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Messi suspendu, l'Argentine s'indigne et craint le pire

Thomas Goubin

Mis à jour 29/03/2017 à 21:34 GMT+2

QUALIFICATIONS COUPE DU MONDE AMSUD - Le mardi de l'Argentine a été noir : aux quatre matches de suspension de Lionel Messi s'est ajoutée une défaite face à la Bolivie (2-0) qui met l'Albiceleste dans une situation critique. L'Argentine pourrait-elle ne pas être de la Coupe du Monde ?

Marcos Rojo et Mateo Musacchio (Argentine), dépités après la défaite de l'Albiceleste en Bolivie

Crédit: AFP

"Que sommes-nous sans Messi?” se demandait, mardi midi, la page web du quotidien Olé. La mauvaise nouvelle venait de tomber et l'Argentine se sentait désarmée. Fébrile. Affronter la Bolivie, à la Paz, tâche jamais aisée à 3600m d'altitude, prenait soudainement des atours de mission impossible. Sur les plateaux télé ou sur les réseaux sociaux, des chiffres anxiogènes ne cessaient d'être ressassés, qui rappelaient à quel point la sélection nationale souffrait sans son quintuple Ballon d'Or, suspendu quatre matches pour avoir insulté un arbitre de touche lors d'Argentine-Chili. Avec Messi, l'Albiceleste a remporté quinze points sur dix-huit lors des éliminatoires. Sans lui ? Sept sur vingt-et-un. Et désormais, sept sur vingt-quatre, après la défaite de Di María et consorts à La Paz (2-0), où l'Argentine a encore montré un triste visage.
Dit autrement, privé de son Messi, l'Albiceleste a remporté un match pour huit disputés lors de cette campagne éliminatoire. Si elle ne parvient pas à s'inventer une vie sans son meilleur joueur, l'Argentine pourrait donc, pour la première fois depuis 1970, ne pas se qualifier pour la Coupe du Monde. L'état d'urgence est déclaré.
Les images de Messi insultant le juge de touche brésilien avaient tourné en Argentine au terme de la victoire face au Chili (1-0). La menace d'une sanction avait aussi été évoquée, mais rien de tangible avant lundi soir, quand la commission de discipline de la FIFA a demandé des explications à l'AFA, pour mardi matin, heure de Genève. Ce délai, si court, pouvait inquiéter, car il laissait la porte ouverte à une suspension de La Pulga face à la Bolivie. Mais personne n'envisageait alors une sanction qui priverait Messi de quatre des cinq derniers matches éliminatoires. Une décision qui est tombée comme un coup de massue sur la tête des Argentins, et dont la lourdeur a étonné.

La sanction contre Messi, "une absurdité"

"C'est une absurdité, déclarait ainsi l'ex-sélectionneur, César Luis Menotti, pour une agression verbale, je trouve cela très exagéré alors que certains prennent parfois seulement deux matches pour des agressions malintentionnées." «La FIFA s'est montrée disproportionnée face à un crack historiquement correct (dans son comportement), appuyait le journaliste de la Nación, Ezequiel Fernandez Moores, dans son éditorial.
Messi a insulté un juge de touche, la FIFA, le football"
Dans la presse, ou sur les réseaux sociaux, on rappelait aussi que le rapport des arbitres d'Argentine-Chili ne comportait aucune référence aux injures de Messi. "C'est une honte que la FIFA prenne une telle sanction, en ne prenant pas en compte les arbitres" estimait ainsi le journaliste de TyC Sports, Martin Arevalo, sur son compte Twitter.
Mais plus qu'au comportement de Messi, ou au zèle de la FIFA, c'est à l'état général du football argentin qu'était imputé la sanction, et ces possibles conséquences tragiques. L'Argentine se trouve ainsi au cœur d'une crise de gouvernance, qui a conduit la FIFA à mettre l'AFA (association de football argentine) sous tutelle d'une commission dite normalisatrice, depuis le mois de juillet. Affaiblie, l'AFA aurait ainsi perdu de sa capacité à peser sur les décisions de la FIFA. Elle se serait même mise à dos l'organisme présidé par Gianni Infantino, à cause d'interventions gouvernementales dans ses affaires, ce qu'interdit le grand ordonnateur du football mondial.

