Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Premier League - Le vrai conte de fées du football anglais ? Luton Town, pas Wrexham

Philippe Auclair

Mis à jour 30/05/2023 à 19:01 GMT+2

Luton Town, dont le budget annuel dépasse à peine l'équivalent de 20 millions d'euros, l'un des plus modestes du Championship, a validé le week-end dernier son accession en Premier League, après 31 ans d'absence dans l'élite du football anglais. Selon Philippe Auclair, la véritable belle histoire de l'autre côté de la Manche se situe à Luton, plus que chez le très médiatique Wrexham.

Luton Town célèbre son accession en Premier League

Crédit: Getty Images

A quoi tient un destin comme celui de Luton, qui va retrouver la Premier League après trente-et-une années d'absence? A une défaite, parfois; et celle-là avait été cinglante: 1-4 à domicile, le 6 novembre dernier. Mais ce n'est pas Luton Town qui la subit. C'est Southampton, face à Newcastle, Southampton que ce revers précipitait dans la zone rouge. La première victime de cet échec fut Ralph Hasenhüttl, l'entraîneur autrichien qui tenait les Saints à bout de bras depuis presque quatre ans et les avait sauvés deux fois de la relégation pendant cette période.
Cédant à la panique, le propriétaire de Southampton, le milliardaire serbe Dragan Šolak, oublia les services rendus et licencia Hasenhüttl dans les 24 heures qui suivirent, pour le remplacer quatre jours plus tard par Nathan Jones, l'architecte de la montée de Luton Town en League One (D3) en 2017-18. Le règne de Jones fut des plus brefs - trois mois - et des plus mouvementés - il mit le feu à une table de ping pong que ses joueurs utilisaient trop souvent à son goût, ce qui donnera une idée assez juste du personnage. Mais cela, c'est une autre histoire, qui finit très mal, au contraire de celle contée aujourd'hui.
Jones parti du nid, les Hatters ('chapeliers'), alors 8ème du Championship, se tournèrent vers un jeune coach sans emploi, Rob Edwards, qui avait récemment fait l'expérience de cet incessant tourbillon qu'est Watford, où il n'avait conservé sa place sur le banc que moins de deux mois. Cela en disait plus long sur la méthodologie du chaos chère à la famille Pozzo que sur ses qualités de manager. Luton avait paré au plus pressé et ne pouvait se douter que les malheurs d'un autre club allaient transformer leur saison.
picture

Rob Edwards, entraîneur de Luton Town

Crédit: Getty Images

Quand Luton Town manquait de disparaître en 2009

Edwards, un ancien international gallois, n'était pas un inconnu. Les Wolves, pour qui il avait joué 100 matches de championnat, l'avaient intégré à leur staff technique aussitôt après qu'il avait pris sa retraite de footballeur à l'âge de 30 ans, en 2014. La FA lui avait ensuite confié le soin de veiller sur les U16 anglais. Grâce à lui, Forest Green, le premier club 100% 'vert' (et vegan) du football mondial, avait brillamment remporté le titre en League Two en 2021-22. Il était l'un de ces jeunes techniciens qui montent, qui montent - mais qu'on ne pensait pas voir monter aussi vite, pas en Premier League en tout cas.
Et certainement pas avec Luton Town, qui manqua d'un rien de disparaître en 2009, lorsque le club écopa d'une déduction de trente points causée par la gestion catastrophique d'un propriétaire dont on ne prononce plus le nom. Luton se retrouva en D5. Cette même année 2009, ils étaient pourtant 40 000 à avoir envahi Wembley pour voir leur équipe remporter le EFL Trophy, ce petit frère de la FA Cup que se disputent les clubs de League One et de League Two. 40 000, soit à peu près un cinquième de la population de cette ville que le reste de l'Angleterre ne connait guère que par son aéroport, que certaines compagnies affirment desservir Londres, un peu comme Ryanair soutient que Beauvais dessert Paris.
Luton Town, dont le budget annuel dépasse à peine l'équivalent de 20 millions d'euros, l'un des plus modestes du Championship. Luton, dont le stade de Kenilworth Road n'a pas beaucoup changé depuis son inauguration en 1905, où les numéros des sièges sont écrits au feutre sur les dossiers, et où les supporters adverses gagnent leur tribune en empruntant un passage entre deux maisons ouvrières collées au stade. Luton Town, qui a bien son investisseur américain, mais d'un autre type que les private equity funds, ces oiseaux de malheur qui fondent aujourd'hui sur le football européen comme jamais auparavant, sans qu'on sache quelle est la provenance exacte de leurs millions ou qu'on comprenne, ou veuille comprendre leurs motivations.
picture

Kenilworth Road

Crédit: Getty Images

Un investisseur qui a grandi à Luton

Cet investisseur américain s'appelle Kailesh Karavadra. S'il habite en Californie, il a bien grandi à Luton, et s'est investi dans le club quand il était au plus mal. Lui n'est pas descendu de son hélicoptère à Kenilworth Road comme Ryan Reynolds et Rob McEllenhey se sont posés à Wrexham, pompant des millions dans le club gallois pour assurer sa promotion en League Two. A Luton, on n'est pas là pour alimenter un programme de télé-réalité en rêves éveillés achetés au prix fort - pour mieux les revendre ensuite. Et pour combien de temps?
Karavadra n'est d'ailleurs pas le propriétaire de Luton Town, seulement son plus gros actionnaire. Il contrôle moins de 20% du capital, tandis que la fondation créée par les supporters des Hatters au début du 21ème siècle - le troisième de leur existence, puisqu'ils sont nés en 1885 - en détient toujours la moitié. Voilà l'autre miracle : Luton appartient à ses fans, regroupés au sein du Luton Town Supporters Group. Le vent de fraîcheur que le promu fera souffler sur la Premier League viendra aussi de là. Il est tout à fait possible, il est même probable que le passage de Luton Town en Premier League soit bref.
La masse salariale totale du club en 2021-22, la dernière année pour laquelle on dispose de comptes à jour (*), tous employés compris, des techniciens de surface aux joueurs, staff technique, cadres et administrateurs compris, soit 365 personnes, paierait tout juste le salaire annuel de Raheem Sterling à Chelsea et serait insuffisante pour couvrir les émoluements de Kevin de Bruyne ou d'Erling Haaland à Manchester City. Si le football a une logique, c'est bien celle de l'argent; et si Luton a un mérite, c'est de nous le faire oublier.
(*) Les comptes que Luton Town FC publie chaque saison sont probablement plus détaillés que ceux de quelque autre club en Angleterre, comme on en jugera sur pièces ici.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité