Toujours placé, jamais vainqueur : Tottenham continue-t-il de progresser ?

C'est l'une des grandes questions du football, du sport en général, et de nombreux domaines professionnels de surcroît : faut-il nécessairement gagner des trophées pour savourer le travail accompli ? Les (grandes) victoires sont-elles indispensables pour valider un chemin et continuer de le suivre ?

S'ils répondaient par la positive, comme s'y attellent régulièrement une majorité d'observateurs du ballon rond, les Spurs de Tottenham ressentiraient certainement moins de joie et nourriraient peut-être moins d'espoirs qu'ils ne le font actuellement.

A l'aube de son dernier match de la saison, dimanche contre Leicester, le club entraîné depuis quatre saisons par Mauricio Pochettino est sur le point de conclure un nouvel exercice sans trophée. Et pour cause, le club londonien fondé en 1882 n'a plus connu ce genre de réussite depuis 2008 et une Coupe de la Ligue anglaise empochée. Sa dernière Cup remonte à 1991 et son dernier titre en championnat (l'un de deux seuls) a été remporté il y a 57 ans (1961).

C'est peu de dire que Tottenham n'est pas réputé outre-Manche pour être un ogre vorace, très loin des clubs historiquement victorieux que sont Manchester United (20 championnats), Liverpool (18) et Arsenal (13), et pas tout proche, non plus, des "nouveaux riches" Chelsea (6) et Manchester City (5).

"Durant les quatre dernières années à Tottenham, nous avons construit une belle équipe, en créant une mentalité de gagnant, disait Pochettino en conférence de presse fin avril. Mais ce n'est toujours pas assez. Tottenham a besoin de plus de temps, avec ou sans moi. Je pense qu'il faut continuer dans ce sens. "

Ce n'est pas une surprise, l'entraîneur argentin préfère savourer la troisième qualification consécutive des siens pour la Ligue des champions que de regretter une nouvelle absence de titre. La question concernant la saison des Spurs se situe d'ailleurs moins autour de cette absence que de leur capacité à franchir ces fameux paliers.

Eu égard à la saison qui vient de s'écouler, il serait aisé de penser que Tottenham a plutôt stagné que progressé. Dauphin de Chelsea l'an passé, après avoir longtemps lutté pour le titre, le club londonien sera au mieux troisième cette saison et ce sans avoir jamais semblé capable de concurrencer Manchester City en Premier League.

A y regarder de plus près, aucune équipe n'y est parvenue (le deuxième Manchester United est à 19 points !) et devancer des équipes comme Liverpool, prochain finaliste de la C1, et Chelsea, champion en titre, n'a rien d'un mince exploit. Par ailleurs, le club a connu une progression évidente sur la scène européenne avec une défaite de justesse face à la Juventus Turin, en huitièmes de finale, quand il avait été sorti dès la phase de poules l'année d'avant.

Au-delà même de ses résultats européens, Tottenham a réussi ce qui lui avait fait défaut en 2016-2017 : hausser son niveau de jeu. C'est ainsi que Christian Eriksen et consorts ont su poser d'énormes problèmes au Borussia Dortmund (deux victoires) et au Real Madrid (une victoire et un nul) en phase de groupes. De même, la troupe de Pochettino a affiché un bien joli visage contre la Juve, malgré l'élimination. Une force de caractère a priori symbolique des progrès de l'équipe mais aussi des ambitions qu'elle peut nourrir.

"Je pense que cette saison est la deuxième meilleure en Premier League depuis 1992", a même avancé Pochettino cette semaine devant la presse. "L'avenir de Tottenham sera brillant, grâce aux nouvelles installations et au nouveau stade", a-t-il poursuivi. L'ancien joueur du PSG et de Bordeaux (2000-2004) fait référence à l'arrivée du "nouveau White Hart Lane", censé être inauguré au plus tard en septembre et qui est attendu comme un atout majeur pour faire passer le club dans une autre dimension.

Bémol, l'édifice aurait coûté la coquette somme d'un milliard d'euros selon la presse anglaise et il pourrait pousser les Spurs à réduire leur effectif selon Arsène Wenger. "Aujourd’hui, combien peuvent-ils vendre Harry Kane ? Peut-être une centaine de millions. Comme ça ils auront plus de ressources, a lâché le technicien français devant la presse. Ils devront sûrement en arriver là." Un discours plutôt à l'opposé de celui d'Harry Kane himself. "C'est une grande attraction. Il va y avoir un super nouveau stade et on peut avoir une super équipe", imagine l'attaquant anglais, lequel espère voir les siens "faire quelque chose de grand l'année prochaine et gagner des trophées." Le prochain mercato estival aidera sûrement à y voir plus clair.