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Fc Barcelone - Pourquoi la Masia doit se repenser après l'avènement des Pedri, Fati ou Nico ?

François-Miguel Boudet

Mis à jour 12/01/2022 à 17:35 GMT+1

Depuis son arrivée sur le banc du FC Barcelone, Xavi fait confiance à de jeunes joueurs qui n’ont pas l’ADN culé inné. Entre canteranos de la Masia nés hors de Catalogne et recrues en post-formation, c’est tout un système qui est à repenser pour restaurer le modèle de jeu blaugrana. Entre modifications génétiques et un Barça B à retaper, les défis identitaires proposés au Barça sont nombreux.

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On a vu souvent rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux. La pelouse du Camp Nou ressemble à une terre brûlée mais Xavi Hernández doit rapidement donner plus de blé qu’un meilleur avril. Les concours de circonstances font souvent les affaires des jeunes joueurs et, entre l’état des finances et le questionnement sur le modèle de jeu, la classe biberon blaugrana a su saisir une occasion inespérée de faire ses preuves et de symboliser le renouveau du style Barça. De nombreux éléments de cette "Dream Teen" comme l’a sobrement baptisé le club ne sont soit pas Catalans, soit post-formés à Sant Joan Despí. Une émergence qui n’est pas sans remettre en cause certains aspects de la Masia.

Gavi, Nico, Fati : ces Masians venus de l’extérieur

Un Andalou et un Galicien. Quand on connaît le vivier catalan… Tout fout le camp ! Mais bon, après tout, Andrés Iniesta n’est pas né sur les bords du Llobregat, ça ne lui a pas empêché de réaliser deux-trois trucs au Barça. Gavi et Nico González ont intégré la cantera blaugrana à 11 ans, en provenance respectivement du fútbol base du Betis et de l’Atlético Coruña Montañeros. Comme Ansu Fati, venu à 10 ans après avoir évolué au Séville FC ou encore Álvaro Sanz arrivé à 14 ans de Saragosse, ils ont appris à jouer avec le style caractéristique blaugrana. Leur rôle, ils l’ont appris à force de répétition et de travail car, évidemment, le talent ne suffit pas, même pour eux qui sont des phénomènes de maturité et de précocité.
Actuellement sélectionneur U20 du Koweït, Carles Martínez a travaillé dans les catégories inférieures du FCB. Il explique : "Il n’y a pas d’âge précis pour établir si un joueur sort de la Masia ou non. Le processus ne concerne pas uniquement la durée de la formation mais aussi les expériences vécues. Le talent, c’est le socle pour appréhender l’apprentissage de ce jeu de position si spécifique. Pour un jeune joueur, c’est parfois difficile de le comprendre et de l’assimiler. Il est probable que cela soit plus simple dans une autre cantera qu’au Barça".
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Pour autant, leur explosion au très haut niveau est également due à une notion extérieure au FC Barcelone. Unai Emery l’a très bien dit : c’est très important la concurrence. "C’est une des raisons pour lesquelles on assiste à l’éclosion de joueurs de 17-18 ans déjà préparés pour évoluer en Liga", avance le technicien passé également par l’Espanyol. Depuis près de 15 ans, les clubs catalans proposent une adversité de qualité, inspirés du modèle blaugrana devenu identitaire. Carles Martínez parle en connaissance de cause : "c’est une chaîne où chaque club se nourrit du club du dessous. Par exemple, Granollers prend des joueurs des villages alentours, puis Damm prend des joueurs de Granollers. Et les joueurs qui vont à Granollers savent qu’ils peuvent rejoindre Damm car c’est ce qui va les rapprocher du Barça ou à l’Espanyol".
Ce maillage local fait la force du football catalan, surtout au FC Barcelone qui privilégie les joueurs du cru. Cela ne l’empêche pas de rechercher hors de l’autonomie mais, de l’aveu même du technicien, "convaincre des canteranos de Séville, de Villarreal ou ailleurs est désormais beaucoup plus difficile". Ces Masians non-Catalans pourraient donc devenir moins nombreux à l’avenir, même si le club vient de récupérer Fabio Blanco, formé à Valencia et revenu en Espagne après un crochet par l’Eintracht Francfort. Désormais, même si les transferts de mineurs sont interdits, les choses sont beaucoup plus verrouillées en amont et les mouvements sont beaucoup plus difficiles à réaliser. Et quand c’est le cas, cela ne manque pas de faire polémique voire scandale, comme l’a récemment prouvé le départ de Bryan Bugarín (12 ans), pépite du Celta de Vigo, au Real Madrid.
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Fabio Blanco Gomez

Crédit: Getty Images

La post-formation, nouvelle mode blaugrana ?

