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Albertini : "La Juventus est le modèle à suivre, le Milan doit l'accepter"

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 19/02/2016 à 20:08 GMT+1

Le Milan de Silvio Berlusconi fête ses 30 ans. Avec 406 matches disputés entre 1989 et 2002, Demetrio Albertini en a été un des joueurs les plus représentatifs. Aujourd’hui dirigeant reconnu (sept ans à la vice-présidence de la fédération italienne), il reste un observateur attentif des vicissitudes de son club de cœur. Et donne des pistes à suivre pour relancer la machine.

Pogba et Niang à la lutte

Crédit: Panoramic

Vous aviez 14 ans et étiez au centre de formation quand l’accord de la vente fut entériné, même à ce niveau-là, vous aviez de suite remarqué un changement quand Berlusconi est arrivé ?
D.A. : Absolument, déjà du point de vue de l’image. Nous, les jeunes pousses, devions endosser le costume et non plus le survêtement avant les matches. C’était pantalon gris et caban bleu ! Le must de l’élégance, même si ce n’est pas le style que l’on préfère quand on a cet âge-là (rires).
Une des premières déclarations de Berlusconi fut : "nous deviendrons la plus forte équipe du monde", qui le croyait ?
D.A. : Sincèrement, personne. Le Milan restait sur des saisons où il avait connu la Serie B et pouvait prétendre au mieux à une qualification en Coupe de l’UEFA. S’il avait déclaré "on gagnera le scudetto", c’eût été différent, mais lui a de suite fixé la barre très haute.
Et comment s’y est-il pris à ses débuts pour l’atteindre ?
D.A. : En sortant des sentiers battus. On se devait certes de s’inspirer des meilleurs, mais il était difficile de les rejoindre en adoptant les mêmes méthodes, lui a été très clair, nous ne devions pas nous fixer de limites. Beaucoup disent que Berlusconi a gagné grâce à l’argent investi, mais il achetait un ou deux joueurs à l’année, pas plus, surtout qu’on pouvait jouer avec deux étrangers, puis ensuite trois. Le reste, c’était des joueurs du centre de formation. Berlusconi était un innovateur, il voulait une équipe faite de Milanais, et non d’Italiens, nous étions 14 à venir de la ville de Milan, la "cantera" à la Barcelonaise, il y avait pensé avant tout le monde.
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FOOTBALL FC Barcelona AC MIlan Romario Albertini Desailly

Crédit: Imago

Comment se traduisait son apport au quotidien ?
D.A. : Ce n’était pas forcément un homme de grand discours, sa présence suffisait pour transmettre la sérénité. Il était extrêmement présent, notamment tous les samedis à Milanello avant les rencontres.
C’est quelqu’un qui a eu un sacré flair pour dégotter les meilleurs entraineurs…
D.A. : Disons que les vrais paris ont été surtout les deux premiers, Arrigo Sacchi et Fabio Capello. Ensuite, ça venait tout seul puisqu’il avait réussi à créer un grand intérêt autour du club. Quand vous étiez joueur, si le Milan vous pistait, vous acceptiez de suite, et la négociation du salaire devenait secondaire. On est quand même arrivé à avoir six stars étrangères prêtes à sacrifier leur temps de jeu pour porter le maillot rossonero, je pense à Jean-Pierre Papin par exemple.
Son entrée en politique en 1994 aurait marqué un premier tournant pour le sort du Milan, vous confirmez ?
D.A. : Le Milan était toujours dans ses pensées, mais ce n’était plus la priorité. Nous fûmes informés bien avant tout le monde sur la création de son parti "Forza Italia", mais cela paraissait tellement loin, et puis on ne comprenait pas les difficultés que cela pouvait comporter.
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Silvio Berlusconi (AC Milan)

