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Coupe d'Italie : comment le football italien s'est remis en ordre de marche

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 12/06/2020 à 23:25 GMT+2

COUPE D'ITALIE - Après plus de trois mois et demi d'interruption en raison de la pandémie de Covid-19, le football italien a fait son grand retour ce week-end avec les demi-finales de la Coupe d'Italie : Juve-Milan (vendredi) et Napoli-Inter (samedi). L'épilogue d'une longue bataille menée (et remportée) par Gabriele Gravina, président de la fédération italienne de football.

Milan-Genoa, San Siro

Crédit: Getty Images

"En Italie, il faut changer de regard sur le sport. Ce n'est pas du foot, du foot et encore du foot..." Cette déclaration, sortie tout droit du coeur de Federica Pellegrini, championne olympique du 200m en 2008 et qui a une place bien à elle dans le panthéon du sport italien, colle parfaitement avec l'air du temps. Un jour dépitée, l'autre résignée, la nageuse a assisté, le temps d'un confinement, à un véritable déferlement de débats et polémiques en tout genre dans la Botte. Avec à la clé la question capitale de la reprise ou non de la Serie A.
Finalement, la réponse est arrivée fin mai : oui, le Calcio va bien reprendre ses droits le week-end du 20 juin après une interruption de trois mois et demi (NDLR : la saison avait été suspendue le 9 mars) en raison du coronavirus, qui a fait plus de 33.000 victimes dans la Botte. Mais avant, la lumière sera laissée à la Coupe d'Italie, qui ouvrira le bal ce vendredi avec la première demi-finale retour entre la Juventus et l'AC Milan (1-1 à l'aller). Le Napoli et l'Inter se retrouveront quant à eux samedi soir (0-1 à l'aller), avant la grande finale le 17 juin au Stade Olympique de Rome. Pour les tifosi, l'abstinence est donc finie. Et pour les fervents défenseurs de la reprise, la première victoire est servie.

Spadafora, d'ennemi à ami

Il y a peu, pas grand-monde n'aurait vraiment misé dessus. Si la situation sanitaire est aujourd'hui maîtrisée, l'Italie a été l'un des pays les plus durement touchés par le Covid-19. Et pour le gouvernement du Premier ministre Giuseppe Conte, la reprise du football est longtemps restée le cadet des soucis. A juste titre. "Nous n'en parlons pas du tout", lâchait par exemple le ministre italien des Sports Vincenzo Spadafora le 3 mai dernier sur Facebook.
Devenu au fil du temps "l'ennemi" du ballon rond, ce dernier a doucement assoupli sa position, notamment sous une pression médiatique devenue asphyxiante. Au lendemain de cette déclaration, par exemple, le Corriere dello Sport le propulsait en Une de son quotidien, le munissant alors d'un couteau prêt à crever un ballon, avec le titre : "Attaque au football". "Le football a fait main basse sur les médias, il y a eu une campagne médiatique énorme pour la reprise, nous confie un journaliste italien. Parfois, elle était même exagérée et à la limite. Quand l'Italie était frappée de plein fouet par le Covid, le football réclamait de l'attention et des dates. Il y a eu beaucoup d'arrogance".
Au coeur de la tempête, Vincenzo Spadafora a donc dû faire face pour la tempérer. Puis la calmer. Et enfin la maîtriser. Parfois maladroit, et souvent avec un tantinet de mauvaise foi, il a commencé à reconsidérer un retour du Calcio. "Si, comme nous l’espérons, la courbe de contagion continue de baisser, il sera alors possible de confirmer une date pour le début des matchs de Serie A, déclarait-il à la mi-mai. Cependant, nous devons y arriver progressivement, en agissant avec prudence et responsabilité, comme nous l'avons fait jusqu'à présent..." Heureusement, le triste bilan quotidien du coronavirus, qui a longtemps ressemblé à un bulletin de guerre, a continué à s'améliorer. Le pays a donc pu enchaîner les phases pour se déconfiner. Et le football, troisième industrie du pays, a commencé à entrevoir un brin de lumière au fond d'un tunnel bien sombre.

Une question économique...

