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Premier League : Tottenham, l’avenir du football anglais

Bruno Constant

Mis à jour 05/05/2017 à 16:22 GMT+2

PREMIER LEAGUE - A l’heure où Arsenal s’enlise dans une politique désastreuse, une nouvelle force émergente grandit dans le nord de Londres. Jeune, dynamique, anglaise, mais pas que, et guidée par un entraineur brillant. Mon équipe coup de cœur cette saison.

Dele Alli (Tottenham)

Crédit: Getty Images

Si vous n’avez pas encore eu le plaisir d’assister à un match de Tottenham à White Hart Lane, dépêchez-vous ! Il ne vous reste qu’une seule chance, le 14 mai face à Manchester United. Certes, ça s’annonce compliqué car il s’agit du dernier match des Spurs dans leur antre avant démolition et les sésames se vendront très cher sous le manteau aux abords du stade. Mais, croyez-moi, ça vaut le détour !
Prenez le train jusqu’à l’arrêt White Hart Lane, ou encore mieux, la Victoria Line jusqu’à la station Seven Sisters dont la rue du même nom – la rue des "Sept Sœurs" – longue de 3 kilomètres mène jusqu’à… Highbury ! Profitez-en pour remonter High Road au milieu du flot de maillots blanc et bleu qui se rendent au stade à pied, une vingtaine de minutes. Personne ne vous dira que c’est le plus bel endroit de Londres mais vous vous imprégnerez de ce qui fait le quartier de White Hart Lane.
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White Hart Lane sera détruit pour laisser place à un nouveau stade.

Crédit: Getty Images

White Hart Lane, dernier vestige des stades londoniens

Cet écrin de 36 000 places – un peu moins depuis l’entame des travaux du nouveau stade – est le plus chaud de Londres. Mais surtout le dernier vestige d’un monde ruiné par l’hégémonie du capitalisme et du profit, qui tuent à petit feu l’essence même de ce qui faisait le parfum enivrant des stades anglais : son architecture rectangulaire, à défaut des quatre tribunes, et ses sièges à quelques mètres de la pelouse.
Le paradis des journalistes qui couvrent la Premier League ! Non pas pour ses sièges rabattables serrés en rangs d’oignon qui vous empêchent de taper sur votre ordinateur sans jouer des coudes avec vos voisins, mais pour sa proximité du terrain, le nez sur la pelouse. Ce n’est pas à proprement parler la meilleure vue pour analyser le jeu mais vous pouvez sentir les débats, voir la vitesse réelle du jeu, entendre les joueurs et les entraineurs. Un bonheur rare alors que les nouvelles enceintes vous invitent à prendre l’ascenseur pour gravir les étages, perchés tout là haut, d’où est écrasée toute la dimension humaine du football. Après Highbury, Upton Park et bientôt Stamford Bridge, the Lane, comme on le surnomme, est amené à disparaître cet été.
Comme Thierry Henry à Highbury, Harry Kane emportera sans doute un carré de pelouse chez lui en souvenir du bon vieux temps tandis que les season tickets – les abonnés - auront, eux, l’occasion d’emporter leur siège en plastique. Chacun gardera en mémoire ses plus beaux souvenirs. Les buts de Jimmy Greaves ou Ossie Ardiles pour les plus anciens, les facéties de Paul Gascoigne ou les débordements de David Ginola pour les moins jeunes et où les nouveaux héros s’appellent Harry Kane, Dele Alli, Christian Eriksen et Hugo Lloris.
Mais White Hart Lane restera à jamais le théâtre de ces derbies enjoués face à l’ennemi historique, Arsenal. Certains supporters restent encore marqués par les deux titres remportés sur leurs propres terres par les Gunners en 1971 et 2004. Et il est difficile d’évoquer l’affrontement sans mentionner le derby de 2001 marqué le retour de Sol Campbell. Quelques semaines après avoir annoncé qu’il restait à Tottenham, le capitaine des Spurs, en fin de contrat, avait rejoint l’ennemi juré ! Le bus d’Arsenal avait été caillassé à son arrivée sur High Road et le défenseur anglais avait été accueilli par des centaines de ballons et pancartes portant l’inscription "Judas" dans l’une des ambiances les plus hostiles qu’un stade anglais ait connu.
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White Hart Lane en travaux.

