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Grands clubs anglais cherchent capitaines

Bruno Constant

Mis à jour 20/04/2017 à 08:32 GMT+2

Ils portent le brassard de Chelsea, Manchester United, City ou Arsenal mais passent leur temps sur le banc de touche. Autre facteur de la difficulté des clubs anglais sur la scène européenne ?

Wayne Rooney

Crédit: Getty Images

"Ohé ohé capitaines abandonnés !" : si on m’avait dit un jour que je débuterais un article (ou une chronique) sur l’air du célèbre titre de Gold dont seuls les moins jeunes se souviennent… On est loin du flow de Booba ou Maître Gims mais je vous assure, dans les années 80, c’était un hit. Le temps a passé, beaucoup de choses ont changé, en musique comme en football où les clubs anglais ont étrenné des capitaines légendaires, emblématiques des maillots qu’ils portaient : Tony Adams, Patrick Vieira, Thierry Henry à Arsenal, Kenny Dalglish, Ian Rush, Steven Gerrard à Liverpool ou encore Denis Law, Bobby Charlton, Eric Cantona, Roy Keane à Manchester United. Des monuments, malheureusement en voie d’extinction…
Cette semaine comme la précédente, les quarts de finale de la Ligue des Champions font une nouvelle fois la part belle aux clubs "historiques" : Real Madrid, Juventus Turin, Bayern Munich, Barcelone… Un rendez-vous que manquent de plus en plus souvent les clubs anglais, hormis Leicester, invité surprise cette année. C’est évidemment l’échec d’Arsenal et Manchester City cette saison, mais aussi de Chelsea, Manchester United et Liverpool depuis quatre ans.
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FC Bayern vs Real Madrid - Jerome Boateng

Crédit: Getty Images

J’ai déjà abordé, dans cette chronique, quelques pistes expliquant ces difficultés. Mais, quand on y regarde de plus près, il y a une autre différence notable entre les forces en présence d’aujourd’hui - les "historiques" auxquels on peut ajouter l’Atletico Madrid et Dortmund - et les grands clubs anglais d’hier (Arsenal, Chelsea, Liverpool et les deux Manchester, Tottenham étant davantage une force émergente). Indices : c’est lui qui mène son équipe sur la pelouse, soulève les trophées et porte un morceau de tissu autour du bras gauche, de préférence. Le capitaine. Il est à la fois le porte-parole de l’équipe, le relais de l’entraîneur, un personnage important, sur le terrain comme en dehors, et notamment dans le vestiaire.

Que serait le Real sans Ramos ou la Juve sans Buffon ?

Les grands clubs existent à travers une histoire, une tradition mais également grâce aux hommes qui les représentent jusque dans leur chair. Au-delà de la romance que leur image entretient parfois - je pense à Totti à la Roma -, le capitaine incarne l’identité, la tradition et les valeurs du club, et parfois même la philosophie de jeu (Xavi et Iniesta à Barcelone).
Il est difficile de ne pas imaginer que le Real Madrid ne serait pas tout à fait aussi dominant sans Sergio Ramos, que la Juve aura bien du mal à remplacer Gianluigi Buffon, dans le but comme dans le vestiaire, ou de comprendre les regrets des dirigeants du Bayern Munich suite à l’annonce de la retraite de Philipp Lahm, à seulement 33 ans, même si Manuel Neuer sera sans doute un digne héritier. A Barcelone, on passe bien plus qu’un témoin, bien plus qu’un bout de tissu, de Cruyff à Guardiola, de Puyol à Xavi… Mais la transmission, qui semblait éternelle, s’inquiète de l’après Iniesta. Et il y a de quoi.
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Xavi et Iniesta

