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Serie A : Claudio Lotito, le "parrain du Calcio" devenu sénateur du parti de Berlusconi

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 28/09/2022 à 19:25 GMT+2

SERIE A - Personnage haut en couleurs du championnat italien, Claudio Lotito, président ainsi que propriétaire de la Lazio Rome, a été élu sénateur dimanche dans le Molise, une région du Centre-sud de l'Italie, sous l'étiquette du parti "Forza Italia" de Silvio Berlusconi. Une grande victoire pour celui qui avait échoué en mars 2018 dans la région de Naples.

Claudio Lotito, président de la Lazio Rome

Crédit: Getty Images

C'est une scène qui résume (presque) à elle toute seule Claudio Lotito. Président de la Lazio Rome depuis juillet 2004, qu'il récupère alors au bord de la faillite pour une vingtaine de millions d'euros, l'entrepreneur italien de 65 ans a pris on ne peut plus à coeur les récentes élections législatives italiennes, qui se sont terminées dimanche avec un succès sans appel de la coalition de la droite et d'extrême droite réunissant Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, la grande vainqueure du scrutin, la Lega de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi.
Candidat dans le Molise, région du Centre-sud limitrophe de Rome, le numéro 1 des Biancocelesti a régulièrement été aperçu sur le terrain, au point de s'asseoir avec certains d'entre eux pour jouer à la scopa, l'un des jeux de cartes les plus connus en Italie. La scène se produit le 14 septembre dernier, et la vidéo devient rapidement virale sur les réseaux sociaux. Bière sur sa gauche, cartes en mains et boutades à n'en plus finir. Avant de partir, il en lâche une dernière à son coéquipier du jour : "Con Lotito, risultato garantito" ("Avec Lotito, résultat garanti"). De quoi déclencher les rires de la dizaine de personnes présentes. Pendant des semaines, il a sillonné les rues, visité plus de 110 communes, discuté avec des milliers de personnes et organisé plusieurs meetings afin d'échanger avec les habitants pour entendre leurs revendications. "C'est un os dur, un "casse-couilles" qui ne lâche jamais tant qu'il n'a pas le résultat souhaité", a dit de lui Giancarlo Giorgetti, Ministre du développement économique.
Touché par "le contact humain" qu'il a pu avoir, Lotito a axé son programme sur la santé. "Il faut faire sortir la Santé régionale des règles imposées par Rome (...) Je vais travailler pour augmenter la dotation financière, aujourd'hui insuffisante", a-t-il notamment déclaré. D'autres priorités : le retard accumulé des systèmes de mobilité, le dépeuplement des villes ou encore l'accompagnement des jeunes au passage à la vie professionnelle.
Après avoir échoué d'un rien à son élection dans la région de Naples en mars 2018, le natif de Rome espérait donc prendre sa revanche quatre ans plus tard. Depuis dimanche, c'est chose faite. Soutenu par Forza Italia, il est devenu officiellement sénateur du Molise avec 43% des voix, devançant Ottavio Balducci du Mouvement Cinq Étoiles (23,9%) et Rossella Gianfagna du centre gauche (23,7%). Une ambition, pour ne pas dire un rêve, qui se réalise enfin pour lui. "Mais je reste président de la Lazio", a-t-il prévenu dans la foulée, assurant son "engagement" et son "soutien". Il faut dire que l'un n'empêche pas l'autre, et ce ne sont pas les exemples qui manquent. Le plus éclatant reste certainement celui de Silvio Berlusconi qui, à 85 ans, portera de nouveau une double casquette : sénateur et président du club de Monza. Mais le football italien en regorge d'autres : Dino Viola et la Roma, Achille Lauro et le Napoli, Vittorio Cecchi Gori et la Fiorentina...

"Il est comme un cowboy au Far West"