Cette saison, des éléments recrutés initialement pour renforcer le filial qui évolue en Primera RFEF ont été propulsés sur le devant de la scène. La tendance qui se dégage depuis quelques mois au Barça, c’est celle de la post-formation avec des joueurs en capacité d’évoluer d’ores et déjà au troisième échelon espagnol mais aussi susceptibles de gagner du temps de jeu en fonction des circonstances avec l’équipe première.
Arrivé de l’Herculés l’été dernier, Abde a été lancé en Liga par Sergi Barjuan dès le 30 octobre contre le Deportivo Alavés (1-1) et a été confirmé par Xavi qui l’a titularisé 5 fois lors des 8 dernières journées. Par ailleurs, on peut avoir été capitaine de l’Espanyol, avoir embrassé l’écusson perico après avoir égalisé lors du "mini derbi" contre le Barça B et réaliser des grands débuts avec les Culés quelques semaines plus tard. Ferran Jutglà, lui aussi débarqué à l’intersaison, a profité des blessures de Fati et Memphis pour se faire une place, après un beau début de saison avec le filial (4 buts et 4 passes décisives en 15 matches).
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"Jutglà a passé de nombreuses années à l’Espanyol et d’autres clubs catalans comme Sant Andreu, détaille Carles Martínez. Il était déjà à l’écoute mais il avait besoin qu’on lui donne sa chance. Cette saison, beaucoup de jeunes joueurs ont pris conscience qu’ils pouvaient avoir des opportunités et qu’ils auraient la chance de prouver leur valeur". D’autres joueurs, comme Estanis Pedrola, formé à l’Espanyol et à Reus et qui a effectué ses débuts la semaine dernière contre Mallorca, pourraient bien s’ajouter à la liste prochainement.
Tous suivent le sillon creusé par l’Uruguayen Ronald Araújo, venu du Boston River à 18 ans pour intégrer la B. Promu par Ernesto Valverde dès le 6 octobre 2019 contre Séville (4-0), il est devenu un habitué des convocations après la pause dûe au coronavirus. Pourtant, l’histoire partait mal : le Charrua avait été exclu quelques minutes après son entrée en jeu ! De la même manière, Pedri devait, malgré une saison pleine en Segunda avec la UD Las Palmas, soit intégrer la B, soit être prêté comme le désirait initialement Ronald Koeman. Les blessures au milieu, notamment celle de Philippe Coutinho, lui ont offert une opportunité qu’il n’a pas laissé échapper. Tous ces profils sont des coups réalisés par Ramón Planes, directeur sportif du club de juillet 2018 à novembre 2021, nettement plus en verve sur ces choix-là qu’avec les gros investissements sur le marché des transferts.
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Pedri pose devant une affiche après sa prolongation au Barça jusqu'en 2026

Crédit: AFP

Le Barça B a-t-il encore une utilité ?

Dès lors, le filial revêtit-il encore une importance dans le processus qui mène jusqu’à l’équipe première ? Lors des saisons précédentes, la B avait comme objectif d’accéder en Segunda, quitte à recruter des joueurs qui n’avaient aucune chance d’intégrer l’équipe première. Car paradoxalement, intégrer les rangs de la B n’est pas une garantie de succès à venir mais ressemble davantage à une perte de temps. En fin contrat en juin 2021, Nico González a bien failli partir et, sans le travail conjoint de Ramón Planes et Mateu Alemany pour le convaincre de rester, le joueur aurait mis les voiles.
Pour de nombreux éléments (le gardien Iñaki Peña, le capitaine Arnau Comas, le milieu Jandro Orellana par exemple), l’expérience acquise avec la B n’a pas servi de tremplin. Actuellement prêté à Getafe, le défenseur central Jorge Cuenca, pourtant réputé pour avoir la meilleure projection, a préféré signer à Villarreal pour enfin avoir sa chance en Liga. Il n’est pas le seul à avoir pris la tangente. Ces dernières années, Konrad De La Fuente, Álex Collado, Juan Miranda, Monchu (on pourrait même remonter jusqu’à Marc Cucurella devenu international en jouant à Getafe) n’ont pas bénéficié d’opportunités réelles avec l’équipe première et ce sont au contraire des joueurs plus jeunes qui ont été catapultés. Titulaires indiscutables avec Sergi Barjuan, Alejandro Baldé et Mika Màrmol (parti de la Masia à 14 ans avant de revenir 3 ans plus tard) ont-ils déjà laissé passer leur chance malgré leur très jeune âge ?
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Konrad de la Fuente sous le maillot du Barça B

Crédit: Getty Images

La volonté du club de vouloir absolument faire monter l’équipe en Segunda ainsi que l’accumulation de transferts plus ou moins à propos, doux euphémisme, ont contribué à l’appauvrissement du rôle du filial blaugrana. Viré en fin de saison dernière après avoir manqué la montée à la suite d’une élimination aux tirs au but sur un champ de patatas bravas contre l’UCAM Murcia, Francisco García Pimienta, considéré comme plus Cruyffiste que Cruyff lui-même, n’a jamais pu avoir sous ses ordres un effectif au complet.
Les liens entre son travail et l’équipe première étaient rompus alors qu’ils auraient dû être restaurés. Tous les candidats à l’élection présidentielle l’ont d’ailleurs souligné, ce qui témoigne de l’urgence. "L’objectif du Barça B est que les joueurs aient le profil pour intégrer l’équipe première si elle en a besoin, assurait-il dans les colonnes de ¡Furia Liga! en octobre dernier. Ça s’est passé pour Óscar Mingueza, Araújo, de la Fuente, Collado, Riqui Puig, Baldé, Miranda, Cucurella, Monchu… Pas tous ont réussi mais ils étaient là. On demande toujours de gagner mais, au Barça B, on n’a pas toujours pu compter sur Ansu Fati, Ilaix Moriba, Mingueza, Gavi. Il a fallu recruter à l’extérieur, ce qui n’a pas beaucoup de sens car ça coûte de l’argent et les recrues ne comprennent pas le football comme nous".
Xavi doit donc réaliser l’amalgame entre plusieurs catégories de joueurs avec le modèle de jeu qu’il a mentalisé et mûri depuis qu’il est devenu entraîneur. L’enseignement des préceptes de jeu culés facilite l’adaptation, y compris pour des joueurs arrivés tard. Le degré d’exigence doit se combiner à la patience, ce qui n’est jamais simple à l’heure où une qualification en Ligue des Champions revêt une importance capitale dans la survie du club. Le FC Barcelone sonnera toujours catalan mais peut-être pas avec les mêmes intonations.
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