Avant de se rallier à la cause du ballon rond, le ministre italien des Sports a longtemps été confronté à Gabriele Gravina, président de la Fédération italienne de football (FIGC). Déterminé à reprendre le cours de la saison, même à l'heure où personne n'osait l'imaginer, ce dernier n'a jamais rien lâché. "Je ne serai pas le fossoyeur du football italien (...) Il y aurait un impact négatif important sur le secteur, mais aussi sur le pays, étant donné que nous générons environ 5 milliards d'euros", lâchait-il le 20 avril, refusant ainsi de prendre la responsabilité d'acter définitivement un arrêt de la Serie A et probablement conscient des conséquences économiques d'une telle décision. Pendant des semaines, Gravina a donc multiplié appels, réunions et déclarations publiques. Avec pour objectif d'avancer ses pions en attendant une amélioration de la situation sanitaire.
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Gabriele Gravina

Crédit: Getty Images

"L'Italie est le pays des compromis, nous assure le journaliste interrogé. Lundi, on l'a encore vu dans lors de la réunion fédérale. La FIGC a désavoué la Ligue de football sur plusieurs décisions. La Serie A menace même de faire sécession. Pendant des semaines, ils ont assuré qu'ils marchaient main dans la main, probablement pour pousser à la reprise et toucher les droits TV. Le groupe Sky Italia n'a pas encore payé ce qu'il doit." En effet, comme l'explique La Gazzetta dello Sport, la chaîne doit encore verser 130 millions d'euros selon le contrat en vigueur. Mais elle réclame depuis des semaines une réduction au vu du contexte de la reprise (huis clos etc...).
Pour les autres diffuseurs Dazn et IMG, un accord aurait été trouvé avec la Ligue de Serie A selon le quotidien Il Sole 24 Ore. Avant tout, et inutile de se leurrer, cette reprise est donc économique. Fin avril, le très sérieux quotidien généraliste La Repubblica assurait que dix clubs de Serie A risquaient la faillite en cas de saison définitivement arrêtée. D'autres sports, comme le volley ou le basket, n'ont pas eu le "privilège" de reprendre.

... et (presque) sportive

Reine du championnat depuis huit ans, la Juve voyait son trône sérieusement contesté avant l'interruption. Et ce sera probablement la même chose après. Si la Vieille Dame a battu et relégué l'Inter Milan - qui a un match en moins - à 9 points avant la pause, la surprenante Lazio de Simone Inzaghi la pourchasse avec seulement un point de retard. Le cru 2019-2020 de la Serie A est donc sans aucun doute l'un des meilleurs de ces dernières saisons. Un élément qui est certainement rentré dans la réflexion collective à un moment donné. Mais pas dans celle du mouvement ultra, qui s'est rapidement positionné contre cette reprise au vu du contexte actuel.
"Des milliers de morts dans chaque ville, mais vous pensez à la reprise du championnat", pouvait-on lire il y a quelques jours du côté de Turin. Une banderole signée des tifosi du Torino. Ceux de l'Atalanta Bergame, l'une des villes les plus touchées du pays, ont depuis longtemps appelé à arrêter la saison. En tout, près de 200 groupes ultras de toutes les divisions italiennes ont décidé de dire "non". En vain.
"Le football a décidé d'aller au-délàpour une raison principalement économique, nous confie un autre confrère italien. En France, au moins, j'ai vu de la cohérence. Le gouvernement a dit stop en acceptant les critiques. En Italie, pays des réunions de travail et des négociations, il y a finalement eu un accord soumis à certaines conditions, puisqu'en cas de cas positif, tout pourrait s'arrêter à nouveau. Un accord sur la quarantaine n'a toujours pas été trouvé." En tant que nouvel allié, Vincenzo Spadafora, lui, estimait fin mai qu'il était "normal" que le football reparte en même temps que le pays.
"C'est comme le retour à l'usine, au bureau, au magasin. Cela redonne un semblant de normalité à notre vie", écrivait La Gazzetta dello Sport le 29 mai dans ses colonnes. Pour l'Italie, terre de football, un week-end sans Calcio ne rime pas à grand-chose. Les polémiques qui en découlent aussi. Lors de ses conférences de presse durant la crise du Covid-19, le premier ministre Giuseppe Conte, tifoso avéré de l'AS Rome, a régulièrement été interrogé sur la situation de la Serie A. Et si les stades sonneront bien creux avec le huis clos décrété, la Gazzetta aimait répéter ces derniers temps qu'il valait mieux "du football sans personne que des personnes sans football". L'abstinence est terminée.
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Juve-Inter (Serie A)

Crédit: Getty Images

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