Pour ceux qui ne connaîtraient pas Claudio Lotito, le décrire prendrait "des heures" si l'on en croit ses connaissances à la Ligue italienne de football. Le dirigeant romain, qui a également été aussi propriétaire de la Salernitana de 2011 à 2021 avant de devoir la revendre après sa montée dans l'élite, est en effet une personnalité aussi centrale que clivante dans le petit monde du Calcio. Son influence y est grande, et sa parole importante. Son caractère bien trempé ne plaît pas vraiment pas à tout le monde, tout comme son franc-parler et sa fichue manière de se mêler de tout.
Claudio Lotito
Des casseroles et des affaires derrière lui, il en a des tonnes. Mais force est de constater qu'il est toujours là, malgré les suspensions et les vents contraires, même au sein de son propre club. Qu'on l'aime ou non, Lotito contribue parfaitement à animer le folklore quotidien du football transalpin. "Le Calcio a toujours eu des personnages hauts en couleurs. De Moratti à Berlusconi, de Ferlaino à De Laurentiis en passant par les familles Agnelli à la Juve et Sensi à Rome... Lotito est dans ce casting de ceux qui ont fait ou font le football italien. Il est comme un cowboy au Far West", plaisante un dirigeant de l'un des clubs de l'élite.
Un jour de février 2015, le directeur général du club d'Ischia, qui se disait menacer par Lotito, n'a pas hésité à le qualifier "de parrain du Calcio". Lors du scandale des matches truqués ("Calciopoli") en 2006, la Lazio, initialement reléguée en Serie B avec Juventus et Fiorentina, s'en était finalement sortie avec un retrait de 30 points sur la saison précédente (2005-2006), qui lui coûta sa qualification en Coupe UEFA, et 11 points sur la suivante.
Avec les tifosi de la Lazio, l'histoire d'amour a toujours été tumultueuse. Ses deux premières années (2004-2006) sont même largement contestées, lui reprochant notamment une attitude presque maniaque pour remettre en place les comptes du club, alors dans le rouge. Directif, Lotito décide de changer plusieurs figures historiques de son club, et refusant en outre le possible retour de Giorgio Chinaglia, légende de la Lazio et désireux de revenir en tant que dirigeant.
La suite ? Un club plus stable financièrement et sportivement, avec quelques trophées remportés (Coupe d'Italie en 2008/09, 2012/13, 2018/19 et 3 Supercoupes en 2009, 2017, 2019). Mais aussi pas mal de frictions, avec des supporters lui reprochant un manque de dépenses et d'ambition, eux qui n'ont plus vu leur équipe remporter le moindre scudetto depuis 2000.
Dix mille qualités et deux défauts
Pour résumer son ancien président, Angelo Peruzzi, ex-gardien et Team manager du club, aime prendre cette formule : "C'est quelqu'un qui a dix mille qualités et deux défauts : personnellement, je le trouve méprisant et lui se pense oint du Seigneur."
En octobre 2021, le nouveau sénateur a toutefois dû composer sans l'autorité sacrée de Dieu au moment de se faire suspendre pour un an pour violation du protocole sanitaire contre le Covid-19, avant que celle-ci ne soit ramenée à deux mois par la cour fédérale d'appel. "Mais ça veut dire quoi positif ? Positif veut dire contagieux, non ? Même dans le vagin des femmes du monde entier, il y a des bactéries. Mais elles ne sont pas toutes pathogènes", avait-il déclaré un an plus tôt en pleine pandémie. La polémique ne lui fait pas vraiment peur. En 2019, lors de la campagne contre le racisme initiée par la Ligue italienne, il jugeait cette dernière était "trop provocante". Avant de rétropédaler.
En coulisses, Claudio Lotito mène actuellement une guerre sans merci contre Gabriele Gravina, le président de la Fédération italienne de football. "Son élection au Sénat n'est pas seulement politique, mais aussi sportive. La guerre à la Fédération et Gravina va continuer. Lui n'a jamais oublié le vol de la Salernitana avec l'argent en caisse", estimait cette semaine Michele Criscitiello, patron du groupe SportItalia. "Les rapports personnels et institutionnels entre les deux hommes ne sont pas vraiment bons", pouvait-on lire dans les colonnes de Il Giornale cette semaines.
Celui qui a fait fortune en créant deux entreprises dans le nettoyage et le catering range généralement les personnes dans deux cases bien distinctes : amis ou ennemis. L'entre-deux n'existe pas. "Si tu es de son côté, il fera tout pour te protéger et te défendre. Mais si tu n'y es pas, il saura te le faire comprendre à travers les paroles et les actes. Les guerres du pouvoir et de l'influence sont continues ici", conclut une source de la Ligue italienne de football. En attendant, Claudio Lotito, qui entrait dans la "Senator's Lounge" du Palais Madama de Rome, où le Sénat de la République italienne a son siège, avec le pass "visiteur" depuis bien des années, pourra désormais se vanter de porter celui de "sénateur".
Claudio Lotito
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