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Où est passé le style Juve ?

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 18/04/2018 à 18:55 GMT+2

Une semaine est passée depuis le Real-Juventus mais les polémiques ne retombent pas de l’autre côté des Alpes, il faut dire que la Vieille Dame ne nous avait pas habitués à pareil comportement.

Gianluigi Buffon

Crédit: Getty Images

On l’appelle le Stile Juve, il y a même un site internet français dédié à la Juve qui a repris l’expression. Elle qualifie le style distingué qui a longtemps caractérisé les dirigeants, entraîneurs ou joueurs bianconeri. Un mélange de classe, d’éducation, de sportivité, d’exigence avec une pointe de condescendance. L’Avvocato Gianni Agnelli en était la parfaite réincarnation ainsi qu’un joueur comme Alessandro Del Piero. C’est aussi grâce à cette griffe que la Juventus domine le championnat italien depuis plus d’un siècle. Maintenant, ne soyons pas dupes, c’est également une façon de se faire mousser car tous les représentants de l’institution turinoise sont loin d’adopter un style peut-être définitivement mort mercredi dernier.

La Juve s’abaisse au niveau de ses rivaux

"Tutto il mondo è paese" dit-on ici, sous-entendu, tout le monde se comporte de la même façon sur Terre. Je n’en avais aucun doute, même si j’ai souvent insisté sur la capacité de la sphère Juventus à respecter le verdict du terrain plus facilement que d’autres. Mais c’est évidemment plus facile quand on ne goûte que rarement à la défaite. Joueurs et dirigeants de la Vieille Dame n’ont fait que reproduire ce que leurs rivaux historiques font en Italie depuis des décennies en cas de polémiques arbitrales la concernant. Complotisme, interprétation personnelle des règles, sentiment de persécution, délégitimation des mérites de l'adversaire. Je reconnais que le scénario du match est particulièrement frustrant, mais certaines déclarations ou réactions ont été indignes de leurs auteurs.
Mention spéciale à Buffon qui continue de se louper sur la gestion de la fin de carrière, ce qui risque fort de ruiner la crédibilité qu’il s’est construite. L’obsession pour cette Ligue des champions qui se refuse à lui joue bien des tours. D'habitude capable de prendre de la hauteur, de s’exprimer lucidement et de ne jamais se rattraper à l’arbitrage (“L’arbitre est l’alibi des perdants”, son leitmotiv), il a d’abord protesté de façon véhémente avant de manquer de respect à Mr Oliver en utilisant des termes aussi inappropriés que ridicules en zone mixte, pis, il a confirmé la teneur de son raisonnement ces derniers jours. Parce qu'il s’agit justement d’une icône comme Buffon, saluée dans le monde entier pour ses exploits sportifs mais aussi pour son extrême correction, j'ai encore plus de mal à lui pardonner. Quant au penalty, l’infraction commise est suffisamment évidente pour l'accorder, peu importe le scénario du match, l’entité du contact, le temps affiché sur le chronomètre ou la sensibilité de l’arbitre.
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Gianluigi Buffon

Crédit: Getty Images

Del Piero pris dans la tourmente

Le soir-même, dans les studios de Sky Italia, Alessandro Del Piero a compris la frustration de son ex-coéquipier mais s'est désolidarisé de son comportement. Par curiosité, je suis allé lire les propos des tifosi juventini italiens sur la toile pour me faire une idée de leur état d'esprit. J’ai été atterré par la volée de bois vert que Pinturicchio s’est prise dans les dents par ses anciens supporters, certains n’hésitant pas à le renier. La majorité du peuple juventino a cautionné le comportement de Buffon, presque heureux que “Gigi” se lâche enfin, piétinant ainsi le style dont ils sont habituellement si fiers.
Loin de moi l’idée de vouloir me comparer au meilleur buteur de l’histoire de la Juve, mais j’ai subi le même sort à ma petite échelle. Il faut savoir que j’ai toujours eu une bonne cote de popularité auprès des juventini, justement parce que je ridiculise les théories de complots alambiquées des supporters adverses dont certains me perçoivent comme un laquais bianconero. Et bien après avoir condamné le comportement d’Agnelli et Buffon sur Twitter, j’ai reçu mon lot d’insultes et n’ai jamais perdu autant de followers en une soirée. Preuve, s’il le fallait, que le juventino est un supporter comme les autres, guidé par ses émotions, et dans ce cas précis, ses frustrations.
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Mehdi Benatia, Juventus-Roma

Crédit: Getty Images

Traduttore, traditore (Traducteur, traître)

Enfin, si on parle encore de l’après match aujourd’hui, je suis en partie "responsable". En zone mixte, Mehdi Benatia avait parlé de viol à la presse écrite francophone pour qualifier la décision arbitrale de M. Oliver. Pas le meilleur terme à utiliser certes, mais une expression imagée très courante dans notre jargon footballistique. Un collègue italien m’a transmis le fichier audio et m’a demandé de certifier la traduction de cette interview, ce que j’ai fait avec plaisir tout en prenant soin de préciser que le Marocain avait utilisé une métaphore classique. En vain.
La traduction littérale “stupro” désignant uniquement un rapport sexuel non consenti de ce côté des Alpes, le langage du défenseur a été stigmatisé. Via un jeu de mots dans son émission télé, Maurizio Crozza, un célèbre comique italien, l’a même invité vulgairement à se mettre un phallus entre les fesses à la prochaine occasion (“fallo” en Italien définit l’organe sexuel masculin mais signifie aussi “faute”). Benatia a rétorqué par un post grossier sur Instagram, effacé trop tardivement pour empêcher d'être "screené", mais visiblement pas assez obscène pour lui éviter une amende qu’une Juve d’un autre temps - ou utopique, le doute est maintenant permis - se serait empressée de lui infliger.
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