Stoke City, hors du temps

Stoke City est un anachronisme. Sympathique, mais un anachronisme quand même. Septièmes de Premier League, les Potters sont une survivance d'un passé pas si lointain. Un passé où le football britannique avait une identité propre, où les Latins n'avaient pas encore - ou très peu - traversé la Manche et importé leurs joueurs, leurs techniciens et leur façon de faire. En 2011, alors que la "britannicité" n'est plus synonyme de réussite, Stoke City défie le temps.

Samedi dernier, les Potters ont été les premiers à freiner Manchester United (1-1). Au Britannia Stadium, dans l'une des enceintes les plus bruyantes du Royaume, la bande de Tony Pulis a fait passer un sale quart d'heure à celle de Sir Alex Ferguson. La recette ? Elle est simple. Stoke City fait avec les moyens du bord et appuie là où ça fait mal, par un savant mélange de football physique et de jeu long. Des fois, c'est trop. Aaron Ramsey (Arsenal), victime de Ryan Shawcross en février 2010, pourrait en témoigner. Souvent, c'est dans l'esprit. Et les adversaires du club de Stoke-on-Trent détestent ça.

Virils, les joueurs de Pulis le sont. Malin, le manager de Stoke City l'est également. Surtout, Tony Pulis est un formidable révélateur de talents, doublé d'un motivateur hors pair. Car si Stoke City est aujourd'hui l'une des places fortes de la Premier League et un club qui pourrait se frayer un chemin en Europa League, c'est avant tout grâce à son manager, lui aussi hors du temps et à des milliers d'années-lumière de la classe vestimentaire d'un André Villas Boas. Avec des moyens limités, le Gallois tire la quintessence de son groupe et du deuxième club le plus vieux d’Angleterre (et probablement du monde). Comment ? Par le travail. Toujours et encore le travail.

Peter Crouch, qui a signé pour les Potters cet été, peut confirmer. Passé par quelques écuries de Premier League (Tottenham, QPR, Portsmouth, Aston Villa, Norwich, Southampton, Liverpool), le géant n'a jamais autant trimé que depuis qu'il évolue sous le maillot rouge et blanc de Stoke, club où ont officié Stanley Matthews ou Gordon Banks. "Quand j'ai signé, il (Tony Pulis) m'a dit que j'aurais à travailler dur. C'est ce qu'il attend en priorité", explique l'international anglais. "Je pense que c'est pour cela que l'on a ces résultats et que l'on a accroché Manchester United."

Comme les autres visiteurs de Stoke, les Red Devils ont été saoulés samedi dernier de centres made in Jermaine Pennant, de coups de tête de Peter Crouch et, surtout, de la spécialité locale : la longue touche signée Rory Delap. Ce n'est plus un secret pour personne. Pourtant, c'est toujours aussi efficace. Delap, ancien lanceur de javelot, réussit des remises en jeu qui s'apparentent à des coups de pied arrêtés. Trajectoire tendue, vitesse maximale, les lancers du milieu irlandais sont des ogives qui peuvent partir des 40 mètres et qui rapportent un paquet de buts aux Potters, régalant Peter Crouch ou autre Robert Huth. Durant les matches, il arrive même que Delap touche plus le ballon avec ses mains qu’avec ses pieds, renvoyant inlassablement le danger dans la surface adverse. Lorsqu'il dirigeait Chelsea, interrogé sur le sujet Delap, Luiz Felipe Scolari avait eu ces mots : "Ce n'est peut-être pas du beau football. Mais c'est efficace." Cela pourrait être la devise de Stoke City.