? Quel sera e sort d’André André (25) que Porto fait revenir au cours de ce mercato ?

Derrière ces questions revient celle du renouvellement de la Seleção. Alors que les U20 viennent d’être sortis aux tirs-aux-buts par le Brésil en quarts du Mondial, que les Espoirs s’apprêtent à disputer l’Euro de la catégorie, Fernando Santos est partagé entre le besoin de résultats (de son équipe et de celles des jeunes) et le celui de la régénération. Il a baptisé 13 joueurs en sept matches mais seulement quatre ont pris part à des duels à enjeu… Il a aligné l’un des onze les plus jeunes de l’histoire du Portugal lors de l’amical face au Cap-Vert (0-2) mais aussi le plus âgé lors du très sérieux match face à la Serbie (2-1).

Celui qui aura, une nouvelle fois, un grand rôle à jouer dans la planification des carrières de certains cadres confirmés ou en devenir s’appelle Jorge Mendes. Le patron de la Gestifute ne sera pas étranger à la mutation de la Seleção et à l’éclosion de nouveaux grands. Au Portugal, plutôt que de parler d’influence on espère récolter les avantages des intérêts convergents…