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Le problème de la Serie A, ce n'est pas la Juve mais que les autres "gros" ralentissent

Johann Crochet

Mis à jour 23/04/2019 à 20:44 GMT+2

SERIE A - La Juventus a décroché son 8e scudetto consécutif face à la Fiorentina (2-1) et a écrasé une saison 2018-2019 marquée par l’absence de concurrents crédibles. Tandis que les tifosi de la Juve fêtent plutôt modérément ce nouveau trophée, une grande partie de l’Italie note et regrette cette domination outrageuse.

La Juventus fête son 35e titre de champion d'Italie

Crédit: Getty Images

"La Juventus aurait gagné ce scudetto sans Cristiano Ronaldo." La phrase est signée Fabio Capello et résume assez bien la perception de ce huitième titre consécutif glané par les hommes de Massimiliano Allegri. La Juve n’a pas attendu le Portugais pour poser sa mainmise sur le championnat national et les promesses estivales ont d’ailleurs toujours pointé la Ligue des champions comme l’objectif – ou plutôt l’obsession – de tout un club. Ronaldo a certes inscrit 19 buts, mais un sentiment domine : si cela n’avait pas été lui, cela aurait été un autre. En d’autres termes, l’influence du Lusitanien sur cette campagne victorieuse est notable, mais pas décisive. Un simple regard posé sur le classement montre que la Juve n’a que deux points de plus que la saison passée, après la 33e journée.
L’ancien joueur du Real Madrid n’est de toute façon pas venu pour ça. La Juve n’a pas dépensé 112 millions d’euros en indemnités de transfert pour pouvoir gagner la Serie A avec cinq journées d’avance. Luciano Moggi, l’ancien homme fort de la Juve dans les années 90 et 2000, abonde dans ce sens : "Considérant ce qui a été fait cet été, c’est un championnat dont on connaissait l’issue et le vainqueur. Peut-être qu’on n’imaginait cependant pas que la Juve le gagnerait avec 20 points d’avance." Ce titre attendu est arrivé. Et personne ne peut feindre la surprise.
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Cristiano Ronaldo est devenu champion d'Italie avec la Juventus

Crédit: Getty Images

La Juve est le club de l’exigence

Après l’élimination en quart de finale de la Ligue des champions par l’Ajax, toutes les têtes pensantes du club turinois se sont employées pour rebasculer rapidement vers le championnat et faire en sorte que ni les tifosi ni les observateurs ou même les journalistes ne puissent banaliser un huitième scudetto consécutif. Le contre-feu est malin, mais vain. Il n’est certes pas question de dire que la saison de la Juventus est ratée, mais on ne peut pas affirmer non plus qu’elle est réussie. C’est une question de sémantique. Avec une élimination en quart de finale de la C1 et une autre au même stade en Coupe d’Italie après une raclée à Bergame (3-0), la saison ne peut pas être un triomphe. Le petit jeu médiatique d’Allegri est un discours de façade dont les effets vont se dissiper rapidement. La Juve est déjà au travail pour la saison prochaine avec une question, une seule : comment remporter cette Ligue des champions ?
L’exigence représente parfaitement la Juve et cette rigueur fait la différence depuis des années avec les autres clubs italiens. La Juve a un temps d’avance depuis une décennie et ne l’a jamais cédé. La mentalité présente à tous les échelons fait de ce club un très grand d’Europe et explique pourquoi il rafle tout sur son passage. "La mentalité est fondamentale et il est difficile de nous égaler à ce niveau", a expliqué Pavel Nedved, vice-président de la Juve, lors des festivités après la victoire face à la Fiorentina.
Pour Giovanni Malago, président du Comité national olympique italien (CONI), apprécier la saison de la Juventus sur la seule élimination de la Coupe aux grandes oreilles est une erreur majeure, comme il l’a justifié au Corriere dello Sport au lendemain du sacre turinois : "Le problème avec la Ligue des champions, c’est que ne pas gagner cette compétition est désormais synonyme de saison ratée pour 6 ou 7 clubs. C’est le cas pour Manchester City et ses millions investis, pour le Bayern qui domine la Bundesliga [...] Il faut expliquer cela aux tifosi."
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La Juventus fête son 35e titre de champion d'Italie

