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Rolling Stones, Guy Roux et pizza : Delia Smith, la proprio rock & food de Norwich

Joffrey Pointlane

Mis à jour 27/10/2019 à 17:10 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Si Norwich peut paraître lambda à première vue, le club du Norfolk reste à part par le biais de sa propriétaire, Delia Smith. Seule femme à détenir un club de Premier League, celle qui a fait fortune dans des recettes de cuisine est un personnage atypique et à part dans le monde du football britannique.

Delia Smith, propriétaire de Norwich

Crédit: Getty Images

La scène est un rituel bien connu des fans de Norwich. Et son actrice principale ne souhaite pas en déroger. Surtout, elle témoigne de la passion et de la flamme qui l’animent. C’est que Delia Smith a cette tradition et cette dévotion en elle : ce 14 septembre, juste avant le coup d’envoi face à Manchester City, elle prend le micro et descend sur la pelouse de Carrow Road pour haranguer les fans, parfois avec des termes peu fleuris, histoire de dresser les 27 137 supporters des Canaries comme le douzième homme espéré.
Un discours champêtre qui avait souri à ses joueurs avec la superbe victoire acquise face à l’ogre citizen (3-2). Et il sera de nouveau de sortie face à l’autre Manchester d’Ole Gunnar Solskjaer, que Norwich va affronter ce dimanche dans le cadre de la 10e journée de Premier League (17h30).

Fidélité aux Canaries, célébrité dans la cuisine

La légende raconte que la seule propriétaire d’un club de Premier League se motive au sherry pour effectuer son plaidoyer grandeur nature. Mais Delia ne s’en cache pas : elle est une femme du peuple, considérant les fans de son club comme des proches à part entière, au sein desquels elle aime à se mêler dans les tribunes en déplacement.
A l’issue de la victoire en play-off du Championship en mai 2015 (contre le Middlesbrough d’Aitor Karanka, 2-0), elle n’avait pas hésité à inviter tout son personnel dans une pizzeria, tout en fêtant l’événement au pub, trophée de la finale en main. Gérant son club en femme d’affaires pleine de perspicacité et sagacité, elle n’en reste pas moins une supportrice invétérée, et ce même avant de devenir actionnaire majoritaire dans le Norfolk en 1996. Elle ne rate jamais un match, quitte à revenir en jet privée alors qu’elle est en déplacement ou en vacances pour être à l’heure au coup d’envoi. Elle a surtout tout vécu avec son club de toujours.
Dans The Guardian, elle affirmait se souvenir de sa cuite monumentale après le retour d’un déplacement à Munich qui avait vu s’imposer les Canaries face au Bayern (2-1), validant une qualification pour le troisième tour de la Coupe de l’UEFA 1993-1994. Cet authentique exploit en accompagne d’autres, moins clinquants mais pas moins importants. Notamment celui d’avoir fait de Norwich un club sain financièrement et prospère, à l’opposé dans de celui qu’elle avait repris avec son mari Michael Wynn-Jones, ancien directeur de la rédaction du Daily Mirror.
Sa volonté d’acheter Norwich était connu de tous, et ce cadeau est arrivé alors qu’elle constituait l’allégorie de l’art culinaire britannique. Fille d’un ancien militaire de la Royal Air Force, et après avoir abandonné ses études, elle a enchaîné les petits boulots et les professions diverses dans les années 60 avant de rentrer dans le monde de la cuisine de la petite porte. Plongeuse, serveuse avant de s’installer aux fourneaux. Ses recettes font des merveilles et son mariage avec Michael Wynn-Jones la fait entrer dans la scène médiatique britannique. Les émissions gastronomiques auxquelles elle participe font un carton alors que ses livres se vendent à des millions d’exemplaires dans les années 70 et 80.
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Delia Smith prend la pose pour une pub en 1973

Crédit: Getty Images

Guy Roux, le déjeuner décisif

Curieusement, cette vocation pour l’art culinaire va avoir un impact sur sa façon de diriger les Canaries. C’est surtout une rencontre qui va tout changer. Sa double fonction l’a emmené dans les prairies de Bourgogne, il y a 25 ans, pour se renseigner sur la richesse qui fleurit la région, le fameux chablis, dans le but d’agrémenter ses recettes. Autant que pour superviser un club parmi les premiers acteurs du championnat français, et qui ressemble en tout point au sien. Oui, Guy Roux, qui lui vante les mérites de son AJ Auxerre, va changer indirectement la destinée de Norwich. Et la vision de Delia Smith sur sa stratégie à adopter pour son club de cœur.
Le légendaire entraîneur de l’AJA se souvient très bien de ce déjeuner passé avec la diva de la gastronomie british : "C’était une dame d’une personnalité certaine, élégante, sans être excentrique" a-t-il avoué dans France Football. "Elle était très au fait et bien informé des choses du football […]. Elle avait une vraie réflexion, et on sentait que c’était quelqu’un qui savait gérer ses affaires. Elle m’avait demandé beaucoup de choses et en avait noté pas mal aussi sur ce que j’avais fait à Auxerre. Mais elle avait également savouré la cuisine… et le vin !".
Elle a raconté ainsi qu’elle avait pris soin de noter les dires précieux du Bourguignon faisant le succès du champion de France 1996 : "Je n’achète pas de footballeurs, je les forme". De fait, elle n’a ainsi pas tardé à appliquer ces conseils : réaménagement du centre de formation au Colney Training Centre, le centre d’entraînement des Canaries, décision unanime de ne pas casser la tirelire du club pour une recrue, et flairer les bonnes affaires sur le mercato. "L’effet Delia Smith" est en marche.
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Delia Smith au milieu des fans de Norwich

Crédit: Getty Images

Pizza, Tony Blair et Rolling Stones

La reine de la tarte citron meringuée façon british aime surtout profiter de l’aubaine d’être propriétaire d’un club de football pour imposer sa patte culinaire. C’est pourquoi Carrow Road se retrouve ainsi aux premières loges pour faire goûter aux fans jaunes et verts des plats et menus issus de son imagination dans les deux restaurants qu’elle a ouvert dans l’enceinte. Ou d’inventer une pizza jambon-champignon-maïs à son effigie dans les boutiques raffinées de la ville.
Cette extériorité modérée plaît en tout cas dans l’est du Royaume. "Les fans se reconnaissent en elle et sont fiers que le club soit dirigé quelqu’un qui a les mêmes valeurs qu’eux, confie Michael Bailey, journaliste qui suit Norwich City pour The Athletic. C’est en ça que ce club est un club spécial auquel les gens sont attachés. Peu importe que ce soit une femme qui soit aux commandes. Elle a mis sa vie et son métier au travers de la passion dévorante qu’elle a pour Norwich, bien avant qu’elle en prenne les rennes. C’est une femme du terroir qui ne veut surtout pas paraitre dans le bling-bling".
Un monde auquel elle refuse d’ailleurs d’adhérer. Ce n’est pas Tony Blair qui l’a reçu en grand apparat à Buckingham Palace dans le but de la faire anoblir qui dira l’inverse. Réponse de l’intéressée : un non catégorique. Il faut dire que sa distinction royale a été obtenue il y a bien longtemps, lorsque les Rolling Stones ont décidé de faire apparaitre sur la pochette de leur album de 1969 Let it Bleed un gâteau tout de rose et de vert confectionné des mains de Delia Smith… Les années ont passé, et à 78 ans, elle n’est plus la vedette de la téléréalité gastronomique. Mais elle est et sera toujours dans les cœurs des fans de Norwich et le choeur de Carrow Road.
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