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La Mannschaft face à un nouveau départ

David Lortholary

Mis à jour 20/03/2019 à 19:38 GMT+1

EURO 2020 - C'est par la décision fracassante d'écarter trois internationaux historiques que le sélectionneur allemand Joachim Löw a lancé la campagne de qualification de la Mannschaft pour l'Euro 2020. Le signal fort de sa volonté de renouvellement.

Bundestrainer Joachim Löw

Crédit: Getty Images

Le message n'aurait guère pu être plus clair. Donner un nouveau visage à l'équipe, engager un nouveau cycle... En venant à Munich début mars, en un éclair et sans informer au préalable son président de sa décision, annoncer en personne aux trois internationaux champions du monde Jérôme Boateng (30 ans), Mats Hummels (30 ans) et Thomas Müller (29 ans) qu'il les débarquait de l'équipe nationale, le sélectionneur de la Mannschaft Joachim Löw, en poste depuis 2006, a engagé un grand ménage de printemps. Pour régénérer son groupe ; pour régénérer son crédit, aussi. Est-ce une crise d'ego ? Un signe d'arrogance ? Le coup de poker est ambitieux, risqué. Suscite l'incompréhension chez certains, l'hostilité chez d'autres, l'appui chez les troisièmes – Leroy Sané, parmi ceux-là, veut croire en "un nouveau départ". Löw fait tapis et recueille une forme de respect pour cela de la part des acteurs et observateurs du football allemand : il est sélectionneur, il décide.
Le Souabe et son staff ont engagé, ainsi qu'il l'a rappelé dans sa dernière conférence de presse, tenue le 15 mars au siège de la fédération à Francfort, une grosse réflexion depuis le Mondial et la Ligue des Nations pour une nouvelle idée de jeu. Les piètres résultats, il l'avoue, ont poussé Löw à "prendre des décisions pour le futur. Nous avons beaucoup, beaucoup de potentiel mais les choses ne se font pas du jour au lendemain. Il s'agit d'un processus. C'est ainsi, en football", a-t-il avancé. Comme de reconquérir son public. Les places du match prévu ce mercredi à Wolfsburg contre les Serbes ne se sont pas, c'est le moins que l'on puisse dire, vendues en un claquement de doigts.
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Thomas Müller et Joachim Löw

Crédit: Getty Images

Possession et domination ne sont pas mortes
Pourtant, le sélectionneur promet du jeu, et de ce point de vue ne se reniera, semble-t-il, jamais complètement. Se lamentant des lenteurs récentes de son équipe et d'une propension à la possession stérile, il annonce vouloir retrouver "plus de dynamisme, plus de vitesse, plus d'application" – une mission que l'on devine taillée pour les Sané, Werner, Gnabry, Brandt et autre Havertz. Mais l'esthétique du football fait partie de son ADN. "Le jeu de possession et la domination ne sont pas morts : regardez les résultats cette saison de Manchester City ou du FC Barcelone, qui rayonnent dans leur championnat respectif", a-t-il argumenté. Avant de préciser ce qu'il entendait impulser : "Dans le football actuel, les espaces se sont réduits et les adversaires vous mettent sous pression. Il faut donc former des joueurs plus cognitifs pour créer le jeu dans les équipes de jeunes – dès l'âge de 8, 9, 10 ans." Nul doute que, sur ce point, le sélectionneur sera entendu : la réflexion bat déjà son plein pour reconstruire en profondeur le football allemand.
En écartant la plupart de ses anciens – seuls Manuel Neuer, Toni Kroos et Ilkay Gündogan, en somme, demeurent parmi les "historiques" dans les 23 appelés pour les matches de mars 2019 – Löw a, sinon changé d'avis, du moins accentué la mutation depuis les mois qui ont suivi le Mondial. Il voulait réussir une transition en gardant des cadres ; aujourd'hui, il en chasse trois sans grand ménagement – même s'il a rétropédalé en conférence de presse en précisant que ces messieurs n'étaient pas bannis de la sélection, seulement qu'il ne comptait pas sur eux pour l'Euro. Le but ? privilégier "le développement des jeunes. Pour moi, avant les qualifications (pour l'Euro 2020), c'était le bon moment", s'est-il justifié devant un parterre de journalistes. Mais dans ce cas, pourquoi rappeler Kroos, "intouchable mais qui n'est que l'ombre de lui-même et est l'un des visages de la crise au Real Madrid", selon le jugement, largement partagé, du charismatique journaliste Marcel Reif ? Pourquoi maintenir comme n°1 Manuel Neuer, qui commet régulièrement des erreurs alors que Marc Andre ter Stegen brille de sa constance à Barcelone ?
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Joachim Löw

Crédit: Getty Images

La double mission du jeu et des résultats

Ainsi le sélectionneur avance-t-il sur un fil à la stabilité incertaine. Joshua Kimmich et Leon Goretzka – deux jeunes talents du Bayern – ont critiqué la mise à l'écart de Müller, Boateng et Hummels – trois piliers du même club – mais sont, le sélectionneur le reconnaît, "des meneurs pour l'avenir". Confiance et critique salée sont, après tout, un cocktail familier de la culture sportive allemande... Sur les épaules des jeunes à qui le sélectionneur va donc accorder sa confiance, le poids sera double : ils vont devoir non seulement bien jouer, mais aussi obtenir des résultats.
Niklas Süle, qui a l'habitude d'évoluer au Bayern soit aux côtés de Boateng, soit aux côtés d'Hummels, saura-t-il s'émanciper de ces deux monuments et s'affirmer aux côtés d'Antonio Rüdiger ? Le jeune arrière central du Bayern fait partie de ces joueurs auxquels Joachim Löw va "donner des responsabilités", qui vont devoir "grandir dans la mission qui est la leur (de bien figurer dans les qualifications puis à l'Euro" et qui vont devoir "prouver qu'ils peuvent endosser" le costume. C'est ce qu'on appelle le grand bain... "J'ai mené plusieurs générations comme sélectionneur", se justifie Löw. "Les Bastian Schweinsteiger, Sami Khedira ou Philippe Lahm ont eu eux aussi à assumer des statuts de leaders au fil des années."
Il ne faudra peut-être pas tout de suite en attendre tant des trois petits nouveaux : Lukas Klostermann, latéral du RB Leipzig, Maximilian Eggenstein, milieu offensif du Werder, et Niklas Stark, défenseur du Hertha. Les deux premiers cités bénéficient du soutien de Stefan Kuntz, sélectionneur des U21, avec lequel ils ont convaincu. Löw attend d'eux qu'ils franchissent cet ultime palier, les convie pour pouvoir se faire une impression plus précise de ce dont ils sont capables. Quant à Niklas Stark, "il est en très bonne forme, et il a gagné deux titres en équipe nationale de jeunes", argumente le sélectionneur. Quant à Marcel Halstenberg, qui a goûté à la sélection avant le Mondial, il a "retrouvé un bon rythme" après une longue absence et profite, comme Klostermann, de la solide seconde partie de saison du RB, impressionnant depuis Noël avec une seule défaite (le 19 janvier face à Dortmund). Löw ne veut pas que ces valeurs attendent le nombre des années. L'investissement est osé !
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