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Manchester City - Manchester United (Finale de la FA Cup) I Jack Grealish est-il le Ringo Starr du foot anglais ?

Chérif Ghemmour

Mis à jour 03/06/2023 à 11:44 GMT+2

A l’image de l’ancien batteur des Beatles qui a connu la célébrité en rejoignant Lennon, Mc Cartney et Harrison, Grealish a décroché un ticket pour la gloire en débarquant à Manchester City. Comme Ringo, Jack aurait été un sacré chanceux, un heureux élu de la destinée... Mais comme pour son aîné musicien, son talent a parlé et effacé cette méprise.

Jack Grealish réalise une saison remarquable avec Manchester City

Crédit: Getty Images

"The luckiest man in the world". En Angleterre, Ringo Starr a souvent été considéré comme "l’homme le plus chanceux du monde" parce qu’il avait rejoint les Beatles. Le gars qui a été là au bon moment, au bon endroit… Un sacré coup de pot, insiste-t-on. En août 1962, John, Paul et George avaient viré leur mauvais batteur, Pete Best, et c’est Lennon qui avait recruté Ringo. Richard Starkey (son vrai nom) était aussi un gars de Liverpool, batteur de Rory & The Hurricanes, rencontré en 1960 à Hambourg, du temps où les futurs Beatles y végétaient dans les bouges mal famés.
Les débuts seront difficiles pour Ringo, rejeté par les fans attachés à Pete Best et sous-estimé par le producteur George Martin qui l’avait remplacé par un batteur de studio lors de l’enregistrement du premier hit des Fab Four, Love me do. Et puis Ringo est devenu un Beatle à part entière. Et le reste appartient à l’Histoire… The luckiest man in the world. Cette dénomination plus affectueuse que méchante, avec toutefois une pointe de jalousie, vient du fait que Ringo est souvent considéré comme un "bon batteur mais sans plus" qui avait rejoint sur un joli coup du destin trois génies et qu’ensemble, ils ont été jusqu’à aujourd’hui le "plus grand groupe du monde".
Tout faux ! Ringo Starr a déployé sur scène et en studio un registre étendu, déclinant endurance énergisante (I saw her standing there), puissance sèche (Tomorrow never knows) et finesse subtile (Come together). Souriant et dévoué, Ringo Starr a brillamment apporté sa pierre à l’édifice des Fab Four au point même d’en être devenu le plus populaire pendant la beatlemania.

Un QI football plus élevé qu'attendu

La carrière de Jack Grealish offre pas mal de similitudes avec celle de Ringo… Evidemment très en vue à Aston Villa, Jack a connu le bonheur de rejoindre le grand Manchester City de Pep Guardiola. Le gars qui a été là au bon moment, au bon endroit… Car chez les Citizens, Jack a repris le numéro 10 de l’illustre Sergio Agüero, poussé vers la sortie après dix ans de loyaux services chez les Sky Blues. Le coach catalan avait recruté Grealish, 25 ans, joueur-phare des Villans car il recherchait un bon joueur de couloir, habile balle au pied et discipliné tactiquement.
Problème : son transfert record de 118 millions d’euros à l’été 2021 et une première saison en demi-teinte avaient soulevé doutes et quolibets jaloux à l’encontre du chanceux, indigne de côtoyer la pléiade d’artistes de l’Etihad Stadium… Et puis, comme Ringo Starr avec les Fab Four, Jack a fini par s’imposer ce dernier semestre dans la meilleure équipe du moment. Bien vu, Guardiola !
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Erling Haaland, Bernardo Silva, Jack Grealish et Manchester City ont livré une prestation éblouissante face au Real Madrid

Crédit: Getty Images

Pep a décelé chez lui un QI football plus élevé que son talent naturel ne le laissait entrevoir. Kevin McGinnity, président du club de football gaélique John Mitchell’s GAA où Grealish avait fait ses premières classes, avait isolé pour So Foot deux qualités chères à Pep : "Jack a joué des U7 aux U14. Il voyait le jeu et il était capable de garder le ballon, ce qui est un atout incroyable dans le foot gaëlique."
Le gars aux mollets mastoc n’est pas le diamant le plus brillant de la constellation de City (tels De Bruyne, Rodri, Gündogan, Mahrez, Ederson) mais, souriant et dévoué, comme Ringo, il a brillamment apporté sa pierre à l’édifice des Citizens au point d’en être devenu l’un des plus populaires. Après avoir pas mal gommé ses travers de joyeux fêtard (alcool et gaz hilarant), il reste le lad adoré de l’Angleterre du foot, the beloved maverick player, et une des figures les plus sympa des Three Lions.

Un style épuré par Pep

Sans doute parce qu’il figure actuellement parmi les rares joueurs anglais titulaires de City (avec Stones et Walker) et qu’à travers ses fortes racines irlandaise (il a fait du football gaélique et joué au foot jusqu’en U21 avec l’Eire), il reconnecte les grands clubs anglais avec leur tradition très courante autrefois d’enrôler les bataillons celtes (Gallois, Irlandais et Ecossais). Surtout, en passant de Villa à City, tout le monde salue la façon dont il a su switcher en s’intégrant parfaitement dans le puzzle de Guardiola. Pep a fait de ce joueur fantasque un pion essentiel de son dispositif tactique en lui faisant épurer son style (moins de dribbles, moins de touches de balles) et en l’astreignant à défendre intelligemment (là où Foden est moins discipliné).
En avril dernier, lors du succès contre Liverpool (4-1), déterminant pour la course au titre, Jack avait ainsi enrayé à 0-1 sur un repli fulgurant un contre Salah-Jota puis offert la passe dé de l’égalisation à Julián Álvarez. On se souvient du compliment de Coach Guardiola après la partie : "Il est le Jack Grealish que nous attendions et que les fans d’Aston Villa connaissent très bien". Un adoubement un peu tardif mais décisif : Grealish était devenu un Beatl… pardon !, un Citizen.
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Jack Grealish

Crédit: Getty Images

Bernardo Silva et surtout De Bruyne, le patron, se voient offrir une plus grande latitude de possession de balle et de mouvements. Jack Grealish dépasse évidemment aussi sa fonction de simple joueur de couloir qui mange la ligne de touche mais en s’astreignant à une règle guardiolesque non écrite : le plus par le moins. Afin d’être le plus utile au collectif. Pep l’a libéré de l’exigence faussement moderne d’accumulation de stats à tout prix. Dans les sixties, Ringo Starr s’était, lui, mis au service du génie de John, Paul et George et même si son style était moins flamboyant que celui de ses collègues Keith Moon (The Who), John Bonham (Led Zep) ou Mitch Mitchell (Jimi Hendrix Experience), il a largement contribué au Beatles Sound et collé rythmiquement à toutes leurs fulgurances expérimentales.
Autre signe de rapprochement entre Ringo et Jack : la latéralisation. Grealish est un droitier utilisé comme faux-pied sur le flanc gauche, à Aston Villa comme à City, s’offrant des possibilités de rentrer dans l’axe pour shooter ou construire au cœur du jeu. Or, Ringo Starr est un vrai gaucher qui a joué toute sa vie sur une batterie de droitier ! C’est, selon lui, une des clefs de l’originalité de son style qui le limitait un peu pour les roulements mais qui le forçait à être plus créatif dans la recherche du meilleur beat possible.

"Je suis aussi Jack de Solihull"

Enfin, Ringo et Jack sont tous les deux des monstres de résilience. Le batteur des Fab Four a surmonté une enfance et une adolescence difficiles marquées par l’absence du père et de nombreux séjours très prolongés en hôpital. Jack a, lui, été affligé à 5 ans par la mort précoce de son jeune frère Keelan, âgé de seulement neuf mois. Au foot, le jeune rookie de Villa a su surmonter les galères d’un prêt à Notts County, puis de trois années en Championship (D2 anglaise, 2017-2020). Aguerri au foot gaélique co-pratiqué avec le foot jusqu’à 14 ans, il a su s’endurcir en se relevant toujours des innombrables mauvais coups qui ont fait de lui encore récemment le joueur subissant le plus de fautes en Premier League.
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Jack Grealish sous le maillot de Manchester City.

Crédit: Getty Images

"J’ai toujours dit oui aux aventures qu’on me proposait", philosophait Ringo Starr, joyeux rescapé à 82 ans du Rock’n’Roll Circus des Swinging Sixties. Sourire canaille, impayables serre-tête et protège-tibias de U12, Jack kiffe sa life, comme il le roucoulait l’an dernier en célébrant le titre de champion d’Angleterre 2022 : "J’essaie de ne pas me prendre la tête. Tout est question de plaisir personnel, au football et en dehors des terrains. Je fais ce que j’ai toujours adoré faire durant toute ma vie. Je suis le footballeur anglais le plus cher de l’histoire mais je suis aussi Jack de Solihull (lointaine banlieue sud de Birmingham, ndlr) que mes amis et ma famille connaissent et apprécient."
Avec le temps, Ringo avait affirmé, pince-sans-rire, que c’étaient les Beatles qui avaient été chanceux de l’engager ("They’ve beenlucky to recruit me") parce qu’en 1962, les Hurricanes étaient plus en vue que les futurs Fab Four. Après tout, Richard Starkey a laissé une trace indélébile en interprétant des morceaux célèbres comme Yellow Submarine ou With a little help from my friends. Il a même écrit Don’t pass me by et Octopus’s Garden !
Jack Grealish appartient au onze-type de la meilleure équipe du moment (les Fab Eleven ?), une de celles qui marquent l’histoire du jeu. Il a fait taire les mauvaises langues qui le jalousaient en l’accablant de procès en illégitimité. Manchester City est en route vers un triplé fabuleux et inédit, Championnat (c’est fait), Cup (c’est ce samedi) et Ligue des Champions (c’est samedi prochain, 10 juin). Et les Sky Blues possèdent en Grealish un atout qu’AC-DC aurait sans doute célébré d’un refrain de supporters : "They’ve got the Jack !"
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