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Une crise ? Quelle crise ? La Premier League est toujours sur une autre planète

Philippe Auclair

Mis à jour 11/09/2020 à 13:09 GMT+2

PREMIER LEAGUE – La crise liée à la pandémie du Covid-19 n'a pas empêché les clubs anglais de dépenser presque sans compter cet été, avec Chelsea comme symbole. La situation n'est pourtant pas idyllique, alors que la PL n'a notamment plus de diffuseur sur son marché étranger le plus lucratif: la Chine. Mais les clubs ont fait le choix de l'attractivité.

Timo Werner, FC Chelsea

Crédit: Getty Images

Ziyech, Werner, Thiago Silva, Havertz, van de Beek, Veltman, James, Gabriel, Ferran Torres, Pablo Moreno, Rodrigo, Fabio Silva, Koch, Castagne... J'en oublie sans doute, et la liste des joueurs qui ont quitté d'autres championnats européens pour rejoindre la Premier League n'est pas close, puisque ce n'est que le 5 octobre que la "fenêtre des transferts" sera fermée pour de bon par la FIFA, que l'activité des clubs anglais a tenu bien plus occupée qu'on l'aurait cru lorsque leur saison 2019-20 fut suspendue au mois de mars. Upamecano à Manchester United ? Cela n'a rien d'impossible. Ou Jadon Sancho. Ou Sergio Reguilon. Ou Koulibaly à Manchester City, qui se tient prêt à bâtir un pont d'or si, d'aventure, le cessez-le-feu passé entre le Barça et Lionel Messi était rompu par l'une ou l'autre partie.
Et à la différence des saisons précédentes, les mouvements dans le sens inverse sont quasi-inexistants, pas en ce qui concerne des joueurs de premier plan en tout cas. Le transfert de Leroy Sané de City au Bayern était acquis depuis un an déjà, tandis qu'Alvaro Morata avait joué la saison 2019-20 sous les couleurs de l'Atletico de Madrid et qu'Alexis Sanchez avait fait de même à l'Inter.
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James Rodríguez

Crédit: Twitter

Malgré le contexte, Chelsea s'est offert un nouveau record de dépenses

Tout cela, alors que la pandémie devrait coûter 1,1 milliard d'euros à la Premier League selon l'estimation du cabinet Deloitte, et que la majorité de ses clubs, et peut-être même tous, enregistreront des pertes, désastreuses pour certains (n'est-ce pas, Everton?) sur la saison 2019-20, et vraisemblablement plus que significatives sur celle qui s'ouvrira ce samedi dans des stades toujours vides et qui risquent de le demeurer un certain temps. Les chiffres de nouvelles infections au Royaume-Uni n'engendrent en effet pas l'optimisme en la matière.
Ce contexte n'a pourtant pas empêché Chelsea d'établir un nouveau record absolu des dépenses sur un mercato, en déboursant 257 millions d'euros brut cet été (*), 151 millions net. Certes, le club de Roman Abramovitch, interdit d'homologation de nouveaux joueurs par la FIFA, n'avait pas touché à l'indemnité de transfert payée par le Real Madrid pour Eden Hazard, et disposait donc d'un trésor de guerre conséquent. Mais Chelsea avait aussi enregistré un déficit de 108 millions en 2018-19, la dernière saison pour laquelle nous disposions de comptes; et celle qui suivit ne sera beaucoup plus brillante...
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Roman Abramovich, le propriétaire de Chelsea

