Premier League - Liverpool, champion d'Europe du fair-play

PREMIER LEAGUE - Auteur d'une saison qui frôle la perfection, le Liverpool de Jürgen Klopp est aussi l'une des équipes qui commet le moins de fautes en Europe. Cela renforce encore plus le bilan des Reds.

Mohamed Salah of Liverpool celebrates with Sadio Mane

Crédit: Getty Images

Il y a deux semaines, j'évoquais ici même ma frustration (une frustration partagée par beaucoup, au vu des réponses qui me sont parvenues) de voir le football souffrir de plus en plus des pourrisseurs de jeu, joueurs et techniciens pour qui les 'fautes tactiques' sont devenus un élément fondamental du contrôle d'une rencontre, au détriment du spectacle, mais aussi de l'équité sportive, en ce que les lois du football ne donnent pas aux arbitres les moyens de punir ces entorses aux lois du jeu - et à son esprit - comme elles devraient l'être.
Je prônais alors l'adoption d'un 'carton noir' emprunté au football gaélique, mais sans me faire d'illusions, évidemment. C'était d'abord une façon de mettre en lumière le manque d'imagination et de réactivité de l'IFAB et de la FIFA face à cette dérive cynique du football, rien de plus.
Mais voici que je découvre une étude statistique tout juste publiée par l'Observatoire du Football CIES, un groupe d'études et de réflexion basé à Neuchâtel, en Suisse, qui m'a redonné espoir dans ce combat a priori perdu d'avance contre l'antijeu. Il semblerait, tous comptes faits, que le 'réalisme' ne soit pas un outil si efficace que cela dans la quête de la victoire, pas au plus haut niveau, en tout cas.
Car, dans cette étude réalisée en se basant sur des données fournies par la société d'analyse de performances sportives InStat, qui trouvait-on au premier rang des équipes les plus fair-play d'Europe, tous championnats confondus ?
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David Luiz expulsé lors de Chelsea-Arsenal à Stamford Bridge

Crédit: Getty Images

Liverpool, voilà qui

Liverpool, le champion d'Europe en titre, le futur champion d'Angleterre, qui éblouit par son panache, son énergie, son goût du combat; son humilité, aussi; et la manière si séduisante dont il a redonné au football une dimension collective qu'on avait pu craindre perdue.
Ce Liverpool conquérant, qui a pris 91 points sur 93 possibles en championnat sur les 31 dernières journées, est aussi l'équipe qui a commis le moins de fautes en 2019-20. Et de loin : 8.14 par 90 minutes en moyenne, soit deux de moins que Manchester City, par exemple. Seuls le club de Superliga danoise Silkeborg IF et Hamburger SV (Bundesliga 2) affichent eux aussi ce qu'on peut considérer un indice objectif du fair-play inférieur à 9.
A titre de comparaison, Barcelone pointe à 10,95, la Juve et l'OM à 13,6, la palme de la négativité revenant au club serbe FK Vojvodina, auteur d'un score assez étonnant de 22,89 fautes par match. Quant on sait que l'avant-dernier du classement est TSC Bačka Topola (21,18), une autre équipe du championnat de première division de Serbie, on peut se demander à quoi exactement ressemble l'ordinaire de la Superliga Srbije.
On doit évidemment ajouter que les referees anglais ont le sifflet moins facile que leurs collègues continentaux, un facteur sur lequel je reviendrai. Mais même en relativisant ces chiffres, Liverpool demeure un exemple éclatant de sportivité. Le Bayern Munich et le Borussia Dortmund, pensionnaires d'un championnat moins souple dans son application des lois, pointent à moins de dix fautes par rencontre, mieux que, par exemple, Manchester City, Manchester United et Arsenal, ce qui montre que les Anglais n'ont certainement pas le monopole de la vertu.
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Jordan Henderson

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Le football de Klopp, c'est celui de la morale

La première réaction doit être de surprise, la seconde d'admiration. De surprise, parce que le jeu si dynamique et si intense (et parfois à la limite du déséquilibre) de Liverpool, avec ses prises de risque dans la transmission du ballon, son pressing haut et son intransigeance dans les duels, devrait logiquement conduire les Reds à franchir la ligne jaune plus souvent que d'autres. Ce n'est pas le cas. Et d'admiration, parce qu'il s'agit là d'une illustration objective de la dimension morale du jeu kloppien, qui mériterait d'être relevée plus fréquemment. Sa générosité est telle qu'il en oublierait presque de tricher. Vous trouvez peut-être que j'en rajoute. C'est possible. Nous en reparlerons dans quelques années de cela, quand on prendra vraiment conscience du privilège que c'était d'avoir vu de nos yeux un football d'une telle qualité, pur jusque dans ses imperfections.
Ces compliments faits, revenons aux faits bruts. Liverpool prouve qu'on peut gagner en étant propre - à tout le moins plus propre que les autres. Son dauphin dans ce classement du fair-play, en Angleterre comme en Europe - Newcastle ! - prouve, lui, qu'on peut se battre pour sa survie, et avec un effectif des plus moyens (je suis généreux), sans pour autant se transformer en démolisseurs du jeu. Honneur à Steve Bruce et à ses joueurs, donc, même s'il y a quelques sérieux 'délinquants' parmi ceux-là, n'est-ce pas JonJo Shelvey et Ciaran Clark ? Haut les coeurs, donc : les cyniques n'ont pas la propriété du jeu ou de la 'gagne'. Si seulement davantage de dirigeants, d'entraîneurs, de commentateurs et de supporters pouvaient en être convaincus ! Ceci m'amène tout naturellement à un post-scriptum qui demandera sans doute développement plus tard, sur le thème de 'l'arbitrage à l'anglaise', qui n'est en rien un mythe.
Comme le relève l'Observatoire du Football CIES, 20,4 fautes ont été sifflées par match en Premier League depuis le début de la saison 2019-20, contre une moyenne de 27,2 dans les trente-cinq championnats européens qui ont été passés à la loupe dans le cadre de cette étude (25,1 en Ligue 1). Temps de jeu effectif plus important, plus de fluidité, davantage de rythme, moins de temps gaspillé à contester les décisions arbitrales - et aussi ce frisson un peu coupable qu'on ressent dans les tribunes quand l'arbitre laisse passer une demi-semelle ou un 50-50 qui était plutôt un 60-40, comme ce fut le cas dans le Chelsea-Arsenal auquel j'ai assisté mardi soir. Un régal, pourquoi le cacher ? Et j'ajouterai : un argument de vente de poids pour ce championnat d'Angleterre où, grâce à Liverpool, le fair-play est une qualité de winner. Qu'on se le dise.
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Jürgen Klopp

Crédit: Getty Images

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