Crédit: AFP

Vous avez récemment déclaré que le Milan est désormais géré de manière antique, pourquoi ?
D.A. : Dans la gestion d’un club, il faut ce que j’appelle des "spécificités" alors qu’aujourd’hui tout est entre les mains d’Adriano Galliani, l’administrateur délégué. Oui, c’est bien d’avoir un référent qui touche un peu à tout, mais maintenant tout a changé, il faut le meilleur dans chaque secteur. Fut un temps, le Milan semblait très fort parce que son propriétaire possédait des chaines de télé, aujourd’hui, la communication se fait pas d’autres moyens, il y a d’autres technologies qu’il faut exploiter au mieux. Il y a 14 ans, le Barca avait un chiffre d’affaires équivalent à celui de l’Inter, puis il a dépassé quasiment tout le monde, y compris le Milan qui était le modèle à suivre. Comment a-t-il fait ? En se modernisant dans tous les secteurs. Le Milan était innovateur, il doit le redevenir.
En tant que vice-président fédéral de 2007 à 2014, on imagine que vous vous êtes rendu compte de certaines lacunes ?
D.A. : Mais aussi en tant que simple passionné, extérieur à la gestion du Milan. J’ai vu et je vois des clubs qui ont des gestions totalement différentes. La Juve est repartie de très loin en 2006 pour là aussi dépasser tout le monde en entreprenant une politique différente. Le Bayern n’avait pas les revenus du Milan, il a étudié, investi intelligemment, programmé pour devenir une des meilleures équipes du monde. L’argent ne fait pas tout, il faut comprendre comment l’utiliser. Aujourd’hui, le Milan manque de programmation.
L’absence d’anciens joueurs représentatifs dans l’organigramme signifie que le Milan néglige certaines valeurs qui l’ont caractérisé ?
D.A. : Déjà dans la gestion du vestiaire, cela manque d’éléments capables de transmettre l’attachement au maillot. Et puis au sein de la direction, oui, ça fait un drôle d’effet de ne pas voir d’anciens. La Juve a Nedved, le Bayern a Rummenigge, le Real a Butragueno, etc. Ce sont des choix de la direction, je ne les juge pas mais j’en prends acte.
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Giacomo Bonaventura (AC Milan) au duel avec Eder (Inter), dimanche 31 janvier 2016

Crédit: AFP

Et le nouveau stade ? Tout semblait prêt avant de faire machine arrière…
D.A. : Il y a deux administrateurs délégués, Adriano Galliani et Barbara Berlusconi, si l’un va dans un sens et l’autre dans un autre, tout se complique. Peut-être qu’il aurait fallu mieux y réfléchir avant de se lancer. D’autant que le stade de propriété est une prérogative très importante dans le foot moderne.
A force de répéter qu’il est le club le plus titré au monde, ce qui n’est même plus vrai, le Milan donne la sensation de se reposer sur ses lauriers…
D.A. : Le club a plus pensé à transférer ce qu’il a fait, plutôt de penser à ce qu’il peut faire. Dans les difficultés, il cherche à valoriser son passé, quelque chose d’extraordinaire car je souhaite à n’importe quel joueur d’avoir Berlusconi comme président, mais le club ne peut pas avoir son histoire comme perspective. Ce statut de club le plus titré, il l’a atteint avec une stratégie, une volonté de changer les choses.
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Albertini

Crédit: Eurosport

La Juve serait donc l’exemple à suivre aujourd’hui ?
D.A. : Pas "serait", c’est l’exemple à suivre ! Le Milan doit l’accepter. Qu’ont fait les autres clubs à l’époque ? Ils se sont inspirés du Milan pour le rattraper. Qu’ont fait les autres fédérations ? Elles se sont inspirées de l’Italie qui envoyait huit ou neuf clubs différents en demies ou en finale de Coupes d’Europe pendant une grosse décennie. Aujourd’hui, la Juve est le seul club italien équipé pour faire partie du gotha européen. Pour la première fois, le Milan est sorti du Top 10. Et pourtant, dans le monde, le Milan reste l’équipe italienne la plus populaire !
Mais Berlusconi vendera-t-il le Milan ?
Je ne sais pas, je lis l’évolution des négociations sur journaux. Berlusconi aime le Milan et je comprends qu’il s’agit d’une opération délicate, mais cette tergiversation créé de l’incertitude. La confusion génère de la confusion, c’est encore plus difficile de programmer dans cette situation.
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