Crédit: Eurosport

L'absence de diffuseurs en Chine, loin d'être anodin

Et si les Blues mènent la danse pour ce qui est des débours, ils ne sont pas les seuls à avoir largement ouvert leur portefeuille. Le promu Leeds United en est à 70 millions - net - d'investissements en joueurs (Koch, Rodrigo, Helder Costa, entre autres), et tous les ténors du championnat d'Angleterre affichent un solde négatif lorsqu'on met leurs dépenses et leurs recettes côte-à-côte. Même Arsenal. Même Tottenham! Ce n'est pas tout. Cette presque frénésie, unique en Europe, unique dans le monde, saisit les clubs anglais alors qu'ils viennent de recevoir un autre coup de massue, potentiellement catastrophique, dont on ne pourra vraiment mesurer les séquelles que sur plusieurs années. C'est que la Premier League, à quelques jours de son lever de rideau, n'a plus de diffuseur sur son marché étranger le plus lucratif: la Chine.
La PL a en effet dénoncé le contrat qui faisait du réseau PPTV (une filiale du groupe Suning, le propriétaire de l'Inter) son diffuseur exclusif sur le territoire chinois, et qui était aussi le plus gros contrat jamais conclu avec un ayant-droit étranger de son histoire: 633 millions d'euros sur trois ans, de 2019 à 2022. PPTV avait failli à son obligation de verser la tranche de 179 millions d'euros qui était dûe à la PL en mars dernier, en s'appuyant sur l'incapacité de la PL à offrir le produit voulu en temps de pandémie. Pour chacun des 20 clubs de l'élite, ceci se traduirait par une perte sèche de 31,6 millions d'euros sur cette période si la PL ne trouvait pas de nouveau diffuseur - or Dieu seul sait quand ce sera le cas...et à quel tarif. Il n'aura assurément rien à voir avec celui que PPTV avait accepté en un temps où la Chine, gouvernement compris, faisait les yeux doux au football; un temps qui est bel et bien révolu.

Les clubs ont choisi de croire en leur attractivité

Ce n'est pas le seul manque à gagner sur le front des droits TV qui fera trembler la PL. Quid des recettes de merchandising dans un marché essentiel, quand le 'produit' est devenu invisible? Quid de ces sites de paris en ligne chinois qui irriguent la PL par dizaines de millions en affichant leurs noms - en mandarin - sur les maillots et les panneaux LED des clubs? Pourquoi continueraient-ils à payer pour un service inexistant? Quid de ces spectateurs qui, sevrés d'images officielles, iront les chercher sur des sites pirate (qui ne manquent certainement pas en Chine), et qu'il faudra convaincre de payer à nouveau? Quid, enfin, de l'effet domino de cette rupture de contrat dans d'autres pays, où certains diffuseurs se diront qu'ils avaient payé trop cher, et qu'il serait juste de renégocier les droits à la baisse? Or la PL est déjà engagée aujourd'hui dans les négociations pour la prochaine tranche de droits, de 2022 à 2025 ou 2026.
La nouvelle fit la une du Financial Times, ce qui donne une idée de l'importance que lui donnent les analystes économiques. Ailleurs, sur Sky, sur BT, sur talkSPORT, dans les tabloids, c'est comme si rien ne s'était passé; ou alors, comme s'il s'agissait d'un simple accident de parcours, d'un nid-de-poule sur l'autoroute que la Premier League dévore bientôt trente ans. Mais quand on roule à cette vitesse-là, les sorties de route ont tendance à être brutales.
On ne fera pas l'injure à la PL et à ses clubs de dire qu'ils occultent la gravité de la situation par incompétence. Ils ont plutôt choisi de croire en eux-mêmes, en leur attractivité - car il est vrai que cette saison s'annonce passionnante - et en leur compétitivité, et d'investir encore davantage, précisément parce que les autres, les concurrents, ne le feront pas. Malgré la pandémie, malgré le coup de Jarnac porté par PPTV, malgré ce Brexit qui s'annonce plus chaotique que jamais, et pour lequel, hormis quelques illuminés, tout le monde, y compris au sein du gouvernement, sait que le pays n'est pas et ne sera pas prêt. S'agit-il de courage ou d'inconscience, seul le temps le dira.
(*) Le précédent record appartenait à Manchester City, qui avait dépensé 253m€ l'été 2017.
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