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Euro 2016 : L'incroyable trajectoire de Dele Alli, ce cadeau du ciel pour l'Angleterre

Philippe Auclair

Publié 28/01/2016 à 23:41 GMT+1

PREMIER LEAGUE – A seulement 19 ans, Dele Alli s'est imposé à Tottenham et commence à s'installer en équipe d'Angleterre. Gros plan sur ce jeune milieu prometteur au parcours atypique, en forme de bouffée d'oxygène pour le football anglais.

Dele Alli, le milieu de Tottenham

Crédit: Panoramic

Le but de l’année? A tout le moins celui du week-end. Vous l’aurez tous vu, et revu. En Angleterre, on le passe en boucle, tout au bonheur d’avoir déniché un gamin qui puisse faire ça. Ça, un petit chef d’oeuvre à ajouter à une liste dont Dele Alli écrivit la première ligne alors qu’il avait un peu plus de seize ans.
Celui-là était une mine dans la lucarne pour son club formateur, les MK Dons, pas si différente que cela de celle qui laissa Hugo Lloris cloué sur place à Wembley quelques jours après l’horreur du Bataclan. Sacrée façon de se signaler dès sa première sélection. Comment voudriez-vous que les appels au calme de Roy Hodgson et de Mauricio Pochettino soient respectés par les médias lorsqu’il crève les yeux qu'Alli est The real thing? Qu’il n’est pas un feu de paille, mais un feu de joie?
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Le but de Dele Alli face à la France

Crédit: Panoramic

L’Angleterre du football a, depuis un demi-siècle au moins, une sorte de complexe messianique. Elle continue de vivre dans l’attente d’un sauveur qui ressemble au héros de bande dessinée Roy Race, qui, chaque semaine, accomplissait des prodiges pour ses ‘Melchester Rovers’. Et aucun joueur anglais n’a davantage ressemblé à Roy Race que Steven Gerrard, l’homme des buts du bout du monde, contre Olympiakos, West Ham, Milan et qui, comme par hasard, est celui sur lequel Dele Alli modela son jeu.

Adopté à 14 ans

Le gamin né et élevé à Milton Keynes était obsédé par le capitaine des Reds, au point de changer de chaussures aussitôt que son héros avait adopté un nouveau modèle, ce qui n’était pas chose facile quand on sait que son père – nigérian – avait abandonné la famille pour refaire sa vie au Texas, et que sa mère – anglaise -, alcoolique, décida de faire adopter son fils quand il avait quatorze ans, ce qui s’avéra un choix d’une grande sagesse au bout du compte: ce n’était pas le geste d’une femme égoïste, mais un sacrifice dont elle était la première victime.
Alli fut recueilli par les parents de l’un de ses coéquipiers des MK Dons, Harry Hickford, et s’épanouit dans son nouvel environnement, ballon au pied ou plume à la main, puisqu’il quitta l’école avec neuf GCSE – brevets d’excellence de l’éducation secondaire britannique - , tous acquis avec des notes au-dessus de la moyenne. C’est aussi pour cela que l’on croit en lui.
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Dele Alli marque face à Southampton

Crédit: AFP

A une enfance dure, parfois violente, vécue dans la rue, a succédé une adolescence harmonieuse. De la première, il a conservé une leçon: l’obligation de se défendre pour survivre; Alli est de ces joueurs qui “savent prendre soin d’eux-mêmes sur le terrain”, a relevé un de ses grands admirateurs, l’ancien Gunner Ian Wright. La seconde lui a permis d’apprendre à contrôler son agressivité, même si on dénombre autant de cartons jaunes – six – que de buts inscrits dans son bilan de Premier League à ce jour.

Un titulaire en puissance pour la sélection

Joueur au profil on ne peut plus moderne (mobilité, technique, versatilité, adaptabilité, vitesse), il rappelle aussi des "midfielders" d’un autre temps, Bryan Robson en particulier: box to box, impitoyable dans les duels, récupérateur, créateur et finisseur. Le but marqué contre Crystal Palace montrait qu’il avait le culot et l’imagination nécessaires pour tenter un improbable enchaînement de gestes, et la finesse technique pour le concrétiser. Mais il vaudrait mieux se reporter au match qu’il avait livré contre Manchester City à White Hart Lane (4-1) pour se faire une idée plus complète de son jeu. Cette après-midi-là, il avait mis Yaya Touré sous l’éteignoir. A dix-neuf ans.
Après ça, étonnez-vous que l’Angleterre se soit trouvé un nouveau chouchou. Oui, l’Angleterre, pas le Nigéria, encore que l’ancien du Crazy Gang de Wimbledon John Fashanu ait tenté de convaincre l’adolescent de rejoindre les Super Eagles. No chance. Son choix était fait depuis longtemps. Et celui de Roy Hodgson doit l’être aussi. On est passé de la question: ‘Dele Alli doit-il aller à l’Euro’, à celle-ci ‘doit-il être titulaire?’ Il y a un mois environ, le Daily Mirror avait posé la première à ses lecteurs, qui avaient répondu ‘yes’ à 96%. Aujourd’hui, la seconde attirerait sans doute un pourcentage presque aussi favorable.
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Dele" Alli (Angleterre) après son but face à la France à Wembley

Crédit: Panoramic

Dire qu’il y a un an, Tottenham payait l’équivalent de 6,5 millions d'euros aux MK Dons pour l’international Espoirs, contrat de cinq ans et demi à la clé. Un contrat qui a été prolongé jusqu’en 2021 il y a deux semaines, revalorisation salariale à la clé: le "jeune de l’année" de League One (D3) empoche aujourd’hui 1,7 million d'euros bruts par an. Et attendez-vous à ce qu’il prolonge à nouveau avant que la saison soit achevée. On est malin, du côté des Spurs, qui avaient su coiffer Newcastle et Aston Villa dans la chasse au prodige…

Il a redonné de l'intérêt à la League One

L’explosion d’Alli n’est pas qu’une excellente nouvelle pour l’Angleterre, qui emmènera à l’Euro l’une des sélections les plus jeunes de la compétition (si ce n’est la plus jeune tout court), mais pour le football anglais dans sa globalité. Voilà longtemps que les recruteurs des clubs de Premiership avaient détourné leurs yeux des divisions inférieures de la League pour porter leur regard au-delà des frontières. L’ascension si spectaculaire du joueur des MK Dons a – de l’aveu de plusieurs agents auxquels j’ai parlé – changé la donne en l’espace de quelques mois.
Des scouts qu’on ne voyait jamais sur quelque terrain de League One que ce soit demandent maintenant des ‘passes’ pour aller voir jouer James Maddison, le meneur de jeu de 19 ans de Coventry City. Sam Byram, un autre adolescent, vient de quitter Leeds United (D2) pour rejoindre West Ham, pour qui il a déjà fait des débuts parfaitement réussis, contre Manchester City (2-2), le week-end dernier. Arsenal serait prêt à payer près de 8 millions d'euros pour l’attaquant de Charlton Athletic Ademola Lookman (18 ans).
Je pourrais continuer longtemps ainsi. C’est comme si la réussite d’Alli avait fait prendre conscience aux clubs de l’élite que les pépites qu’ils allaient prospecter ailleurs étaient peut-être là, à portée de leurs mains. Même s’il est improbable que celles qu’ils dénicheront soient aussi brillantes que la merveille pêchée par Tottenham à Milton Keynes.
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