Crédit: AFP

On le sait car on a vu les dégâts causés par la fin de la dynastie Maldini à l’AC Milan. Le club sept fois vainqueur de la Ligue des Champions, qui a vendu son âme aux Chinois, n’a atteint les quarts de finale qu’à seule reprise depuis la retraite de son plus bel Apollon, Paolo (en 2009). Et on a beau aimer le Liverpool de Jürgen Klopp, les Reds ont perdu le scouse accent depuis qu’Anfield a laissé partir son enfant chéri, Steven Gerrard (en 2015). C’est là tout le symbole de la force du Real, de la Juve, du Bayern, du Barça voire de l’Atletico avec Gabi, de retour en 2011 au club qui l’a formé, et l’une des faiblesses des clubs anglais au leadership disparu.
Qu’ont en commun Arsenal, Chelsea, Manchester United et City ? Leurs capitaines respectifs ont tous perdu leur place au sein de leur équipe qu’ils sont censés guider. Incroyable, non ? A eux quatre, Mertesacker, Terry, Rooney et Kompany n’ont débuté que… 34 rencontres cette saison ! Lorsque j’égrenais les hommes ayant porté le brassard de Manchester United, il m’était difficile d’imaginer l’étoffe glisser du bras de Charlton et "Canto" à… Fellaini dont le jeu comme la nomination lors de la rencontre à Sunderland (3-0) a provoqué moqueries et consternations.
"Comment MU a-t-il pu descendre aussi bas ?" La vérité c’est que le capitaine des Red Devils - Wayne Rooney - a perdu sa place autant que son influence dans une équipe portée par Ibrahimovic tandis que Carrick sent passer les années et Smalling cumulent blessures et mauvaises performances. De Brian Robson à Steve Bruce, d’Eric Cantona à Roy Keane, de Gary Neville à Nemanja Vidic, Alex Ferguson a bâti ses succès grâce à des hommes forts, tantôt leaders tantôt catalyseurs. Des hommes de base qui empêchaient le bateau de tanguer. Un navire que s’apprête à quitter Rooney…
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Wayne Rooney et Luke Shaw

Crédit: AFP

Depuis 2013, Arsenal est guidé par un capitaine fantôme

Le problème est le même à Manchester City, sans réel leader et où les difficultés défensives s’expliquent autant par la pauvreté d’Otamendi que par l’absence de Vincent Kompany, son meilleur défenseur et patron de son vestiaire. Mais le Belge n’a débuté que sept rencontres cette saison et vingt lors de la précédente.
La situation est pire encore à Arsenal. Qui est le capitaine des Gunners cette saison ? Koscielny ? Perdu. Mertesacker. Nombre d’apparitions cette saison ? Zéro. C’est d’ailleurs une constante assez troublante chez les Londoniens. L’Allemand a hérité du brassard, l’été dernier, d’Arteta, parti assister Guardiola à City dans la foulée de sa retraite après une dernière saison blanche ou presque chez les Gunners : deux titularisations ! Et seulement dix lors de la précédente. Arteta avait lui-même succédé en 2014 à… Vermaelen, transféré au FC Barcelone après avoir perdu sa place dans l’équipe, mais pas son brassard. Symptomatique du manque de leadership tant décrié à Arsenal.
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Per Mertesacker

Crédit: AFP

Depuis quatre saisons, Arsenal est donc guidé par un capitaine fantôme, dont la contestation du statut sur le terrain altère inévitablement son influence dans le vestiaire. C’est un cercle vicieux qu’a connu Marcel Desailly à l’Euro 2004 qu’il a fini sur le banc, et qui a poussé Steven Gerrard à quitter Liverpool. Quelques mois plus tard, le capitaine des Reds avait expliqué combien il lui était difficile de supporter sa dernière saison où il était devenu un joker de luxe sur le banc des Reds comme de peser dans un vestiaire où vous vous sentez inutile. Celui qui se pensait trop jeune quand il avait reçu la responsabilité des mains de Gérard Houllier à seulement 23 ans était devenu trop vieux.

Quid de Chelsea ?

C’est un problème qui pend au nez de Chelsea. Antonio Conte avait beau souligner l’importance de John Terry dans le vestiaire et la saison des Blues, le départ du capitaine historique (718 matches, 578 avec le brassard), balloté du terrain au banc au gré des entraineurs qui se sont succédés (Benitez, Mourinho, Hiddink, Conte), était devenu inéluctable. Désormais officialisé, il rappelle que Chelsea a perdu ses quatre fantastiques (Lampard, Cech, Drogba puis Terry) en l’espace de trois ans.
A travers les départs, passé (Gerrard), annoncé (Terry) et probable (Rooney), de leurs capitaines respectifs, Liverpool, Chelsea et Manchester United ont amorcé la fin d’une dynastie. Symbole d’un passage de témoin raté et d’une formation en berne d’où aurait pu (dû ?) émerger la relève. A Arsenal, on ne comprend toujours pas la prolongation de contrat d’un capitaine (Mertesacker) qui ne joue plus tandis qu’à Manchester City, la fin de saison de Kompany conditionnera son avenir dans le projet de Guardiola. Dans un cas comme dans l’autre, l’incertitude entourant le capitanat a fragilisé l’équipe et symbolise presque à elle seule les difficultés des clubs anglais sur la scène européenne.
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1 et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
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