Crédit: Getty Images

Les concurrents de la Juve ne sèment rien... et ne récoltent rien

Pendant que la Juve gagne, les autres clubs italiens regardent. Certains applaudissent sans doute, beaux joueurs, d’autres préfèrent détourner rapidement la tête. Mais si la Juve gagne autant, c’est aussi parce que les concurrents ne font rien – ou si peu – pour l’en empêcher. Le Napoli d’Ancelotti, l’Inter de Spalletti, le Milan de Gattuso, la Roma de Di Francesco puis de Ranieri et la Lazio d’Inzaghi sont à des années-lumière des Bianconeri. Ils ont des individualités moins fortes, des clubs moins bien structurés, bien souvent une ambition toute relative dans le jeu, des problèmes de mentalité et des infrastructures de qualité inférieures. Pour Pietro Vierchowod, l’ancien défenseur turinois, "la supériorité de la Juve a été totale, mais la faute revient aussi aux autres équipes qui ne sont pas équipées pour donner du fil à retordre aux hommes d’Allegri."
On entend souvent les mêmes arguments lorsqu’une équipe domine grandement son championnat. Parmi ceux régulièrement employés, le fait que le leader assèche la concurrence en prenant les meilleurs joueurs du pays. Fabio Capello explique en partie la domination de la Juve par cette stratégie sportive. "La Juve est dans la situation du PSG en France et du Bayern en Allemagne, raconte-t-il dans une interview à la Gazzetta dello Sport. Elle ressemble au club munichois : elle se renforce en affaiblissant ses concurrents." La Juve a pris Pirlo à l’AC Milan, Pjanic à la Roma, Higuain à Naples et s’est assurée les plus grands espoirs avec Dybala et Bernardeschi. En attendant Chiesa et/ou Zaniolo ? Dans sa boulimie de grands joueurs, elle a profité de sa position économique dominatrice pour faire plier les autres clubs.
Il existe chez les tifosi de ces clubs-là une sorte de fatalisme déprimant. Il faut dire que leurs dirigeants n’envoient aucun signal en mesure de ramener ambition et enthousiasme. C’est aussi un des constats du moment, une pièce de l’ère moderne du football qui se joue en bourse plus que sur les terrains. Entre prendre des risques (sportifs, structurels et financiers) pour aller concurrencer la Juve et assurer tranquillement une place en Ligue des champions avec de moindres efforts, certains ont clairement privilégié le confort.
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Carlo Ancelotti lors de Napoli-Arsenal

Crédit: Getty Images

Que faire de cette résignation collective ?

La Juve est en avance et les autres "gros" d’Italie ralentissent. Le quotidien La Repubblica revenait la semaine dernière sur un comparatif de la saison en cours avec l’édition précédente. Naples compte 14 points de moins que la saison passée à la même période alors que la Lazio est à -12. La Roma affiche 9 unités en moins et l’Inter est aussi dans le négatif (-2). Le journal transalpin parle d’une concurrence dans un état précaire. L’éditorialiste italien Giovanni Capuano évoque lui "un titre synonyme de défaite pour le championnat", fait le constat amer "qu’il n’y a pas d’alternative à la vieille dame" et appelle à "l’arrêt de la ‘francisation’ (allusion à la situation du PSG en France, ndlr) de la Serie A", dans un article sur le site Panorama.
Le problème majeur est qu’il semble aujourd’hui impossible pour un club de rattraper le retard en quelques mois. Les Bianconeri semblent intouchables et il faudra sans doute plus d’une ou deux saisons pour voir émerger des stratégies qui permettront, peut-être, à l’Inter, au Milan, à la Roma ou au Napoli de venir mettre un terme à l’hégémonie turinoise. En attendant, tout le monde fera semblant de croire en août prochain à une surprise possible pour l’édition 2019-2020 avant de se retrouver en avril-mai avec les mêmes images, celles des joueurs de la Juve, trophée en mains.
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