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Hazard et le paradoxe d’Eden

Bruno Constant

Mis à jour 25/02/2018 à 11:55 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Si l’immense talent du meneur de jeu belge de Chelsea fait l’unanimité, ce dernier peine encore à le démontrer dans les grands rendez-vous comme face à Barcelone, mardi, et avant d’affronter MU, ce dimanche.

Eden Hazard has been dropped

Crédit: Getty Images

Je ne sais pas vous mais la performance d’Eden Hazard face au Barça m’a laissé un peu sur ma faim. Une nouvelle fois, j’aurais même envie de dire. Si Chelsea a réalisé le match (presque) parfait – la faute à une mauvaise relance de Christensen – en appliquant à la lettre le plan établi par Antonio Conte, sa pépite belge n’a pas totalement répondu présent au rendez-vous. L’excuse de son poste, en faux neuf, n’en est pas une puisque les trois de devant (Pedro et surtout Willian à ses côtés) étaient assez libres de leurs mouvements.
Or, ce Chelsea - Barça, qui plus est face à Lionel Messi, était une rencontre importante pour Hazard qui n’avait pas encore eu l’occasion de démontrer son immense talent face aux grosses cylindrées européennes (Real Madrid, Barcelone, Bayern) ni se mesurer directement aux autres stars mondiales (Ronaldo, Messi, Neymar).

Willian lui vole la vedette, Messi lui montre ce qu’est un grand joueur

Depuis son arrivée à Chelsea en 2012, Hazard a affronté trois fois le PSG, un adversaire qu’il connait et a rencontré à de nombreuses reprises avec le LOSC, et l’Atletico Madrid, en demi-finale en 2014. Et encore. Il avait manqué le match aller sur blessure et ne semblait pas totalement remis lors du retour à Stamford Bridge (1-3) où son erreur d’inattention sur l’égalisation espagnole juste avant la pause, en laissant partir Juanfran dans son dos, avait relancé les Madrilènes et plombé sa formation.
Cette rencontre face au Barça et Messi était donc l’occasion pour lui de justifier une bonne fois pour toutes l’immense talent qu’on lui prête depuis ses 17 ans et une manière pour nous, observateurs et spectateurs, de voir s’il appartient réellement à la cour des très grands. Raté ! C’est Willian, buteur après avoir touché deux fois les montants, qui lui a volé la vedette et Messi, bien sûr. Hazard n’a pas été mauvais, loin de là, mais il n’a pas suffisamment pesé sur le jeu de Chelsea en dehors de sa passe décisive pour Willian qu’il doit surtout au talent du Brésilien pour effacer Busquets et contourner Rakitic avec sa frappe.
Tous les observateurs – journalistes, anciens joueurs et entraineurs – sont d’accord pour dire que Hazard est un joueur magnifique, par son aisance technique, ses dribbles, ses décalages en une touche, ses gestes de grande classe. Il est "l’un des tout meilleurs en Europe", selon Carragher, "parce qu’il voit avant les autres", dixit Henry, tandis que Zola, à qui le Belge est souvent comparé à Chelsea, "paierait pour le voir jouer". Mais les grands joueurs sont aussi ceux qui font la différence dans les grands matches. A l’image de Lionel Messi à Stamford Bridge. Si le Barça s’est montré peu dangereux, c’est l’Argentin qui a offert la première occasion dangereuse à son équipe d’un coup de patte magique en trouvant Paulinho dans la surface. Et c’est encore lui qui a planté le but si important à l’extérieur (1-1). C’est ça un grand joueur : être décisif. Et Hazard ne l’est pas assez.
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Eden Hazard FC Chelsea

Crédit: Getty Images

Un maigre bilan face aux gros

Il suffit de regarder ses statistiques individuelles depuis son arrivée en Premier League. Cette saison, Hazard a été directement impliqué sur treize buts (11 buts + 2 passes décisives). A poste comparable, c’est très loin de Salah (22+7), Sterling (15+6), Sané (7+10), moins bien que Mahrez (8+7) et autant que Martial (9+4), qui a pourtant moins joué, et Coutinho (7+6), parti de Liverpool cet hiver. On pourrait ajouter De Bruyne (7+14) qui joue pourtant plus bas à City. Bien sûr, ces chiffres ne disent pas tout. Ils ne révèlent pas tout le travail balle au pied du Belge, sa capacité à effectuer les décalages, à attirer les défenseurs pour libérer des espaces pour ses coéquipiers et les fautes subies (il est le cinquième en PL avec 2,4 par match). Mais, lui même le reconnaît, il doit "marquer davantage".
Fantastique, Hazard le fut contre West Bromwich (doublé, 3-0), à Newcastle (passeur, 3-0) ou encore à Brighton (doublé, 4-0). Mais le nom des adversaires vous donne déjà une idée du problème. Dans les matches importants, ceux qui comptent, le Belge a davantage de mal à faire la différence. Ses statistiques face aux autres formations du Top 6 en Premier League en témoignent : 16 buts et 4 passes décisives en 53 rencontres dont un tiers de ses réalisations lors de la seule saison 2016-2017. C’est trop peu.
C’est également vrai en Ligue des champions lors des rencontres à élimination directe, celles qui font basculer le destin d’une équipe, avec seulement deux buts et une passe en dix matches avec les Blues. C’est aussi ce qui m’a poussé à tweeter que Hazard ne fait pas partie du Top 10 mondial (derrière Ronaldo, Messi, Neymar, De Bruyne, Kane, Salah, Modric, Cavani, Agüero, Isco, Lewandowski et en attendant Mbappé). Or, Hazard a déjà 27 ans. Il n’est pas trop tard, mais il ne faudrait pas trop tarder.
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Eden Hazard gegen Atlético Madrid

Crédit: Getty Images

Victime du profil défensif de Chelsea ?

A sa décharge, depuis son arrivée à Chelsea, Hazard s’est souvent retrouvé dans des équipes défensives, pas toujours – la preuve avec le titre en 2014-2015 qui fut aussi sa meilleure saison sur un plan personnel (14 buts et 9 passes) – mais souvent quand même. Et il arrivera un jour où Hazard en aura marre d’évoluer au sein d’une formation qui passe plus de temps à courir après le ballon et qui lance le plus souvent ses offensives depuis sa moitié de terrain. Le Belge avait déjà critiqué l’approche trop défensive de Mourinho (2014). Celle de Conte n’est pas beaucoup plus avenante même s’il bénéficie davantage de liberté grâce notamment à la défense à trois et les deux joueurs de côté.
Il viendra un jour où Hazard aura envie d’avoir plus souvent le ballon dans les pieds pour créer, provoquer, dribbler, ce qu’il sait faire de mieux. A Chelsea où Conte ne devrait pas faire de vieux os et où les dirigeants semblent prêts à lui offrir un pont d’or (on parle d’un salaire de 16 millions d'euros par an). Ou ailleurs. Hazard n’a pas prolongé (son contrat court jusqu'en 2020) et il ne le fera sans doute pas avant la Coupe du monde. Dans un coin de sa tête, il caresse toujours le rêve de porter le maillot du Real Madrid, qui pense à lui depuis longtemps. C’est surtout vrai de Zinédine Zidane, l’un de ses plus grands admirateurs, mais on ne sait pas ce qu’il adviendra du Français au-delà de cette saison. On sait aussi que le club merengue songe à Neymar pour succéder à Ronaldo. Et, en termes de statistiques pures, il n’y a pas photo entre le Belge et le Brésilien.
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et RFI en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté. Pour approfondir le sujet, écoutez mon Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
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