Crédit: Getty Images

Une page s'ouvre à Tottenham et se ferme à Arsenal

D’autres se souviendront du dernier "NLD" (North London Derby, le derby du nord de Londres) de l’histoire à White Hart Lane, dimanche, et ce succès de Tottenham (2-0). Pour la première fois depuis 1995, les Spurs ont mis fin au Totteringham’s Day, le jour où les Gunners sont assurés de terminer devant eux au classement.
C’est peut-être anecdotique et accidentel après vingt ans de règne d’Arsenal sous l’ère Wenger, mais ce pourrait être aussi le tournant dans la trajectoire de ces deux clubs, entre la naissance de quelque chose d’un côté et la fin pénible de l’autre. Entre l’émergence d’une force nouvelle et le déclin de l’ancienne.
Dans ce match, Tottenham a une nouvelle fois montré tout ce que n’est plus Arsenal : une équipe solidaire, solide, courageuse, combative, organisée, structurée, où les efforts sont l’œuvre de tous, contrairement à une équipe d’Arsenal rapidement coupée en deux, entre des joueurs offensifs peu concernés et une défense trop exposée.
Cette équipe a un vrai projet de jeu, offensif, agressif, qui illustre la dévotion de ses joueurs dans l’identité mise en place par son entraîneur, Mauricio Pochettino, depuis maintenant trois saisons. Et le contraste avec la déliquescence de l’empire Wenger est saisissant. Je pousserais même le bouchon un peu loin en osant affirmer que, cette saison, les Spurs sont l’équipe anglaise la plus enthousiasmante à regarder.
Les chiffres sont là : Tottenham possède la meilleure défense, la deuxième meilleure attaque (à 1 but de Chelsea), le deuxième buteur (Kane), le deuxième meilleur passeur (Eriksen) et reste sur neuf victoires consécutives et treize à domicile !

La plus jeune formation de Premier League

Comme souvent avant les grands derbies anglais, la BBC proposait sur son site internet de composer son onze combiné des deux équipes. Je me suis prêté au jeu et, en dehors d’Alexis Sanchez, je n’ai pu sauver que Koscielny dans le XI de Tottenham cette saison, par patriotisme sans doute, alors que Vertonghen mérite tout autant.
Car l’équipe de Pochettino est forte dans toutes ses lignes : de Lloris, son gardien et capitaine, à Kane, son buteur. Derrière l’attaquant anglais, Alli (17 buts, 5 passes) et Eriksen (8 buts, 12 passes) ont pris une nouvelle dimension tandis que Son s’est révélé être un précieux joker (12 buts, 4 passes). Au milieu, Tottenham dispose ce qui se fait de mieux en Angleterre (derrière Kante) avec Dembele, Wanyama et Dier.
En défense, les Spurs possèdent sans doute la meilleure charnière (Alderweireld-Vertonghen), dont l’absence dans le onze PFA discrédite clairement le vote. Enfin, sur les côtés, Walker et Rose ont rapidement été promus meilleurs latéraux de Premier League, encore que Marcos Alonso, Moses et Valencia réalisent une excellente saison.
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Les joueurs de Tottenham durant le derby contre Arsenal.

Crédit: Getty Images

Et il est presque incroyable que la trajectoire des Londoniens ait été si peu affectée par l’absence de ces derniers, remplacés au pied levé par Trippier et Davies. Si l’absence de Rose est due à un genou récalcitrant, celle de Walker témoigne davantage d’une baisse de confiance. Le joueur aurait, dit-on, la tête ailleurs, sans doute séduit par l’intérêt que lui porte Guardiola à Manchester City. Daniel Levy, son président, ne serait pas fermé à un départ, contre un bon prix évidemment, d’autant que Trippier est peut-être meilleur encore.
La plus jeune formation de Premier League (25 ans et 266 jours au 25 janvier 2017) a donc un bel avenir devant elle, à l’image de son jeune entraineur (45 ans), sollicité de toutes parts depuis deux ans (MU, Barcelone, PSG…). On peut compter sur Levy pour protéger ce trésor. En dehors de Walker, donc, aucun cadre ne devrait bouger mais il lui faudra se renforcer : un deuxième attaquant (après l’échec Janssen), un milieu offensif et un défenseur axial d’expérience en couverture.

Les craintes du déménagement à Wembley

Certains, ici, rappelleront, à juste titre, que le club londonien n’a remporté qu’un seul trophée en 18 ans (la Coupe de la Ligue en 2008) et que son dernier sacre date de 1961. D’autres diront que Tottenham doit d’abord confirmer sur la scène européenne et ils ont raison. Il n’y a pas de grand club sans régularité au plus haut niveau et sans titre majeur.
C’est le bilan du parcours européen désastreux cette saison : élimination dès les poules en Ligue des Champions et dès les seizièmes de finale en Ligue Europa. Néanmoins, il ne faudrait pas oublier l’épopée 2010-2011 qui avait balayé les deux Milan : d’abord l’Inter (3-4, 3-1), champion d’Europe en titre, d’Eto’o, Zanetti, Sneijder, Lucio… point d’orgue de l’explosion de Gareth Bale qui signifia la fin de carrière de Maicon ; puis l’AC Milan (1-0, 0-0) de Thiago Silva, Ibrahimovic, Seedorf, Pato…
Il faudra simplement espérer que le déménagement confirmé du club à Wembley la saison prochaine ne brisera pas la montée en puissance de son équipe. Loin de ses bases, loin de son quartier de White Hart Lane, loin de ses racines.
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Dele Alli avec Heung-min Son (Tottenham)

Crédit: Getty Images

Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1 et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, retrouvez dès ce mardi mon Podcast 100% foot anglais sur l'actualité de la Premier League et du football britannique
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