Equipe de France - Randal Kolo Muani, l'invité surprise devenu titulaire en puissance chez les Bleus

C'était il n'y a pas si longtemps. Le 16 novembre 2022. Randal Kolo Muani est au Japon dans le cadre d'un stage avec l'Eintracht Francfort quand la sonnerie de son téléphone retentit. Au bout du "fil", Didier Deschamps lui demande de prendre l'avion en urgence pour le Qatar. Christopher Nkunku s'est blessé, et c'est lui l'élu pour le remplacer. L'ancien Nantais file à Doha en quatrième vitesse. Il est l'invité surprise des Bleus pour ce Mondial. Beaucoup sont ceux qui ont été réduits au simple rôle de figurant dans cette situation. Pas lui.

Figurant, Kolo Muani l'a été pendant une grande partie du tournoi, malgré une titularisation dans le match "pour du beurre" face à la Tunisie en phase de groupes (0-1). Puis il s'est retrouvé sur le devant de la scène. D'abord avec une entrée en fin de match ponctuée d'un but face au Maroc (2-0) pour sceller la qualification des Bleus pour la finale. Puis pour sa prestation face à l'Argentine dans le match pour le titre. Il a donné un second souffle salvateur aux Tricolores quand il a remplacé Ousmane Dembélé en fin de première période. Il a surtout failli leur offrir le titre dans un duel perdu face à Emiliano Martinez au bout de la prolongation.

Cette action, tout le monde lui en parle. Mais c'est bien lui qui en parle le mieux. "Ça aurait pu changer ma vie, a-t-il reconnu dans les colonnes de L'Equipe. J'aurais préféré la mettre au fond, comme tout le monde. Comme tous les Français, mais c'est arrivé et ce sont les aléas de la vie. Après, quand je la regarde encore, je trouve que j'ai pas mal de possibilités. Mais sur le terrain, ça va trop vite. Je peux la regarder trois ou quatre fois d'affilée encore. Je suis très léger avec tout ça. Cette action me donne envie de travailler devant le but. Je bosse et je pense que je suis en train de progresser. Ça va me donner le courage d'avancer pour la mettre la prochaine fois."

Là où certains auraient vu leur monde s'écrouler sans jamais s'en remettre, Kolo Muani a trouvé un univers à construire dans cette occasion manquée. Le Bondynois a fait preuve d'une force de caractère remarquable pour avancer malgré cet échec. "La Coupe du monde l'a fait progresser dans sa personnalité, il a davantage confiance en lui, assurait Oliver Glasner, son entraîneur à l'Eintracht Francfort, dans le courant du mois de janvier. Je le trouve plus présent. J'ai l'impression qu'il se lâche."

Et ça se voit sur le terrain. L'ex-Canari, arrivé à Francfort l'été dernier, avant déjà réussi une entame de saison tonitruante pour sa première année en Bundesliga. Il a su maintenir ce niveau depuis la reprise. Avec 11 buts et 12 passes décisives en 24 apparitions, Kolo Muani a été directement impliqué sur 23 buts de son équipe cette saison. Plus que n'importe quel autre joueur de Bundesliga. Il fait partie des meilleurs passeurs parmi les cinq "grands" championnats européens, alors qu'il était surtout considéré comme un buteur à Nantes. Et ses qualités exceptionnelles de dribbleurs ont été illustrées par un record en la matière le week-end passé, malgré la défaite face à l'Union Berlin (2-0).

Son talent est toujours plus criant, sa force mentale toujours plus évidente, et c'est tout naturellement qu'il a poursuivi son ascension fulgurante. Sa présence dans la liste initiale de Deschamps pour le premier rassemblement post-Qatar est le symbole parfait du phénomène, malgré les absences d'Ousmane Dembélé, blessé, de Christopher Nkunku, qui a repris la compétition il y a peu, et de Karim Benzema, dont l'histoire si contrariée avec les Bleus est définitivement terminée. Le costume de l'invité surprise, c'est de l'histoire ancienne. La place de Kolo Muani dans le groupe tricolore ne se discute plus. C'est bien celle de l'ancien Nantais dans le onze de départ qui est désormais au centre du débat.

Kolo Muani n'est pas le seul candidat pour le poste d'avant-centre titulaire des Bleus. Il y a l'incontournable Olivier Giroud, meilleur buteur de l'histoire de la sélection tricolore et titulaire durant le Mondial. Il y a Marcus Thuram qui, comme lui, réussit de très belles choses en Allemagne. Qui, comme lui aussi, a été déterminant dans le come-back de la France face à l'Argentine quand il est entré en jeu. Deux joueurs qui ont clairement des arguments à faire valoir. Mais voir Kolo Muani endosser le costume du numéro neuf des Bleus, cela ressemble davantage au sens de l'histoire. Et cela devrait d'ailleurs être le cas, vendredi face aux Pays-Bas. "Il a un profil différent d'Olivier ou de Marcus, même s'il a la possibilité d'évoluer sur le côté, a souligné Deschamps jeudi. Evidemment qu'il aura un rôle, c'est à dire du temps de jeu."

C'est facile d'oublier qu'il n'a que 24 ans et qu'il ne vit que sa troisième année chez les professionnels. Le plus bluffant avec Kolo Muani, ce n'est pas la fulgurance de sa trajectoire, c'est sa capacité à la maîtriser jusqu'ici. Il suffit de rembobiner les cinq derniers mois, depuis ce coup de téléphone reçu au Japon, pour s'en rendre compte. L'impression qu'il a l'étoffe d'un titulaire aux côtés de Kylian Mbappé dans l'attaque des Bleus est toujours plus nette. "Je suis prêt pour ça, mais ce sera au coach de décider, a-t-il avancé dans L'Equipe. Ça va venir si je continue comme ça et que je continue à être appelé. C'est un objectif que je me fixe." Il pourrait bien l'atteindre plus vite qu'il le croit.