Bleus : Kylian Mbappé est agaçant ? C'est aussi la marque des grands

Son but en resterait presque anecdotique. Alors qu'il ne l'est pas. C'est déjà le 11e de sa carrière internationale. Pour un joueur qui a fêté ses 20 ans il y a un peu plus de trois mois, c'est simplement phénoménal. Ce superlatif colle à la peau de Kylian Mbappé. Avec tout ce qui va avec. La perfection n'est pas loin de devenir la norme. Et le moindre écart prend des proportions démesurées. Le talent n'a pas d'âge mais il ne doit pas le faire oublier. Cela s'est senti en Moldavie.

La balade de Chisinau était des plus tranquilles. Mais Mbappé ne l'était pas. Il a trop souvent manifesté sa frustration. Une petite prise de bec avec Blaise Matuidi. Des gestes d'exaspération à répétition. Une tendance trop claire à forcer l'individualisme. Une simulation aussi grotesque qu'inutile en fin de match quand l'affaire était déjà entendue. Une implication défensive inexistante sur le but moldave. L'attitude de Mbappé avait quelque chose de suffisamment agaçant pour faire oublier son but.

Le contexte ne semblait pas l'imposer. A priori, seulement. Sa frustration pouvait légitimement sembler superflue. Elle n'en était pas moins compréhensible. Un attaquant champion du monde, quatrième au classement du dernier Ballon d'Or et présenté à longueur de journées comme la future star du football mondial a de quoi être aigri quand il n'arrive pas à marquer face à la 170e nation au classement FIFA. Surtout quand ses coéquipiers de l'axe de l'attaque tricolore ont déjà trouvé le chemin des filets, alors que lui reste encore cantonné au côté droit.

La Moldavie n'en a pas moins mis en lumière un comportement déjà perçu négativement ces derniers temps chez Mbappé. Sa frustration transpirait dans la désillusion parisienne en Ligue des champions, quand il est passé à côté du match retour face à Manchester United (1-3). Puis il y a eu cette célébration controversée sur son but face à Marseille (3-1). Et les critiques quand il a privé Angel Di Maria d'une chance de triplé face à l'OM. Mbappé pouvait laisser ce penalty à l'Argentin. Mais il était le tireur désigné. Il l'a pris et il l'a manqué.

Il pourra lui être reproché d'en faire trop. Ou aux médias d'être trop exigeants avec le gamin de Bondy. C'est naturel quand un joueur entre aussi jeune dans la sphère des meilleurs. Chacun est libre de le critiquer ou de lui trouver des excuses quand il n'est pas performant. Où quand son attitude agace. A l'échelle humaine, Mbappé n'est pas exposé depuis longtemps à ce contexte. A celle d'un footballeur, il le vit depuis un temps suffisant long pour avoir conscience des attentes et des conséquences de chacun de ses actes. Positifs ou négatifs.

Mbappé a choisi cette situation. Parce que l'exigence autour de lui, c'est d'abord celle qu'il s'est lui-même imposé. Elle l'a mené jusqu'ici en le poussant à dépasser ses limites. Elle lui a donné cette addiction à rechercher l'excellence. Dans son cas, cela revient à empiler un maximum de buts. La fin justifie les moyens. Marquer au plus haut niveau, cela peut aussi passer par l'égoïsme ou le vice. Dire que c'est nécessaire ou non pourra toujours faire débat. Mais ces caractéristiques ont souvent fait partie de la panoplie des plus grands buteurs.

Il y a de cela chez Mbappé. Comme chez Cristiano Ronaldo, pour ne citer que le meilleur exemple. Le Portugais a lui aussi eu une attitude parfois agaçante au cours de sa carrière. Il a été taxé d'individualisme. Il lui arrive de râler contre ses coéquipiers. Il a également exagéré des chutes pour tenter d'obtenir des penalties. Quitte à s'attirer les critiques, CR7 ne s'est jamais détourné de son objectif. Marquer un maximum de buts et gagner le plus de titres possibles. C'est l'exigence poussée à son paroxysme. Elle est à ce prix.

Mbappé n'est pas Ronaldo. Mais quelque part, il n'est pas bien différent du Portugais. Il a la même boulimie de buts et de trophées. La marge de progression d'un joueur à peine âgé de 20 ans, et déjà si performant au plus haut niveau, est non seulement évidente mais surtout terrifiante. Elle est générale et passera beaucoup par la gestion de son attitude. Et de ses frustrations. Son comportement peut agacer. Mais il porte surtout la marque de l'exigence des grands buteurs. Il faudra sûrement s'y habituer. Pour le meilleur et pour le pire.