L'AFA et Maradona dans le viseur

Ce désordre institutionnel conduit même plus d'un acteur du football argentin à regretter, parfois à contre-coeur, le temps du parrain, Julio Grondona, président autoritaire de l'AFA à partir de 1979, et vice-président de la FIFA à partir de 1988, jusqu'à sa mort, en 2014. "La FIFA traite l'Argentine comme s'il s'agissait du Botswana et Messi comme s'il s'agissait d'un joueur qui ne vendait pas de maillot, taclait ainsi, mardi, le journaliste, Claudio Mauri (la Nación), sur Twitter. Conclusion néfaste (de cette situation) : avec Julio (Grondona) cela n'arrivait pas ». Ce mercredi, l'AFA va toutefois retrouver sa liberté, avec la fin du mandat de la commission normalisatrice, et la prise de fonction de son nouveau président, Claudio Tapia, qui aura pour premier devoir de piloter l'appel de l'AFA devant le TAS de la suspension de Messi.
Parano ou juste méfiance, en Argentine, la lourdeur de la suspension de la star du Barça est escortée de suspicions. Au terme de la défaite de son équipe en Bolivie, le sélectionneur, Edgardo Bauza, a d'ailleurs laissé entendre que l'affaire n'était pas forcément claire. "Le délai qu'ils nous ont donné pour expliquer la situation avant de prendre leur décision est étonnant, a-t-il estimé, tout a été bouclé en une journée, alors que la FIFA te laisse normalement toujours le temps de t'expliquer." Lors de ce mardi noir pour l'Argentine, l'hypothèse d'une manipulation de Diego Maradona a même été évoquée. Désormais ambassadeur de la FIFA, El Pibe de Oro ne cesse de revendiquer sa proximité avec Gianni Infantino, et a multiplié les sorties contre l'AFA ces derniers mois. Il a notamment été contrarié par la nomination, il y a une dizaine de jours, de Marcelo Tinelli, le vice-président de San Lorenzo, qu'il n'apprécie pas, à la tête du comité de sélection. Le champion du monde 1986 a nié en bloc. "Je n'ai rien à voir avec cela, je ne savais même pas qu'il était suspendu" a-t-il répondu, mardi, à Radio La Red.
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Gianni Infantino et Diego Maradona lors de la cérémonie The Best en janvier 2017

Crédit: AFP

Parfois critiqué en Argentine pour ne pas avoir le même rendement qu'à Barcelone, Lionel Messi donnait toutefois, par ses fulgurances, une certaine marge de manœuvre aux siens. Désormais, l'Albiceleste va devoir se trouver une expression collective digne de ce nom pour aspirer au Mondial, comme l'a souligné César Luis Menotti. "Messi nous a aidé à atteindre des stades de compétition que nous ne méritions pas collectivement. Désormais, il ne sera plus là, et il faudra travailler en conséquence."

Incapable de jouer sans Messi, Bauza aggrave son cas

Edgardo Bauza est-il l'homme de la situation ? Certains, comme Roman Iucht, journaliste et auteur d'une biographie de Marcelo Bielsa, n'ont, en tout cas, pas hésité à le rendre directement responsable de la suspension de Messi. "La sanction est la conséquence de l'énervement de Messi, et cet énervement est le produit du "gagner par tous les moyens nécessaires", en jouant un football médiocre et sans idée" a-t-il écrit sur Twitter. Fortement critiqué après l'heureuse victoire face au Chili (1-0), où l'Argentine avait notamment peiné à aligner trois passes lors de la deuxième période, le sélectionneur a évidemment aggravé son cas, mardi, à La Paz. Privé de nombreux cadres suspendus (Mascherano, Biglia, Otamendi, Higuain, et Messi), Bauza n'a pas réussi à bricoler à un onze compétitif pour s'offrir une bouffée d'oxygène à 3600m d'altitude. En Argentine, le nom de Jorge Sampaoli revient avec insistance pour lui succéder. Mais l'état de l'AFA n'aide pas à convaincre les plus réputés des entraîneurs argentins...
Mardi, la défaite face à la Bolivie n'a pas été la dernière mauvaise nouvelle de la journée pour l'Albiceleste. Car, les résultats des matches qui restaient à disputer ne lui ont pas été franchement favorables. La victoire de la Colombie en Equateur (0-2) conjuguée à celle du Chili face au Venezuela (3-1), l'ont ainsi fait rétrograder du troisième au cinquième rang, celui du barragiste. "Peut-être l'Albiceleste ne va t-elle pas se qualifier pour le Mondial, s'inquiétait la Nación, Peut-être. Elle n'a, en tout cas, jamais paru aussi vulnérable."
Pour l'Argentine, les éliminatoires reprendront fin août, avec une visite qui s'annonce électrique, chez son voisin uruguayen. Défaits, mardi soir, au Pérou (2-1), Luis Suarez et consorts sont désormais troisième de la zone Amérique du Sud, et ne pointent qu'une unité devant l'Argentine. Rien n'est donc perdu pour l'Abiceleste, qui recevra ensuite un Venezuela déjà éliminé de la course au Mondial, avant d’accueillir le Pérou de Paolo Guerrero, et d'aller batailler, lors de la 18e et dernière journée, face à l'Equateur. Sur les hauteurs de Quito, La Pulga pourra faire son retour. Mais avant, l'Argentine devra prouver qu'elle existe sans Messi...
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