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Mercato : Entre la L1 et le reste de l'Europe, il n'y a plus un fossé... mais un gouffre

Martin Mosnier

Mis à jour 02/09/2014 à 16:53 GMT+2

Hormis Paris, l'OM et Monaco, la Ligue 1 n'a jamais aussi peu investi alors que ses voisins européens ont fait flamber le chéquier. Comment l'expliquer ? Faut-il s'en inquiéter ? Tentative de réponse.

Les transferts de James et Di Maria témoignent de l'écart entre la L1 et le reste de l'Europe

Crédit: Eurosport

C'est un lieu commun ressassé tous les six mois que ce soit le 2 septembre ou le 1er février, à chaque fin de mercato. La Ligue 1 s'appauvrit, ses jeunes lui filent entre les doigts, ses stars vont gonfler les effectifs des grands d'Europe et le championnat hexagonal se retrouve le bec dans l'eau. Sauf que cette saison, le phénomène s'est encore accentué. Alors qu'on pensait que l'avènement du PSG et de l'ASM changerait quelque peu la donne. 
Parce que, hors Paris, Marseille et Monaco, les clubs français n'ont jamais aussi peu investi et parce que, dans le même temps, leurs voisins étrangers, l'Angleterre en tête, n'ont jamais autant dépensé. Un chiffre dit tout de ce fossé qui se creuse entre la L1 et les nababs européens : cet été, les vingt clubs français ont investi moitié moins d'argent (100 millions d'euros) que le seul Manchester United. Paris masque une partie du trou béant qui se creuse en ayant injecté la moitié de cette somme (49,5 millions) sur le seul transfert de David Luiz.
Un marché de seconde zone
Trois équipes (PSG, Monaco, OM) ont dépensé 83 millions d'euros : c'est dire les miettes dont ont dû se contenter Saint-Etienne, Lille, Lyon, Bordeaux et tous les autres. Quinze clubs de l'élite ont investi moins de deux millions d'euros quand seuls deux clubs anglais n'ont pas franchi la barre des 10 millions d'euros d’investissement cet été. Si les départs de Cabella, Gomis, Kalou et Ménez semblaient inéluctables pour des questions de plan de carrière ou de salaires astronomiques, si ceux de Falcao et James Rodriguez correspondent à un changement de stratégie à Monaco, ceux de Stambouli, Ecuele Manga, Trémoulinas, Kolodziejczak, Krychowiak, Yatabaré (pour ne citer qu’eux) sont beaucoup plus surprenants voire inquiétants. Ils témoignent d'un appauvrissement de plus en plus profond d'un championnat qui, dans un passé pas si lointain, serait parvenu à les retenir.
"Je suis inquiet pour la Ligue 1", s'alarme Stéphane Courbis, agent de Serge Aurier ou Clément Chantôme, entre autres. "La France devient un marché de seconde zone et si deux ou trois investisseurs ne se décident pas à prendre en main des clubs de L1, on est mort ! On limitera la casse lors des 3 ou 4 prochaines années avec les droits TV ou l'Euro mais, ensuite, on aura le même championnat qu'en Belgique ou aux Pays-Bas avec une ou deux têtes de gondoles et plus rien derrière."
Bulgarisation du foot français
Il fut un temps où la Ligue 1 vendait à Chelsea, Arsenal ou Barcelone. Cet été, l'un de ses meilleurs joueurs est parti au Dynamo Moscou (Valbuena), l'un de ses plus grands espoirs, présent à la Coupe du monde, à Newcastle (Cabella), l'un de ses défenseurs centraux les plus réguliers en deuxième division anglaise (Ecuele Manga), son meilleur buteur en activité dans un club anglais moyen (Gomis). David Ospina a préféré jouer les doublures à Arsenal plutôt que de rester titulaire à Nice. Multiplier son salaire par trois l'a sans doute aidé à se décider. Les meilleurs clubs français, s'ils ne sont pas aidés par un mécène, ne soutiennent plus la concurrence avec des formations de seconde zone dans les autres pays d'Europe.
L'Angleterre s'est allègrement servie sur la carcasse encore fumante d'équipes qui se serrent tellement la ceinture qu'elles ont de plus en plus de mal à respirer. Les joueurs, eux, préfèrent quitter des clubs qui jouent le haut de tableau en L1 voire la Coupe d'Europe pour des clubs étrangers sans grosses ambitions nationales (Kalou de Lille au Hertha Berlin).  "La pression fiscale est telle sur les joueurs et les clubs en France qu'ils préfèrent partir à l'étranger dans des clubs peut-être moins ambitieux", nous confie Courbis. Tant pis pour le challenge sportif. "C’est triste mais l’OL a dépensé 6,5 millions d’euros au titre de la taxe à 75%, or ce n’était pas prévu", rappelle Jean-Michel Aulas.
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Kalou lors de sa présentation à Berlin

Crédit: Eurosport

Trabzonspor plutôt que Lille ou Rennes

"On assiste à une bulgarisation du foot français, nous sommes en danger", nous prévient Bernard Caïazzo, président du comité de surveillance de l'ASSE. "Il faut savoir que Valbuena touche en net au Dynamo ce qu'il touchait en brut à l'OM et il coûte moins cher au club russe. On ne peut pas lutter avec les autres pays européens." Comme la Turquie par exemple. Lille et Rennes ont été intéressés par l'ancien attaquant de Guingamp, Mustapha Yatabaré, et par Majid Waris, attaquant du Spartak Moscou, excellent avec Valenciennes l'an passé. Les deux clubs français n'ont conclu aucun deal et ont préféré miser sur des joueurs moins chers mais aux références moins séduisantes (Habibou pour Rennes, Frey pour Lille).
Dans le même temps, Trabzonspor signait Yatabaré ET Waris. "C'est une réalité", constate Laurent Schmitt, agent de joueur. "Aujourd'hui, un joueur de Guingamp ou Reims peut préférer des projets à l'étranger. Trabzonspor aujourd'hui s'est payé deux cracks que des clubs de L1 surveillaient grâce à un projet sportif et à des arguments financiers supérieurs." Voilà comment l’indice UEFA de la France ne cesse de se dégrader. Le Portugal et la Russie devancent désormais la Ligue 1 et ce mercato n’annonce pas de redressement spectaculaire. Bien au contraire.
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Emerson (Rennes) au duel avec Yatabaré (Guigamp en Ligue 1 (2014)

Crédit: AFP

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